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Pierre Henri au cinéma, 2

(Je rappelle que ça date d’un an à peu près)

Mais ça ne s’est pas passé comme je croyais. Nan.

D’abord, Pierre-Henri souriait quand nous nous sommes retrouvés. Il semblait content, heureux, zen, il souriait. ça m’a rendu muette. J’étais resté sur un m’as-tu vu prétentieux et vieille France, une race à part, et il souriait. Il m’a salué posément et m’a fait une petite causette dont je percevais bien que c’était un baratin poli de début de conversation, mais ça m’a terrassée.  Pas m’as-tu vu en paroles. Dans les gestes, une affectation, quelque chose de prétentieux, oui, mais atténué par les paroles.

Donc moi, tendue, sceptique, sotte d’avoir accepté de le rencontrer, et lui, charmant dans un style bon jeune homme, alternativement exaspérant et drôle quand même – volontairement ou involontairement. La file d’attente dans le froid, enfin pas si froid, mais j’étais gelée. La façon dont il tend le bras pour regarder sa montre. Dont il répond au téléphone, dont deux fois en anglais. Il m’explique des amis à lui l’attendent pour boire un verre, je lui réponds que je comprends l’anglais, et je ne vois pas où il veut en venir : ne leur a-t-il pas dit qu’il était occupé?

Il me sent agacée et lève un sourcil : naturellement, il leur a fait part de ses obligations, mais ces amis l’ont appelé à tout hasard et ne savaient pas s’il était pris ou non ce soir. J’adore l’idée d’être une obligation, et j’ai moins froid aux pieds. Quand on entre dans le cinéma, la même émotion qui me prend dans ce cinéma là (et pas dans les salle ultra modernes), me saisit. je suis toujours prise d’un petit coup au coeur en m’asseyant dans un Action (surtout le Ecole – nooooostaaaalgie). Je n’y peux rien. C’est un vrai cinéma (me dis-je à chaque fois). Les autres sont des lieux de consommation.

Donc, toute euphorique, ça me met dans une ambiance et un état d’esprit formidable. Je me mets à parler du film. Pierre-Henri m’écoute, intéressé. Et courtois. Chapeau. Un attendrissement me prend quand le film commence. Non, pas un attendrissement… Un respect. J’ai pitié de lui. Je suis vraiment trop chiante comme fille. Non, pas chiante… Bref. Je bascule dans le film, et puis, presque deux heures après, je débascule. Emballée, comme d’hab. Enthousiasmée, je me tourne vers Pierre-Henri, qui me fait part de son agréable surprise. Il s’attendait à un truc beaucoup plus ennuyeux, avoue-t-il : je ne suis pas la seule à avoir des préjugés. Du coup, il est plus décontracté. Moi aussi. On sort gais comme des pinsons, il fait nuit. Qu’est-ce que c’est rasoir, l’hiver. Mais du coup, le verre qu’on va boire avant de se séparer prend des airs hors du temps : il est six heures, mais il pourrait presque être minuit quand on passe dans les petites rues (dans les autres, il y a des boutiques, donc ça ne fait pas minuit). Cette illusion donne un air de fin de soirée à ce début de soirée, on parle, avec légèreté, on rigole, et on parle de cinéma, de films d’action, de Tigres et Dragons, il aime, j’aime, et je le quitte en me disant qu’il est, finalement, presque supportable.

Alors?

Réflexions diverses

rue-paris-2

Hedwige a fumé avec morosité, des gestes nerveux, sa cigarette ; je voyais qu’elle s’en voulait de m’avoir parlé. Ou peut-être était-ce moi qui ne réagissait pas comme il fallait. Je ne voyais pas la solution, dans ce qu’elle me disait. Et puis ça ne collait pas avec elle. Je l’avais toujours vue gaie, drôle, exubérante, joyeuse. Naturellement, ça voulait dire que derrière toute cette exubérance et cette gaieté, il y avait autre chose. Je ne parvenais pas à m’y faire. Elle avait toujours la même tonicité. La même énergie.

On est retournées s’asseoir.

– Et Gaël? demandai-je.

Gaël n’arrangeait rien, m’expliqua-t-elle. Gaël était amoureux d’elle, il était patient (j’écoutais, et tentais d’imaginer Gaël patient) et décidé à tout. Mais ça n’allait pas non plus. Elle aimait beaucoup Gaël, elle le trouvait formidable, mais ça suffisait comme ça les histoires d’amour en cascades, il lui fallait se trouver une autre fille.

– C’est très simple, me dit-elle, moi, je dois arrêter de penser à Quentin, et lui il doit arrêter de penser à moi.

