(TiBo) Commençons. Bien que je ne sache pas vraiment par quoi commencer. Nous étions un lundi quand ça s’est produit. Le 17 mars. C’était l’année de mes 34 ans. Tout s’est passé si vite, et en même temps, comme au ralenti. Voilà mon histoire… Toute mon histoire.
(Rade) Je venais de déménager à Paris. Pas loin des Halles. Ce jour-là, l’interphone m’avait réveillé. J’avais éteint mon réveil pour profiter d’une grasse matinée bien méritée, après un week-end chargé en déménagement. Mais apparemment mon nouveau facteur était matinal, et le colis ne pouvait pas attendre. (Cat.0) J’avais donc dû me lever, forcé et tiraillé par l’envie de reposer me replonger dans mes rêves. J’aurais pu, oui, ne pas ouvrir la porte. J’aurais pu me rendormir, succomber à cette tentation de l’oreiller. J’aurais pu… peut être même que j’aurais dû… tout aurait peut-être été plus simple…
(Boris) D’un geste rapide, j’avais enfilé un tee-shirt puis ouvert la porte en me tenant de travers, afin de ne pas montrer au livreur que j’étais encore en sous-vêtements. À son sourire moqueur, je compris que ma coiffure trahissait une nuit agitée. Exaspéré, j’avais signé le reçu, pris le paquet et claqué la porte sans lui adresser le moindre mot supplémentaire. Le colis devait peser dans les 2 à 3 kilos, guère plus, répartis uniformément dans un format de type « boite-à-chaussures ». Un colis classique, en somme. Celui qu’on imagine toujours dans les mauvais romans.
(Fred de Mai) Ma curiosité aurait dû être éveillée mais un coup d’œil rapide à l’oreiller me rappela la seule priorité de cette journée pas encore ensoleillée : dormir. Dans un saut de l’ange disgracieux, je m’écrasais dans le matelas encore tiède de la chaleur de mon corps endormi tout en laissant tomber délicatement le paquet sur la moquette épaisse. C’est alors que je l’entendis pour la première fois.
(Ardalia) Un petit bruit. J’avais pourtant la tête bien enfouie dans l’oreiller mais le petit bruit persistait. Un petit tic-tac de réveil, imperturbable, obstiné, irritant. Je me redressai et regardai sans comprendre mon radioréveil électronique. Ce n’est qu’à ce moment que, appuyé sur un coude et localisant maintenant l’origine du bruit, je compris l’équation. Le colis hermétique de papier kraft faisait tic-tac. Juste comme ça : tic tac… Un jour, je raconterai ma passion pour les films d’aventure. (
Anna) C’est certainement ma passion pour Indiana Jones qui m’a fait me relever et saisir ce paquet très précautionneusement, certain qu’il s’agissait d’une bombe. J’ai vu défiler devant mes yeux non seulement ma vie, mais la liste de tous ceux qui pourraient songer à m’éliminer. La concierge, pour les jours où j’oublie de m’essuyer les pieds sur le paillasson. Mon compagnon de chambre à la fac, qui ne m’a jamais pardonné toutes les fois où je suis rentré trop tôt et l’ai empêché de profiter de la soirée avec sa copine. J’en étais à me demander si j’avais des livres de bibliothèque en retard, ce qui pourrait expliquer la vindicte d’une bibliothécaire ulcérée ou d’un lecteur impatient, quand ma compagne sortit de la salle de bains, un sourire et du dentifrice sur les lèvres.
« Super, ils sont enfin arrivés !
– Chérie, éloigne-toi de ce colis.
– Mais enfin mon amour, tu perds la boule ? Lâche ça !
Ce sont les horloges de la mort que mon collègue entomologiste de Lyon m’a envoyées. Tu sais, les insectes qui bouffent le bois et font tic tac, je t’en ai parlé, non ? Je t’ai dit que je voulais étudier leur étonnante capacité de régénération… »
(Krazy Kitty) Ah non. Pas cette fois. Pas encore ! « Choupette, ma mignonne, je croyais qu’on s’était mis d’accord.
– D’accord ? D’accord sur quoi ?
