J’en étais là, avec Hana, à prendre un petit dej, mais je me permets une petite digression. A propos du gras. Et du sucré. Et du résultat sur notre corps et notre peau.
On a beau savoir comment ça fonctionne, il est toujours désagréable de ne pas ressembler à une super belle femme, pas forcément un top model, mais une femme avec un teint lumineux, pas trop de bourrelets disgracieux, ou de renflements cutanés ça et là.
Oui, on se dit qu’on s’en fout, on s’en fout complètement, on est libre, on est au dessus de ça – mais.
Elles sont partout, les femmes parfaites, dans le métro, dans la rue… Elles s’étalent en affiches gigantesques et se glissent dans notre regard sans même qu’on le remarque. On a beau ne pas y penser, notre regard enregistre machinalement ces corps fins, souples, déliés, ces peaux parfaites, lisses, lumineuses. En fait, chaque fois que nous (hommes ou femmes) de notre époque voyons un corps nu ou partiellement dénudé, il a été retouché. Nous ne voyons donc que rarement des corps nus réels (on ne voit que ceux de nos proches, et la plupart du temps – vous je ne sais pas – mais moi en tout cas – on les voit habillés). On peut donc régulièrement constater, quand on se voit soit même, à quel point on est loin des images que l’on voit.
Et on sait où se situe le mal (ou du moins on le croit) : d’une part, les mannequins sont maquillés ; et d’autre part, nous, contrairement à eux (surtout à elles), nous mangeons trop : le diable est dans les aliments, surtout le gras sucré. On s’en moque – mais on n’est tout de même condamnées, culturellement, à haïr le gras sucré….
Sauf si comme ma famille du côté ouest, on barbote dès potron minet dans le café au lait, le verre de rosé à 11 heures, avec un peu de saucisson, la rouelle de porc patates sautées à 13 heures et le chou farci au soir. Là, c’est autre chose, on a un autre système de référence, très médiéval, on vous trouve un peu maigre en 40, bien portante en 42 et 44. OK. Mais si on n’habite paris ? On fait quoi ?
Sauf exception (les Bridgets , par exemple, me l’ont confirmé sur twitter), on culpabilise plus ou moins. (Les Bridgets n’y pensent pas ; elles sont trop fortes ; je voudrais bien être comme elles).
Et c’est injuste, car manger est un plaisir, et sans se gaver de gras sucré, de toute façon on finirait pas être malade, c’est tout de même une belle perversion de notre société que de nous faire culpabiliser sur un plaisir, et de tenter à la place de nous vendre des produits allégés sans goût qui diminuent le plaisir de manger, quoiqu’en disent les pubs, dont les textes ne mentent pas moins que les photos).
C’est pourquoi cette nouvelle m’a surprise mais enthousiasmée : un chercheur en informatique, Hany Farid, associé avec un de ses élèves doctorant Eric Kee, a mis au point un algorithme qui permet de visualiser le nombre de modifications subies par une photographie.
Plus que de longs discours, vous pouvez voir les photos là. C’est saississant et rassurant. Regardons Angelina Jolie. Elle n’est pas laide, sur la photo non retouchée, non, elle a juste l’air normale : son grain de peau est moins lumineux, mais plus réel.
De même cette femme a-t-elle juste l’air normale.
Plus rassurante et plus humaine, pour nous autres, que sa parfaite version rectifiée.
Sans compter ce qu’il y a d’humiliant pour toute femme, nous ou celle de la photo, à modifier sa propre image pour qu’elle soit plus conforme à un idéal qui n’existe pas. Et l’humiliation n’est que le point de départ : c’est humiliant, c’est traumatisant pour les jeunes filles qui ne sont pas conformes à ce canon (quasiment personne ne peut l’être), cela peut être source de comportements alimentaires destructeurs et d’une baisse de l’estime de soi.
Si vous voyions plus de femmes de ce genre, nous serions plus copines avec nos corps ; ils ne nous sembleraient plus imparfaits, mais parfaitement normaux. J’aimerais bien réussir à convaincre mes yeux que ces petits bourrelets et cette peau terne sont une norme, et non une malchance.
Ce qui nous permettrait de tremper, à l’occasion, les croissants au beurre dans le café sans plus de scrupules.
Alors, si ce logiciel pouvait contraindre la pub à moins tricher sur les photos. Si des modèles plus authentiques pouvaient être mis sous nos yeux à la place de ces corps aux plastiques invraisemblables. Si les images que les affiches du métro ressemblaient un peu plus à ce que nous sommes…
Ça serait bien, non ?