Transportée, transportée mais transportée où?
Donc on est sur son lit, allongé, on regarde le plafond et on écoute de la musique. Génial. Communion spirituelle. Le genre de communion spirituelle de deux heures du matin. On a l’impression de se connaître depuis toujours. On devient super tendres. Bon, de temps en temps il faut chercher un autre fichier. Il bidouille son ordinateur, en m’expliquant, je comprends rien mais je m’en fous.
C’est comme ça qu’en écoutant Moments in Love je me rends compte que je suis dans le lit du petit frère de Fab et qu’on s’embrasse follement. Mais bon tout de même, les communions spirituelles de trois heures du matin, le lendemain ça le fait pas. Il n’est certes pas si cracra, il sent le mustela, mais justement, entre le mustela et son amour pour la musique, un truc me dit que ça va pas le faire. Techniquement, c’est vrai, je plane, mais je sens l’atterrissage moyen.
Ce qui ne m’empêche pas de faire une connerie. J’aurais du me lever dire que tout cela n’était pas raisonnable et partir ; certes ; mais je ne l’ai pas fait. Il aurait fallu que je me lève, que je parle, que je m’arrache à ce charme certes trompeur, mais non moins réel. par ailleurs, les mânes d’Oscar Wilde s’éveillent (elles choisissent curieusement leur moment?) et me murmurent avec à-propos : les folies sont les seules choses qu’on ne regrette jamais. Au moment où je ne suis plus guère couverte que par ma pudeur (qui vous fera grâce des détails), je me dis, avec une lucidité de quatre heures du matin : Oscar Wilde a dit folies; coucher avec un gamin qui aime la musique n’est pas une folie, de nos jours, tu retardes, c’est seulement une connerie. Mais il est trop tard. Les évènements suivent un cours assez classique, fort agréable, mais il faut voir les choses en face : le mustela c’est régressif.
Les ours en peluche aussi. Damned.
Vers six heures, je déménage car il me gêne, j’ai l’habitude de dormir seule et je regagne le lit et la chambre qu’on m’avait attribuée.
Le lendemain, je me débrouille pour squatter la bande de potes : fuir le petit frère ; au moment où j’émerge, Fab a sudggéré d’aller sur le marché et nous partons presque tous. Le marché est fabuleux, j’ai l’impression d’être à la campagne. Je me demande ce que les autochtones ont pensé de cette bande de jeunes gens en extase devant chaque pomme et morceau de lard. J’en profite pour acheter du miel de ferme. S’il y a du foie gras de soir, au cas où il ne serait pas terrible (ce qui est envisageable, je suis habituée au foie gras mi-cuit de ma tante) , je le mangerais avec du miel, là je ne sais pas si c’est régressif mais c’est comme ça que je mange les mauvais foie gras (oui parce que le bon foie gras est meilleur que le mauvais ; mais le mauvais avec du bon miel, c’est meilleur que le mauvais sans miel).
Au retour, je croise Tim (parce que je lui dis Tim, il m’a autorisé, ça lui va bien, je pense Tim Burton et je trouve qu’il ressemble à Edouard ou à M. Jack) qui me jette un regard qui me fait craindre le pire. Ma main à couper qu’il est amoureux. Mais moi pas. Horreur. Je le savais.
Qu’est-ce que je fais????
Après le repas de midi, les autres invités commencent à arriver et il va falloir préparer un truc. Les amis de Fab (l’association des amis de Fab) lui ont préparé un petit spectacle retraçant sa vie sur le mode humoristique et tout le monde doit participer au final.
ça a l’air bien, hein? Les choses sont prises en main par une Florence, un grand cheval bien en chair qui ne rigole pas. C’est la meilleure amie de Fab, une institution quand on connaît Fab. (Il paraît ; le fait est que j’ai entendu parler). On se réunit avec des airs de conspirateurs dans une pièce, tandis que d’autres déjà dans le petit spectacle « occupent » Fab et vont chez le traiteur (on se rapproche du foie gras). Fab est actuellement assistante du directeur financier d’une boîte de produit pharmaceutique et l’idée du final, c’est qu’on soit déguisé en boîte de médicaments et qu’on se range en ligne pour la laisser passer.
Mais Florence ne sait pas comment nous déguiser vite et facilement en boîte de médicament et comme elle porte totalement la fête à bout de bras et qu’elle est épuisée parce que quand même Fab a d’autres amies qui…enfin elle dirait rien parce que bon mais elle se tape tout et tout de même.
Une autre nana intervient et dit que quand même il y a des problèmes qui devront se régler parce que Flo fait tout sans dire à personne et que après elle se plaint (etc, etc, vous voyez le débat) mais bon elle veut bien participer parce que si on est là au fond c’est pour Fab, hein, tout de même ne l’oublions pas et faisons taire nos rancoeurs personnelles.
Regards assassins échangés.
Et elle a une idée on pourrait se déguiser en pilules parce qu’avec des trucs de couleurs ça va et il reste des papiers de couleurs pour faire des pilules.