– Ton boulot. A quoi ça sert que tu aies un laboratoire à l’université si c’est pour nous ramener des bestioles à la maison ? On avait dit le boulot, dans ton laboratoire, plus à la maison. C’était le principe même de ce déménagement !
– Laboratoire, laboratoire, j’aimerais bien t’y voir, toi, sur ce coin de paillasse…
– Des termites, qui plus est ! Des termites ! Dans la même pièce que la commode Louis-Philippe qui me vient de Grand-Mère !
– Des horloges de la mort, je te dis. Des grosse vrillettes. Xestobium rufovillosum. Rien à voir avec des termites ! Les horloges de la mort n’ont même pas d’ailes ! Et puis tu as vu la quantité de scotch, sur ce paquet ? Comment veux-tu que les bestioles s’échappent ? Je les amène avec moi au labo ce matin, ne t’inquiète pas.
– Tout de même ! Un paquet qui fait tic-tac ! Des ter… insectes bouffeurs de bois quasiment sur ma commode Louis-Philippe ! Du boulot dans notre appartement quasiment dès le premier jour ! Tu ne trouves pas que tu y vas un peu fort ?
– C’est-à-dire que… je préfère garder cette étude la plus… discrète possible. Et tu sais comment est la secrétaire, non, pardon, Madame l’Assistante Administrative… toujours à bavarder… ça pourrait être dangereux.
– Dangereux ? »
(Fanette) J’en avais le souffle coupé. Des insectes bouffeurs de bois dans la même pièce que la commode Louis-Philippe de ma grand mère
– ET dangereux – ET je me devais de conserver un calme jupitérien ? Jupitérien avant la foudre et l’ éclair, oui !
– Poupette, si c’est dangereux…
– Noooon, s’écrira ma compagne en se laissant gracieusement choir sur le bord du lit. Mon chéri, tu n’as rien à craindre. Non. C’est pas ça. Que je t’explique. Elle prit un air de conspiratrice qui m’inquiéta. – En fait, on a pas eu le financement pour le projet, Jean et moi, et donc on veut se lancer dans l’étude euh… en douce. Non mais ces radins, tu comprends, si on fait la recherche, ils seraient capables de s’attribuer le mérite au labo, alors que le labo, il s’en balance.
– Mais ça va pas ? Tu vas faire de la recherche bénévole ? En off ? Je comprends rien, comment c’est possible ? Elle soupira.
– Si les animaux n’arrivent pas par la voie officielle, ils ne sont pas là officiellement, c’est tout.
– Mais on peut les voir ? Chez vous ? Dans votre labo ?
– Pour voir, il faut chercher. Pour chercher, il faut émettre des hypothèses. Si l’administration du labo était apte à en émettre, des hypothèses, je ne serais pas en train de faire ce que je fais, je serais en train de recevoir mes crédits pour ma recherche, tu suis ? S’ils sont cons c’est pas mon problème, d’abord on cherche, après, on voit ce qu’on trouve. Quand on aura trouvé, on verra ce qu’on en fait.
(Sébi) Choupette retourna dans la salle de bains, où je l’entendis se rincer enfin la bouche à coups de gargarismes bruyants. Visiblement égayée par son stupide colis, elle se mit à chantonner alors qu’elle entrait dans la douche et ouvrait les robinets à fond. Elle faisait moins doucement maintenant qu’elle me savait réveillé. La tournure que prenaient les choses me déplaisait au plus haut point. Les mains soudain moites, j’allai décrocher le téléphone sur la pointe des pieds.
– Allô Fred ? C’est Thibaut, je dis à voix basse. Silence à l’autre bout du fil.
– Fred ?
– Je t’avais dit de jamais m’appeler à ce numéro. Sauf…
– … sauf en cas d’urgence. Et tu crois que c’est pour quoi que je t’appelle, là ? On a un pépin, mec. Gros. Silence à nouveau. Fred n’était pas du genre bavard, ce qui était plutôt une qualité, dans sa fonction.
– Vas-y, il dit. Je pris une profonde inspiration, le temps de rassembler les éléments dans ma tête et de retrouver un semblant de calme. – Choupette a ramené des Xestobium rufovillosum à la maison. Elle dit que c’est pour un projet de recherche officieux. Une boîte pleine, à entendre le boucan qu’ils font. Je chuchotais de plus en plus fort, à mesure que je réalisais ce que j’étais en train d’annoncer à Fred.
