Hedwige amoureuse et malheureuse

C’est nul, hein? Me dit Hedwige, sans oser me regarder.

Comment cela pourrait-il l’être? On ne choisit pas ses sentiments. Bon, Hedwige s’en veut d’avoir cédé à la base : elle aurait du le rejeter tout de suite. Mais elle n’a pas vu le glissement : il a toujours été, me raconte-t-elle, un peu trop tard.

– C’était un collègue super, sympa, drôle, intelligent et agréable. trop beau pour être vrai. Tu imagines? Un mec au boulot, pas désagréable à regarder, avec qui tu peux parler de ciné, de bouquin, de sortie? Pas trop vieux, pas trop jeune, pas macho… Attends : on a sympathisé, et c’est tout. On était copain. Mais j’étais contente d’aller au boulot à cause de lui.  A ce stade, quand je me suis rendu compte, pendant un arrêt maladie qu’il a eu, que je me faisais chier au boulot sans lui, ça m’a bien paru suspect… mais il est revenu, et j’ai été si contente de le voir. On s’est revu avec encore plus de plaisir, et en dehors, franchement en dehors. Il m’a accomppagné à la Fnac, on a parlé bouquin, ciné… parfois on prenait un café. OK? Je savais qu’il était marié. Quand je l’ai embrassé la première fois, j’avais juste envie de l’embrasser… juste. D’accord? Je ne voyais pas d’avenir… D’ailleurs, je n’en vois toujours pas. A chaque fois, c’était juste… il m’a dit qu’il aimait sa femme, et ses enfants, et je lui ai dit – je lui ai ri au nez. Je suis une femme indépendante, moi ! ( Rire sarcastique). En plus, quand je me regarde de l’extérieur, je suis une vrai salope, tu vois? Sa femme, ses enfants… Il leur ment. Mais ça, c’est quand je regarde de l’extérieur, quand j’essaie de penser à ce que je penserai si j’étais toi – ou sa femme – mais quand je vois les choses, de l’intérieur… je voudrais juste…. juste… des trucs normaux, de couple.

Elle se penche vers moi et fait des gestes avec ses mains.

– Et en plus tu sais quoi? Si on vivait ensemble, je suis sûre qu’au bout d’un mois ça ne marcherait pas. Rien que l’idée, tu comprends, rien que l’idée qu’il ait ailleurs une femme dont il aurait divorcé, et qu’il y ait les enfants – je ne veux pas. Tu me suis? je veux la même chose que maintenant, sans souci sans contrainte, mais en couple.  Pas en couple recasé.

Elle continue à faire des gestes avec ses mains.

– Parce que attends, il y a ses amis aussi. Il ne peut pas me présenter à ses amis. A cause de sa femme. Ils la connaissent. Ils l’aiment bien. Ils sont une bande. Il a peur de perdre ses amis. Non, pas de les perdre, mais de tout casser. Tu suis? Et moi, je suis quoi, la dedans? Une conne. Une salope.

Je toussotte.

– Non, dis-je fermement (c’est le seul truc que je puisse dire fermement). Tu es dans une situation inextricable, mais tu n’es ni conne, ni salope.

Hedwige se lève.

– Il faut que je fume.

Bon. Je sors avec elle, les autres clients nous suivent du regard.

12 réponses à “Hedwige amoureuse et malheureuse

  1. Une situation pas facile….

  2. ben j’en connais qui ne s’en sont jamais remises, surtout à la quarantaine
    heureusement, j’imagine qu’elle est jeune, et elle s’est déjà fait une raison, quasi en processus de deuil, prête à se laisser happer par autre chose

  3. c’est clair… l’autre fois j’entendais une fille en parler dans le métro à sa pote au tel.
    La même histoire…
    Y a pas de solutions types

  4. Ouais, ben je la plains ! Pis la femme de l’autre aussi, du coup!

  5. Bien oui, voilà le genre de situation inextricable! Et pourtant ça vient comme ça doucement et ça part bien souvent moins doucement… Mais voilà, si l’homme accepte , après tout est-il vraiment si heureux? Ou a -t-il besoin de piment? dans ce cas là je suppose qu’il lui manque quelque chose.
    Puis, il y a ceux qui recherchent toujours le petit plus…
    Mais quoi qu’il en qoit, il n’y a rien à espérer..
    Je te souhaite une agréable semaine, elle ne devrait pas être terrible au niveau du temps, j’ai fait mes carreaux, lavé la voiture, donc il ne peut que pleuvoir…Pff!
    Mais ce n’est pas ça qui va nous abattre hein?
    Bonne semaine. Bisous. Soledad

  6. Ahhh les histoires d’amour interdites… Un grand roman. Qui n’a jamais dit, fontaine je ne boirai pas de ton eau et hop sans même s’en rendre compte, sans même le vouloir (car qui veut prendre le rôle de la salope?) on se retrouve piégée. Et comme c’est un amour interdit, il est d’autant plus fort, passionnel, fusionnel.
    Et plus on se convainc qu’il en faut pas, que cela n’a pas d’avenir, qu’il a une femme à la maison, que c’est dégueulasse, etc. Plus on aime, plus on vit et respire pour l’autre. Un truc de dingue.
    Une histoire qui se termine en général mal pour la fille d’à côté. L’homme ne quitte jamais sa femme, son confort et sa sécurité. En tout cas, je n’ai jamais vu ce genre de dénouement, bien au contraire.

  7. C’est con qu’on ne puisse choisir ses sentiments. La vie serait tellement plus simple…

  8. On peut choisir ses sentiments. C’est de les assumer qui est difficile. Pour moi c’est tout ou rien. S’il ne peut pas faire de choix, ce que je comprends bien (à cause de femme et enfants) alors il reste avec sa famille et Hedwige sèche ses larmes pour voir quelqu’un de plus disponible et honnête.

  9. Sans transition avec les déboires d’Hedwige : tu étais citée ce matin sur France Info, dans la rubrique de David Abiker, à propos de ton billet sur la Rolex! Va le podcaster si tu ne l’as pas entendu!

  10. Ah, merci Sheily !! Grâce à toi j’ai vu ça, c’est super sympa !!

  11. Ca ne doit pas être plus facile à gérer pour le mec que pour Hedwige…
    J’imagine ça (très bien) par l’autre bout de la lunette. Et ça ne peut que mal se finir, ce genre de « folies »…

  12. zut, j’écoute tous les matins et j’ai pas entendu !!! La France entière a entendu parler de toi et j’ai pas entendu mouah !!! zout, zout zout !
    Et bravo !