Au boulot

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Quand j’ai commencé à travailler, j’avais l’impression qu’il faut toujours s’éfforcer d’être poli ou gentil avec les gens : mon idée, en gros, c’était que la courtoisie engendre des rapports plus fluides ; je suis revenue à cette idée, mais après des détours.

Ma courtoisie consistait à écouter avec politesse ce que l’on me disait et à ne pas avoir l’air de tout savoir ; j’ai rencontré au boulot des personnes diligentes, actives, affairées, qui prétendaient tout faire dans la société, être quasiment indispensable, et qui, d’un autre côté, me donnaient toutes sortes d’informations utiles et pratiques. Au bout d’un moment, je me suis aperçu qu’elles étaient souvent très peu efficaces, et surtout qu’elles essayaient de me contrôler pour me nuire, dans le souci de préserver leur poste.

Du moins est-ce ainsi que j’ai interprété leur attitude, et le contraste entre leur gentillesse et leur amabilité et les « coups bas » qu’elles faisaient me paraissait une preuve évidente de mauvaise foi et de méchanceté hypocrite.

Mais, naturellement, ce n’est pas aussi simple que cela : en fait, le truc, c’est que les gens sont plutôt assez aimables, et même agréables : on peut blaguer, rire, déconner – mais par en dessous, quand l’occasion se présente : coup bas.

Curieux, non? Des gens sympas qui peuvent faire des vacheries.

J’ai alors observé (les autres) et compris un truc : l’homme est un loup pour l’homme.

En effet, les gens sympas ou disons agréables qui vous font une vacherie que vous ne comprenez pas ont l’air d’être un paradoxe, mais ils obéissent à la règle sus-citée.

Si votre collègue, même sympa, a l’impression que vous êtes gentille, cool, brave, en un mot, faible, il en profitera à la moindre occasion. Il vous piquera vos bics, finira le café sous votre nez, etc. Et ça, c’est rien, juste désagréable. Mais il pourra aussi sourire avec une ironie condescendante quand on dira « Fanette, elle est distraite, hein? » – voire ajouter, sans même vraiment avoir l’impression d’être salaud : « pas très fiable ».

ça ne vous rappelle rien?

Votre collègue qui se répand en explications saoûlantes sur le fonctionnement de Power Point perd du temps inutilement parce qu’elle n’utilise pas la trieuse, ou bien vous pourriez faire mieux qu’elle avec Windows Movie Maker. Mais c’est elle qu’on écoute, parce qu’elle parle, elle, alors que vous faites juste votre boulot. Moi, dans le genre, j’ai entièrement refait la présentation d’une d’une collègue quand j’étais en stage, contente que j’étais de partager mon savoir avec une collègue super sympa et drôle ; qui a très bien su utiliser et retenir les explications que je lui ai donné (en toute modestie, car je ne suis vraiment pas une pro des présentations : mais il y a toujours des gens plus nuls que soi) ; et a montré à tout le monde la présentation que j’avais faite comme si c’était la sienne ; j’étais stagiaire, mais j’ai moyennement apprécié. Elle aurait pu dire : « Regardez ce que j’ai réussi à faire avec les conseils de Fanette ! « . Le problème, c’est que j’étais bien loin d’imaginer que mes maigres connaissances pouvaient être utiles à quelqu’un.

J’ai traduit des docs à des collègues, parce que je touche à plusieurs langues, mais mal. Mon portugais approximatif ne me paraissait pas particulièrement impressionnant ; on m’a appris à ne pas me vanter de connaisances imparfaites ; je comprends le portugais écrit comme une hispanophone qui a du vocabulaire. Mais c’est à une autre qu’on a dit, avec surprise : « Mais tu comprends le portugais? » et qui a répondu, avec une modestie qui ne m’aurait pas forcément mal réussi : « Oh, je me débrouille…. ».

Il est possible que ces gens ne soient pas si méchants (c’est que je me dis maintenant). Pour certains, on peut même dire que ça se passe peut-être comme ça : ils ne sont pas sûrs d’eux, ils ont peur d’être viré, ils ont des enfants, des emprunts, des soucis, et si quelqu’un leur donne l’occasion d’avoir l’air plus compétents, et le fait sympathiquement, sans paraître demander quoique ce soit, pourquoi ne le prendraient-ils pas?

Objection : ils pourraient dire merci, ou évoquer votre aide, vous mettre un peu en avant?

Oui, mais ils peuvent aussi avoir l’impression que vous avez tellement de qualités que vous n’avez pas besoin qu’on en rajoute.

Ils peuvent se dire que bon, pour le coup, ils vont se mettre en avant, eux et juste eux, vous ce sera une autre fois.

Ils peuvent ne pas y penser du tout : vous les avez aidé, et quoi? fallait pas le faire si vous ne vouliez pas qu’ils comprennent les spécifications techniques du bidule.

Ils peuvent vous utiliser froidement (mais à y réfléchir calmement, les évènements passés, ce n’est pas cela qui prédomine).