– Merde ! il dit simplement.
– C’est une bombe, ce que j’ai dans mon appart, tu le sais, Fred ! Une putain de bombe ! Si ces bestioles entrent en contact avec le DTC-421, tu sais ce qu’il peut arriver ! La respiration de Fred s’accéléra, mais il la contrôla rapidement.
– Thibaut, garde ton sang froid. Où est planqué le DTC ?
– Dans la commode Louis-Philippe de ma grand-mère.
– C’est un endroit sûr ?
– J’ai dit à Choupette que je craignais que ses termites bouffent la commode…
– C’est pas des termites, Thibaut, t’es débile ou quoi ?
– Je sais bien que c’est pas des termites, mais jouer au con a été le seul moyen que j’ai trouvé pour qu’elle les tienne à distance du DTC. Il faut gagner du temps.
– Ta Choupette se fait manipuler, Thibaut. C’est quand même un comble que les horloges de la mort arrivent chez toi pile poil quand le DTC y transite, le lendemain de ton déménagement.
– Fred, il faut que tu m’aides. J’ai vraiment peur, là.
– Non, Thibaut. Si j’interviens maintenant, je grille ma couverture. Tu vas devoir agir seul pour l’instant. On passe en procédure d’urgence, phase 1.
– Mais… et Choupette ?… Je refuse qu’il lui arrive quoi que ce soit. Silence à nouveau. – Fred ?… Fred, réponds !
– Tu connaissais la règle avant de la rencontrer, Thibaut. Tant pis pour elle. Fred raccrocha, clic. Je me retrouvais comme un con au milieu du salon encore jonché de cartons, les yeux écarquillés, le poing serré sur le combiné. Choupette sortit de la salle de bains à ce moment-là, toute nue, les cheveux encore mouillés, et prit une pose cambrée le long du chambranle, le visage rayonnant du sourire irrésistible qu’elle avait copié sur Scarlett Johansson. – Thib’, j’ai douze minutes avant de filer au labo. On fait l’amour ?
(Aude) Et sans attendre elle me saute dessus. Je bande aussitôt. Je m’en veux. Elle a l’habitude de dire : « Thibaut, je l’effleure du petit doigt et il se met à bander illico ». J’ai un peu le sentiment d’être un sex toys géant quand elle dit ça mais je dois bien avouer que cela est vrai, rien mais rien même les horloges de la mort ne pourrait m’empêcher de m’engager dans une partie de sexe échevelée. Et puis on est pas à 12 minutes près quand même ! Mon oreille distraite ne peut s’empêcher d’entendre le tic tac des fichus bestioles, Choupette aussi les entend. Elle se lève d’un coup.
– Excuse-moi, le tic tac des horloges de la mort me stressent. J’ai l’impression que je vais être en retard. Je m’habille et j’y vais.
(Janeczka) En deux temps, trois mouvements, elle est en habits de travail, la blouse de labo sous le manteau, prend les clefs de sa petite KA rouge sur le gueridon pres de la porte d’entree et me pose un dernier baiser sur le front en prenant son maudit paquet.
‘A ce soir!’ ma lance-t-elle d’un air enjoue en me lancant un clin d’oeil qui se voudrait lourd de sens.
Ouf! elle claque la porte. J’ai cru qu’elle ne partirait jamais. Vite, j’allume l’ordi. J’ai plein d’emails urgents a envoyer.
(Caro) je me précipite sur l’ordi. Une avalanche de mails pour preuve de la faille de ma connexion haut débit. Et je vois arriver, rouge et menaçant, un fax de Fred. Une suée froide, j’ouvre et… ma choupette en compagnie de l’affreux Dimitri. Mon ennemi juré . Ni une ni deux, je sors mon magnum de la commode de Mamie et je récupére le colis tic-taquant. Trente minutes pour me rendre à l’endroit où j’éxécuterai ma Choupette de deux balles. J’imprime l’endroit du contrat où je lui ferai bouffer ces termites de la mort. Choupette, c’était une affaire au plumard. Mais le boulot c’est le boulot.