S’ensuit un débat : boîtes de médoc ou pilules? devant le matériel : boîtes en cartons, papier de couleurs, feutres, peinture, maquillage. C’est là où on se ressert de compétences acquises en petite et moyenne section.
Je suggère (en me marrant, ce qui fait que Flo fronce les sourcils, putain les gens qui ne s’investissent pas à fond c’est relou, hein?) qu’on se déguise en flacon de sirop parce qu’on a du carton qu’on peut découper et qu’une bouteille de sirop c’est parlant, à l’aide de quelques décorations.
Débat : tout le monde trouve l’idée pas mal sauf Flo qui ne l’a pas eu. Chaque fois qu’elle me parle je pouffe, ce qui est terrible (nerveux).
On décide de découper des bouteilles de sirop, et je me tire après avoir découpé la mienne pour rejoindre Tim (Impulsion Irrésistible).
Alors là, il m’arrive un truc : on re tourne dans sa chambre, et ferme la porte et hop.
Hop. ça va pas du tout. Je me laisse aller. Je devais être ferme.
Pourtant c’est foireux je le sens. Mais tant pis, de toute façon au point où j’en suis, je sombre dans l’instant, et au diable les jours qui viennent. Je débarque dans la soirée à neuf heures du soir juste à temps pour la fresque reconstituant le parcours fascinant de Fab. Il n’est pas exagéré de dire que je me suis arraché des bras de Tim. Je suis à peine maquillée c’est n’importe quoi. Je n’ose pas regarder Val. Mais en fait, c’est le bordel, personne ne voit rien, la seule qui m’a repéré c’est Florence (et pas pour Tim). Elle vient me demander de « ne pas tout faire foirer ». Nouveau fou-rire. Avec sa manie de tout prendre au sérieux, celle-là, elle est incroyable. Mais pour moi et Tim personne n’est au courant. La honte. Il a 23 ans. Il a l’air d’en avoir 18. C’est complètement régressif.
Le spectacle c’est du grand n’importe quoi, mais pas à cause de moi. Tout le monde rigole et oublie son texte ; Fab est pétée de rire. Flo est sur les nerfs. A la fin elle a les larmes aux yeux et vient dire à Fab : « Mais c’est tout raté, tu comprends ma Fab j’ai voulu faire un truc bien pour tes 25 ans… » Et Fab lui dit en la prenant dans ses bras : « Mais noooooonnn, c’est suuuper, j’adoooore, c’est génial ça me touche vachement, etc » et elles ont les larmes aux yeux et Flo dit que Fab est une fille exceptionnelle est merveilleuse et qu’on a de la chance de l’avoir pour amie, Grand Moment D’Emotion, et tout le monde applaudit, y en a bien une ou deux qui pleurent, et Tim surgit derrière moi en me disant : « Tu viens? c’est fini, là y a plus rien ».
Il est de mauvaise foi, il y a le buffet. Je lui dis qu’il est obsédé (il me répond non je suis fou de toi ; c’est très agréable à entendre, mais je répète : quand je fais une connerie je sais que je fais une connerie). Je lui dis que j’ai faim. Il me regarde les yeux brillants et me dit : on va se faire un plateau dans la chambre. Foie gras, saumon, je lui dis. Il s’en va en faisant des gestes sois tranquille.
Je vais quand même chercher une flûte et du foie gras (on n’est jamais si bien servi que par soi-même). Je croise Fab qui me prend dans ses bras en me disant: « J’ai été très touchée, tu sais, trèèèèès. »Je ne lui demande pas pourquoi, ça pourrait être vexant parce que pour elle ça semble clair. Ma prestation? Ma participation? Que je sois venue? Sais pas.
Je l’embrasse aussi. On s’aime, tout ça, c’est beau.
Retour de Tim que je suis dans sa chambre. Il a préparé un super plateau et même trouvé du miel. On mange et après on ne mange plus.
Là, je voudrais me livrer à quelques explications : c’est la première fois que ça m’arrive ; j’ai déjà été éperdument amoureuse de garçons qui ne m’aimaient pas; éperdument pas amoureuse de garçons que je trouvais super sympa et avec qui je m’éclatais, mais là, le jeune homme undeground parfumé au mustela qui me fait tomber par terre en m’effleurant du bout du doigt, c’est la première fois. ça ne passe pas par le conscient, si vous voulez, ça reste au niveau du système nerveux central.
Résulat : j’ai passé le week-end à être de bonne humeur, à faire crac-crac et à me demander comment ça allait merder.
Retour dimanche dans la voiture de Val (qui n’a rien vu ou fait bien semblant). Je dors à moitié et elle me dit :
-Il est plutôt mignon, hein, le frère de Fab?
– Euh… fais-je. Mmmmfff.
– Mais il paraît qu’il est spécial.
Tiens donc. Je n’ose même pas lui demander pourquoi.
Toujours est-il que je dors à neuf heures dimanche soir, dans mon studio, entourée d’invisibles et suaves effluves de Mustela.
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