Quelles que soient leurs raisons, vous existez aussi, vous et il n’y a aucune raison de vous effacer devant les autres.

OK. Donc, il ne faut pas être gentille et serviable.

Il faut être salaud et garder ses compétences pour soi, comme un écureuil égoïste.

J’aime pas, en plus je suis trop spontanée, même si je me plante souvent.

Il y a deux ans, je me suis demandé si, à l’aube de ma vie, je devais déjà me comporter en vieille peau crispée sur ses trois compétences comme un crabe de mauvaise humeur. Je me suis sentie toute démoralisée. Je vous explique : OK, l’homme est un loup pur l’homme, le monde est une jungle, tout est pourri, Sarko se fout du fric plein les poches parce qu’il est président et pas moi, Pierre -Henri a un yacht et pas mon père, y a rien qui va.

mais moi je m’en fous.

Je veux que ma vie ressemble à la thermos de la Méchante. Eh ouais. Cruche, hein? Parce que faut toute qu’on soit des Rambos du boulot, ou des Lara Croft, super fortes, super battantes, super super, bien habillées, bosseuses, ou écrasantes, qu’on sorte en boîte jusque 5 heures du mat et qu’on revienne avec un ou plusieurs mecs, et sinon on se rabat sur des sex-toys. Je serais volontiers comme ça, c’est pas ça, moi je veux être une battante, moi je veux bouffer les autres, si, je veux, mais ça me fatigue, c’est pas dans mes priorités, je préfère ma couette, ma pâte à tartiner, Audrey Hepburn, Brad Pitt, Gaël, les arbres, les fleurs et les petits zoizos.

Parce qu’aujourd’hui il faut être libre et se sentir soi-même, mais ça va plutôt dans le sens : réveille le killeur (ou la killeuse) qui est en toi, et pas va dormir avec le chat tout mignon tout rose qui est en toi.

Or, il y a bien une killeuse en moi, si, mais loin. Elle ressemble un peu à Uma Thurman dans Kill Bill, d’ailleurs, mais comme après elle passe dans des arbres à la Sarah Kay, avec des petits trucs roses et dorés en dentelle partout, quand elle arrive devant la personne qu’elle doit tuer elle est total déconcentrée, elle sautille, elle chante des chansons de Abba ou les Palétuviers (aimons nous sous les patu, prends moi sous les laitues, aimons nous sous l’évier) et elle n’y arrive pas.

J’ai donc développé une stratégie en plusieurs points, adaptée à ma personnalité. La killeuse, oui, mais version « Hello Kitty ».

Je fais ce que je peux, et donc ce que je veux et j’ai décidé que c’était pas parce qu’on vivait dans un monde comme ça que je devais me transformer en soldate de Tsahal.

Ah, ah, ah.

Demain la suite. ça fait teasing, je sais, mais finalement c’est pas mal et surtout : voyez-vous de quoi je parle, ou ne suis-je qu’une bluette égarée dans le monde du travail (question que je me pose souvent, même si j’essaie avec persévérance de me transformer en lion – pas gagné – pourtant je vise juste le lion de Oz)?


18 réponses à “Au boulot

  1. Tout bon week-end ma jolie!!
    chouette les illustrations! 😉
    gros bec!

  2. J’avoue que le coup de la présentation, ca peut se justifier, mais elle aurait pu te le demander avant, genre « ca ne te gene pas que je ne precise pas que tu en es l’auteur ? Parce que … »

    Moi aussi je suis une gentille au boulot, mais j’ai eus de la chance, j’ai déjà trouvé des boulots gentils, ou tout le monde s’aime, etc.
    J’ai déjà connu celui ou j’étais la manager over gentille, ca a été la cata format XL, je m’en suis pris plein dans la gueule la par contre.

    Au fait, moi je dis que tu as raison de partager tes compétences, que tu es un amour, et que tu fais ton boulot bien. Même si tu n’es pas encore tombée sur des personnes assez intelligentes pour s’en rendre compte et dire juste merci

    Bisousss et bon wkend !!
    Donc c’est vrai que jpense que lon peut etre gentille au boulot, sauf quand on est censé avoir un potes a responsabilité, ou il fait alors savoir etre gentille, mais rester ferme

    bisousss

  3. La vie professionnelle est une jungle!!!

  4. Joli plaidoyer, je te suis, je suis aussi une killeuse en papier maché.
    Je peux être une killeuse Totoro plutot que Kitty moi?

  5. J’ai le même souci que toi. J’aidéjà essayé de changer,de moins me faire avoir mais ca n’est pas ma personnalité.

    assumons nous donc telles qu’on est.

    ce qui ne m’empeche pas, car je suis soupe au lait, de gueuler quand j’estime que c’est trop injuste (calimero style).