La porte d’entrée claque derrière mon dos. Y’a pas, j’ai les nerfs
(Ondine) J’allais sortir les clés de voiture de ma poche quand je sens celle-ci vibrer à deux reprises. Un texto de Choupette. Ben oui, ma poule, quoi, tu veux que je rapporte du lait tout à l’heure? Tu n’en auras plus besoin! Ton Dimitri, il le prenait noir son café, si? Par acquis de conscience, j’ouvre le flip de mon portable. « Je sais à quoi tu penses. Il y a une explication à tout ça et elle n’est pas celle que tu crois. » Non, mais! Elle est devenue télépathe en plus? Ou bien elle a collé une mini-caméra vidéo à l’une de ses affreuses bestioles? Je ne sais plus, j’hésite. Et si c’était un piège? Et si Dimitri n’attendait qu’une chose, connaissant mon passé: que je rapplique pour la flinguer, elle? Et si c’était lui la taupe de cette organisation de merde? Il faut que j’en aie le cœur net. Je descends les marches de l’escalier en colimaçon. Je repère la voiture, m’y engouffre, la fais démarrer sur les chapeaux des roues. Je sens le Magnum qui alourdit la poche de ma veste. Je respire un grand coup. À trois rues du labo de Choupette, le trafic est stoppé. Des agents tentent de calmer des passants qui courent dans toutes les directions, visiblement effrayés. Mais, bon Dieu, dans quel guêpier me suis-je encore fourré?
(Tisseuse) « Une explosion » crie une femme, « et à présent un nuage toxique ! ». « C’est quoi ce bâtiment ? C’est bien l’antenne de l’université de biologie ! » « Mais qu’est-ce qui se passe là dedans ? » Des cris fusent de partout, une pagaille indescriptible. Je ne peux ni avancer, ni reculer, pris en sandwich par deux bagnoles. Il ne faut surtout pas que je me fasse repérer par les flics, avec un flingue sur moi….J’ouvre la portière, et m’extirpe de la voiture, ni vu ni connu. Mon col roulé remonté sur le nez pour ne pas respirer cette merde, je vais essayer de me tirer d’ici. « Thibaut, c’est le ciel qui t’envoie ! » « Ben, Choupette, j’étais mort d’inquiétude pour toi, quand j’ai vu tout ce bazar. Mais qu’est-ce que tu as dans cette mallette ? Ne me dis pas que tu transportes encore tes bestioles, enfin, heu….tes expériences ? Ce ne sont pas elles qui ont flambé dans l’explosion ? » « Heureusement non, c’est un imbécile de prof qui n’a pas su maîtriser une réaction en chaîne : Dimitri Terpov. » « Dimitri, alors tu avoues ? » « J’avoue quoi, que je suis en guerre professionnelle avec ce type depuis trop longtemps, et que j’espère qu’il va crever dans son labo. Et bien, si tu veux, j’avoue, mais ce n’est pas moi qui ai mis une bombe là dedans. » Bon, je n’y comprenais plus rien, les photos de tout à l’heure étaient-elles un montage, ou bien Choupette était l’arrière petite fille de Mata Hari, et moi le roi des cons ? »
(Pandora)Mais tout d’un coup Choupette blêmit et manque de tomber et surtout de lâcher sa mallette (et son contenu). « Magali est là-bas, il faut que j’y aille ! ». Comme je lui demande qui est Magali, elle me répond, contemplant le bâtiment en feu d’un air désespéré. « C’est ma sœur jumelle, elle devait passer aujourd’hui au labo ; elle en pince pour ce salopard de Dimitri ». Quand mon portable sonne, indiquant : « Nettoyage effectué au labo ce matin. Tu vas devoir te trouver une autre nana. », je comprends que cet accident est donc tout sauf accidentel. Fred a dégommé Dimitri et Magali en croyant avoir tué ma Choupette. Dois-je lui dire ? Le cliquetis des affreuses bestioles donne à ce moment l’intensité de la question finale dans un jeu télévisé célèbre. Quel sera mon dernier mot ce soir ?
(Thierry Benquey) Mon cerveau passe tout à coup en mode survie. Je me précipite derrière Choupette, il faut faire vite j’entends déjà les premières sirènes. Je la rattrape et la tire violemment en arrière.
“ – Mais qu’est ce qu’il te prend ?
– Tu viens avec moi ! Magali et Dimitri sont mort !
– Mais tu me fais mal !”
Je lui montre mon Manurin et m’efforce de prendre l’expression la plus effrayante possible.
“ – Tu viens avec moi et tu te tais, sinon…
– Sinon quoi ?
– Sinon ils vont t’envoyer rejoindre Magali et Dimitri. Viens, il faut faire vite.”
Elle prend cette moue qui m’exaspère mais elle se laisse faire. Je la pousse devant moi. Arrivé sur le trottoir…
“ – Merde la mallette ? Je l’avais oublié… Je l’avais laissé là… Elle n’y est plus ???”
Choupette est paralysée. La perte successive de sa soeur et de ses insectes chéris… Elle ouvre la bouche comme si elle allait crier. Je lui colle une droite et la pousse dans la voiture. Personne n’a rien remarqué, ils sont tous tournés vers les secours et le lieu du drame.
Choupette pleure doucement, je pense “Chiale ! On ne pleure que lorsqu’on est en vie.”
Elle reprend du poil de la bête lorsqu’elle reconnaît le quartier. On est à la maison. Cette moue exaspérante revient mais elle se tait. Nous montons à l’appartement. La porte est grande ouverte… Je sors mon arme et fait signe à Choupette de rester là où elle est. Personne.
Je fonce dans la chambre et là…
La commode Louis-Philippe de ma grand-mère est vidée de son contenu. Je cherche le DTC, rien… J’ai du mal a avaler ma salive. Soudain je remarque un petit trou ridicule à l’emplacement où se trouvait le paquet ce matin. Il y a un peu de sciure comme si on l’avait repoussé pour pouvoir pénétrer plus avant… Le ciel me tombe sur la tête. “Au moins une de ces foutus bestioles a été en contact avec le DTC… J’suis foutu !”
Je me précipite sur le palier et c’est le bouquet. Choupette a disparu !
(Patrick Fort)
Dans mon métier, rester calme, anticiper et ne pas se laisser submerger par les émotions est vital. Si tu paniques, si tu perds ton sang-froid, ton espérance de vie se réduit comme une peau de chagrin. Alors, là sur le palier, je fixe la cage d’escalier, je respire profondément et j’essaie de réfléchir. Je me repasse le film depuis le début. En accéléré car je n’ai pas toute la journée devant moi. Dans mon métier, la prise de décision doit être immédiate. Si tu passes trois heures à te demander si tu appuies ou pas sur la détente, si tu essaies de déterminer les tenants et les aboutissants du moindre pas que tu vas faire, autant te dire que changer de métier est conseillé. Car ta carrière risque d’être courte.
Cette matinée avait débuté banalement. Puis un mystérieux paquet avait brisé cette banalité. Résultat des courses : deux morts. La DTC – la bombe que je devais revendre à l’organisation terroriste que j’ai infiltrée depuis plusieurs mois – et bien la DTC elle a disparu ! Fred, mon contact aux services secrets est un traître ! Ces saloperies d’insectes, les vrillettes, sont quelque part dans l’immeuble et pour donner une touche finale au tableau apocalyptique dans lequel je figure au premier plan, ma « Choupette » a mis les voiles !
J’aurais dû choisir un autre métier ! Boulanger ou éleveur de poulets en plein air…Au moins, t’es plus peinard…
Je me suis attaché à « Choupette » et j’ai dérogé à une règle en or : ne créer aucun lien affectif avec la personne dont on se sert, feindre l’amour mais ne pas y succomber. Et là, je me suis écarté du « code ». Et je suis dans la merde. Bien englué dans la merde. Et elle a une odeur de mort.