  6. ah les collègues … mais dans la vie courante peu de gens savent encore merci !!!!!
    Bon weekend

  7. J’ai peut-être eu de la chance dans ma vie professionnelle, mais dans la plupart des boites (ou des équipes) où je suis passé, j’ai toujours trouvé qu’il y avait plutôt une bonne ambiance.
    Et qu’en général, c’est quinze fois plus efficace de se serrer les coudes que de se tirer dans les pattes…
    Rien ne vaut rigoler ensemble quand le boulot est cool, et se donner des coups de mains dans le rush d’une fin de projet !

  8. Fanette ton billet de ce jour me fait tres mal… parce que je suis en train de vivre la situation. A chaque fois je me dit ne sois pas gentil, ne fais pas confiance et a chaque fois qu’une nouvelle personne se presente devant moi avec un beau sourire, je retombe… I want to be a Shark!!!!

  9. Ah le monde impitoyable du travail, je connais et dans la mode il peut vraiment etre impitoyable, avec reflexions sur le physique et tout et tout…
    Le pire ennemi de l’homme… c’est l’homme, je persiste a dire ca, c’est triste mais c’est vrai. Sauf parfois, tu tombes sur quelqu’un qui est comme toi et qui reste ta copine meme un fois que tu quittes la boite, ca m’est arrive, comme quoi faut garder espoir et rester soi-meme, on se ferra avoir parfois mais on pourra toujours se regarder dans la glace.

  10. Ah tiens l’expression « une killeuse oui mais en Hello Kitty » m’a fait bien marrer. Effectivement, c’est un bon compromis. Au final, on y gagne quand on accepte que le boulot c’est un milieu de requin : si tu ne te vends pas toi même, personne ne le fera ! Il faut donc accepter de perdre ses illusions… Mais c’est pas facile tous les jours ! Par contre, j’ai quand même rencontré de très bons amis grâce à mon ancien boulot. Depuis on a tous changé mais on est restés très proches et on se voit souvent ! Comme quoi : un milieu de requin oui, mais aussi de belles rencontres (tout est dans la nuance 😉

  11. Bon, je vois que plusieurs sont concernés par le problème, mais pas tant que ça : je dois bien faire partie des filles gentilles, mais n’ayez crainte, ça a évolué…
    Yoyo : tu as mis le doigt sur le problème : ces situations sont parfois douloureuses ; avant de voir les choses autrement, j’étais plus sensible et je vivais tout ça mal, presque personnellement (alors que ce n’est pas personnel).
    D’où la nécessité de s’adapter et de trouver un moyen de gérer la situation.

  12. Yepah!
    Je découvre ici par hasard, et du coup je passe un bon bout de ma soirée à te lire… toute spontanée que tu es, les mots fluides, les descriptions rigolutes tout plein, des questions, des références de film… bref, bien sympa! Je ne regrette pas d’être passée par là. Concernant le boulot et les relations là bas, bin moi je dis que les connaissances ne valent que pour être partagées, si tout le monde engrangeait chacun dans son coin depuis la nuit des temps sans partager, on ne saurait toujours pas allumer un feu… Bref, reste toi -même, et si les collègues se vantent de choses que tu leur a transmises, et bien essaie de prendre ça comme un compliment personnel, et en même temps rien ne t’empêche de leur parler en tête à tête après, pour leur demander pourquoi elles ont présenté la chose de cette façon, que tu aurais aimé faire partie de la fête quoi… enfin bref, c’est clair que les relations au taf ça peut souvent être difficile…
    Be yourself et tente de regarder le bon côté des choses toujours ;o)
    Bonne nuit Fanette!

  13. bien vu !!! ..peut être travaillons nous dans la même boite ???
    Comme l’a dit yoyo, le naturel revient au galop

  14. Oui la vie professionelle est une vraie jungle, il faut être une killeuse!
    Je crois que ça ne marche pas quand on est gentille avec tout le monde, j’ai eu une mauvaise experience au debut de ma carrière professionelle et j’ai pu en retenir une bonne leçon!

  15. Moi, je n’aime pas les pourris qui font des coups bas dans notre dos ou nous utilisent comme bon leur semble sans dire merci. Ceux là, je suis polie avec eux, mais qu’ils ne me demandent plus jamais rien. Je suis rancunière, tant pis pour eux, fallait y penser avant !

  16. Il faut surtout apprendre à dire NON. Enfin, c’est ainsi que je le conçois pour moi.

    Au début d’un boulot, je dis toujours oui à ceci et cela parce que je ne sais pas où sont les limites de mon job et que je veux performer. Alors je disais oui. Puis à un moment donné, y en a marre de faire le boulot des autres pendant qu’ils se pognent le… Maintenant, le loup est sorti de sa tannière, c’est NON.

  17. Quel recul !!
    Bref, instinctivement je suis froide dans les rapports professionnels entre collègues… C’est avec le temps, que ça se réchauffe, ou pas, ou jamais pour certains ! J’ai gagné en respect, mais surtout en tranquillité 🙂
    Et maintenant, je bosse alone ; alors je viens papotter sur la blogo 😉

  18. Je te rassure, ça me parle tout à fait ton histoire, tu n’es pas la seule à te sentir comme ça au boulot. J’adore ton analyse et ton style comme d’hab 🙂