Une rafale de fusil-mitrailleur met fin à mes réflexions. Des hommes encagoulés montent en vociférant. J’ai juste le temps de les apercevoir. Une deuxième salve détruit la rambarde. Je me jette à terre. Je rampe et parviens à regagner mon appartement. Du pied, je referme la porte, je me redresse et la ferme à double-tour. J’ai un pincement au cœur pour la commode Louis-Philippe que je tiens de ma grand-mère et à laquelle je suis attaché. Elle va finir en pièces. Je cours dans ma chambre, enjambe le lit défait et me précipite vers la fenêtre que j’ouvre en grand. Je me penche et découvre au bas de la rue, une dizaine de véhicules garés dans un désordre des plus complets. Une explosion me déchire les tympans, la porte d’entrée à voler en éclats et des bruits de bottes dans le couloir m’annoncent l’arrivée immédiate de mes agresseurs. Les fumigènes commencent à entrer dans ma chambre et je me tapis sous le bureau, l’arme au poing et prêt à défendre chèrement ma peau. C’est la fin du parcours mais je ne partirai pas sans en avoir dégommé le maximum.
Une douleur insupportable me saccage le cerveau. J’ouvre les yeux avec difficulté et je distingue, dans un brouillard dont je parviens tant bien que mal à émerger, « Choupinette » qui me dévisage, les yeux écarquillés. Elle tient un casque entre ses mains et je réalise qu’elle vient de me l’arracher de sur la tête. Mes tempes bourdonnent et j’ai mal au crâne.
Elle se précipite vers la table de nuit et pousse un cri :
« Tu as bouffé toutes les « vrillettes » !
Et là, je comprends.
Pour Noël, elle m’a offert un nouveau type de jeu virtuel. Un casque équipé de capteurs sensoriels qui décuplent votre imagination en envoyant des ondes dans votre cerveau. Assis dans votre fauteuil, le casque sur la tête, vous devenez n’importe qui. Mais à la longue, votre cerveau rechigne et pour ouvrir votre imagination à des mondes inconnus, on peut acheter sous le manteau des « vrillettes ». Des insectes trafiqués en laboratoire, interdits et que l’on se procure sous le manteau. En les ingurgitant, votre imagination se décuple et l’addiction arrive sans que vous ne vous en soyez rendus compte.
Je n’ai pas été assez vigilant.
Ce matin, je n’aurais pas dû avaler la boîte entière.
(Ondine) J’allais sortir les clés de voiture de ma poche quand je sens celle-ci vibrer à deux reprises. Un texto de Choupette. Ben oui, ma poule, quoi, tu veux que je rapporte du lait tout à l’heure? Tu n’en auras plus besoin! Ton Dimitri, il le prenait noir son café, si? Par acquis de conscience, j’ouvre le flip de mon portable. « Je sais à quoi tu penses. Il y a une explication à tout ça et elle n’est pas celle que tu crois. » Non, mais! Elle est devenue télépathe en plus? Ou bien elle a collé une mini-caméra vidéo à l’une de ses affreuses bestioles? Je ne sais plus, j’hésite. Et si c’était un piège? Et si Dimitri n’attendait qu’une chose, connaissant mon passé: que je rapplique pour la flinguer, elle? Et si c’était lui la taupe de cette organisation de merde? Il faut que j’en aie le cœur net. Je descends les marches de l’escalier en colimaçon. Je repère la voiture, m’y engouffre, la fais démarrer sur les chapeaux des roues. Je sens le Magnum qui alourdit la poche de ma veste. Je respire un grand coup. À trois rues du labo de Choupette, le trafic est stoppé. Des agents tentent de calmer des passants qui courent dans toutes les directions, visiblement effrayés. Mais, bon Dieu, dans quel guêpier me suis-je encore fourré?
(Tisseuse) « Une explosion » crie une femme, « et à présent un nuage toxique ! ». « C’est quoi ce bâtiment ? C’est bien l’antenne de l’université de biologie ! » « Mais qu’est-ce qui se passe là dedans ? » Des cris fusent de partout, une pagaille indescriptible. Je ne peux ni avancer, ni reculer, pris en sandwich par deux bagnoles. Il ne faut surtout pas que je me fasse repérer par les flics, avec un flingue sur moi….J’ouvre la portière, et m’extirpe de la voiture, ni vu ni connu. Mon col roulé remonté sur le nez pour ne pas respirer cette merde, je vais essayer de me tirer d’ici. « Thibaut, c’est le ciel qui t’envoie ! » « Ben, Choupette, j’étais mort d’inquiétude pour toi, quand j’ai vu tout ce bazar. Mais qu’est-ce que tu as dans cette mallette ? Ne me dis pas que tu transportes encore tes bestioles, enfin, heu….tes expériences ? Ce ne sont pas elles qui ont flambé dans l’explosion ? » « Heureusement non, c’est un imbécile de prof qui n’a pas su maîtriser une réaction en chaîne : Dimitri Terpov. » « Dimitri, alors tu avoues ? » « J’avoue quoi, que je suis en guerre professionnelle avec ce type depuis trop longtemps, et que j’espère qu’il va crever dans son labo. Et bien, si tu veux, j’avoue, mais ce n’est pas moi qui ai mis une bombe là dedans. » Bon, je n’y comprenais plus rien, les photos de tout à l’heure étaient-elles un montage, ou bien Choupette était l’arrière petite fille de Mata Hari, et moi le roi des cons ? »
(Pandora)Mais tout d’un coup Choupette blêmit et manque de tomber et surtout de lâcher sa mallette (et son contenu). « Magali est là-bas, il faut que j’y aille ! ». Comme je lui demande qui est Magali, elle me répond, contemplant le bâtiment en feu d’un air désespéré. « C’est ma sœur jumelle, elle devait passer aujourd’hui au labo ; elle en pince pour ce salopard de Dimitri ». Quand mon portable sonne, indiquant : « Nettoyage effectué au labo ce matin. Tu vas devoir te trouver une autre nana. », je comprends que cet accident est donc tout sauf accidentel. Fred a dégommé Dimitri et Magali en croyant avoir tué ma Choupette. Dois-je lui dire ? Le cliquetis des affreuses bestioles donne à ce moment l’intensité de la question finale dans un jeu télévisé célèbre. Quel sera mon dernier mot ce soir ?
(Thierry Benquey) Mon cerveau passe tout à coup en mode survie. Je me précipite derrière Choupette, il faut faire vite j’entends déjà les premières sirènes. Je la rattrape et la tire violemment en arrière.
“ – Mais qu’est ce qu’il te prend ?
– Tu viens avec moi ! Magali et Dimitri sont mort !
– Mais tu me fais mal !”
Je lui montre mon Manurin et m’efforce de prendre l’expression la plus effrayante possible.
“ – Tu viens avec moi et tu te tais, sinon…
– Sinon quoi ?
– Sinon ils vont t’envoyer rejoindre Magali et Dimitri. Viens, il faut faire vite.”
Elle prend cette moue qui m’exaspère mais elle se laisse faire. Je la pousse devant moi. Arrivé sur le trottoir…
“ – Merde la mallette ? Je l’avais oublié… Je l’avais laissé là… Elle n’y est plus ???”
Choupette est paralysée. La perte successive de sa soeur et de ses insectes chéris… Elle ouvre la bouche comme si elle allait crier. Je lui colle une droite et la pousse dans la voiture. Personne n’a rien remarqué, ils sont tous tournés vers les secours et le lieu du drame.
Choupette pleure doucement, je pense “Chiale ! On ne pleure que lorsqu’on est en vie.”
Elle reprend du poil de la bête lorsqu’elle reconnaît le quartier. On est à la maison. Cette moue exaspérante revient mais elle se tait. Nous montons à l’appartement. La porte est grande ouverte… Je sors mon arme et fait signe à Choupette de rester là où elle est. Personne.
Je fonce dans la chambre et là…
La commode Louis-Philippe de ma grand-mère est vidée de son contenu. Je cherche le DTC, rien… J’ai du mal a avaler ma salive. Soudain je remarque un petit trou ridicule à l’emplacement où se trouvait le paquet ce matin. Il y a un peu de sciure comme si on l’avait repoussé pour pouvoir pénétrer plus avant… Le ciel me tombe sur la tête. “Au moins une de ces foutus bestioles a été en contact avec le DTC… J’suis foutu !”
Je me précipite sur le palier et c’est le bouquet. Choupette a disparu !
(Patrick Fort)
Dans mon métier, rester calme, anticiper et ne pas se laisser submerger par les émotions est vital. Si tu paniques, si tu perds ton sang-froid, ton espérance de vie se réduit comme une peau de chagrin. Alors, là sur le palier, je fixe la cage d’escalier, je respire profondément et j’essaie de réfléchir. Je me repasse le film depuis le début. En accéléré car je n’ai pas toute la journée devant moi. Dans mon métier, la prise de décision doit être immédiate. Si tu passes trois heures à te demander si tu appuies ou pas sur la détente, si tu essaies de déterminer les tenants et les aboutissants du moindre pas que tu vas faire, autant te dire que changer de métier est conseillé. Car ta carrière risque d’être courte.
Cette matinée avait débuté banalement. Puis un mystérieux paquet avait brisé cette banalité. Résultat des courses : deux morts. La DTC – la bombe que je devais revendre à l’organisation terroriste que j’ai infiltrée depuis plusieurs mois – et bien la DTC elle a disparu ! Fred, mon contact aux services secrets est un traître ! Ces saloperies d’insectes, les vrillettes, sont quelque part dans l’immeuble et pour donner une touche finale au tableau apocalyptique dans lequel je figure au premier plan, ma « Choupette » a mis les voiles !
J’aurais dû choisir un autre métier ! Boulanger ou éleveur de poulets en plein air…Au moins, t’es plus peinard…
Je me suis attaché à « Choupette » et j’ai dérogé à une règle en or : ne créer aucun lien affectif avec la personne dont on se sert, feindre l’amour mais ne pas y succomber. Et là, je me suis écarté du « code ». Et je suis dans la merde. Bien englué dans la merde. Et elle a une odeur de mort.
Une rafale de fusil-mitrailleur met fin à mes réflexions. Des hommes encagoulés montent en vociférant. J’ai juste le temps de les apercevoir. Une deuxième salve détruit la rambarde. Je me jette à terre. Je rampe et parviens à regagner mon appartement. Du pied, je referme la porte, je me redresse et la ferme à double-tour. J’ai un pincement au cœur pour la commode Louis-Philippe que je tiens de ma grand-mère et à laquelle je suis attaché. Elle va finir en pièces. Je cours dans ma chambre, enjambe le lit défait et me précipite vers la fenêtre que j’ouvre en grand. Je me penche et découvre au bas de la rue, une dizaine de véhicules garés dans un désordre des plus complets. Une explosion me déchire les tympans, la porte d’entrée à voler en éclats et des bruits de bottes dans le couloir m’annoncent l’arrivée immédiate de mes agresseurs. Les fumigènes commencent à entrer dans ma chambre et je me tapis sous le bureau, l’arme au poing et prêt à défendre chèrement ma peau. C’est la fin du parcours mais je ne partirai pas sans en avoir dégommé le maximum.
Une douleur insupportable me saccage le cerveau. J’ouvre les yeux avec difficulté et je distingue, dans un brouillard dont je parviens tant bien que mal à émerger, « Choupinette » qui me dévisage, les yeux écarquillés. Elle tient un casque entre ses mains et je réalise qu’elle vient de me l’arracher de sur la tête. Mes tempes bourdonnent et j’ai mal au crâne.
Elle se précipite vers la table de nuit et pousse un cri :
« Tu as bouffé toutes les « vrillettes » !
Et là, je comprends.
Pour Noël, elle m’a offert un nouveau type de jeu virtuel. Un casque équipé de capteurs sensoriels qui décuplent votre imagination en envoyant des ondes dans votre cerveau. Assis dans votre fauteuil, le casque sur la tête, vous devenez n’importe qui. Mais à la longue, votre cerveau rechigne et pour ouvrir votre imagination à des mondes inconnus, on peut acheter sous le manteau des « vrillettes ». Des insectes trafiqués en laboratoire, interdits et que l’on se procure sous le manteau. En les ingurgitant, votre imagination se décuple et l’addiction arrive sans que vous ne vous en soyez rendus compte.
Je n’ai pas été assez vigilant.
Ce matin, je n’aurais pas dû avaler la boîte entière.
FIN
Voici les liens des auteurs (en vrac, pas le courage de trier, ça me saoûle).
Tibo, Rade, Cat.0, moi , Fred, Ardalia, Musarder, Kitty, Fanette, Sebi, Aude, Janeczka, Caro, Ondine, Tisseuse, Pandora, Thierry Benquey et Pat de Bigorre.
Je trouve le résultat formidable !
Félicitations à vous tous !