– Oui, dis-je, et moi, je vais arrêter de penser à Lui. Les prochains, on examine les candidatures, ou bien on se met sur Meetic, on fait un tri rationnel, parce que les méthodes artisanales, ça ne marche pas. On ne tombe jamais amoureuse du bon.

– Mais es-tu vraiment amoureuse de Lui? me demanda-t-elle d’un air « à toi maintenant » (alors que je n’avais rien demandé).

Je lui dis que je ne savais pas. Mais il y avait un truc. Sauf que je ne savais pas lequel. Donc je continuais tranquille avec Lui, dans ma tête.

Bref, on a bu du vin blanc, et après plusieurs verres, on se sentait pleines de gaieté, d’espoir et un sentiment positif nous animait. On est ressorties du restaurant, pour aller dans un autre bar, pas très loin, enfin pas trop loin, mais un peu quand même, et comme elle connaissait le gérant (que nous appelerons Sébastien), on se sentit tout de suite accueillies. Il y avait des gens, il y avait du vin, il y avait de la musique, certaines têtes m’étaient connues, je les avais déjà vues avec Hedwige. Tout allait bien. Parler, rire, penser à autre chose, des idées légères qui fusent dans la tête : c’est bien. Sauf que j’ai eu envie de dormir tôt (je dors dans n’importe quel contexte), mais j’ai fait un effort, passé ce moment, suis rentrée plus tard qu’à l’habitude et ai dormi sur le canapé de chez Hedwige, morte de soif (note : elle habite dans le Nord de Paris, l’eau du robinet y est excellente, ai-je constaté, mais diurétique).

Kouchner en Afrique : la réussite alternative

Affaire Kouchner / Pierre Péan.

Jeanne, nous nous en souvenons, évoquait sur son blog le fait que dans certains milieux, la réussite matérielle et financière soit mieux perçue qu’un travail plus humble, plus fondamental, dans l’humanitaire ou le social, ou même qu’une attitude retenue par rapport à la réussite purement matérielle.

Aujourd’hui, je suis heureuse de suggérer à Jeanne (si ça l’intéresse) un processus de réussite sociale qui permet de combiner habilement les deux.

Affaire Kouchner / Pierre Péan.

Dans un premier temps,  s’investir dans l’humanitaire ; le bien ; l’autre. Ne pas hésiter. Porter des sacs de riz, être sur tous les fronts,bosser, soigner, tout en veillant à ce qu’une caméra ne soit jamais trop loin. (Je t’explique le truc, Jeanne : pas la peine de passer des plombes sur les zones de guerre : une petite semaine, pour s’imprégner d’horreur et rentrer le regard tout plein d’émotion, mais la petite semaine, avec journaliste ; le bien qu’on ne voit pas, c’est pas du vrai bien ; ne pas oublier non plus d’être du bon côté, du côté des victimes).

Dans un deuxième temps, épouser une journaliste, ce qui assure une couverture médiatique facile. Je veux dire, c’est plus pratique : on peut murmurer des infos sur l’oreiller. Gain de temps, et en plus, on peut gaudrioler en informant, ce qui n’est pas nécessairement désagréable.

Dans un troisième temps, accepter, le regard levé vers le ciel (Dieu et les hommes) et la mâchoire crispée en raison de l’importance de la chose, des fonctions publiques ; la main sur le coeur, éventuellement douter d’en être digne ; mais se faire prier, et finalement accepter. Il est difficile de quitter le terrain, son âpreté mais aussi ses joies, mais l’on s’y fait. Aux ors de la république, qui semble-t-il, en ont déjà troublé plus d’un, on s’y fait aussi. Mais vu le passé qu’on s’est fabriqué à la force du poignet au milieu de populations démunies (et donc forcément reconnaissantes), sous les appareils photos et caméras françaises, voire avec le discret soutien du gouvernement, on a du stock de coeur, de belle âme, de regard bleu, de bonté, tout ça. C’est bon, c’est beau et ça fait vendre.

Dans un quatrième temps, aimer le gout un peu trouble, douceâtre, mais finalement enivrant, du pouvoir ; le vrai ; les regards des gens, encore plus empressés qu’avant. Les petits choses qui vont de plus en plus vite, les mille petites facilités, portes sociales qui ne grincent plus, et même s’ouvrent toutes grandes, avantages, factures qui s’envolent et disparaissent. Ceux pour qui l’on travaille sont si agaçants ; ils ne se rendent pas toujours compte ; il faut parfois tant d’effort pour si peu de chose. Mais le pouvoir donne une grisante illusion de puissance. Le beau-père de Jeanne, et tant d’autres, serait épaté. Comme du mariage d’une roturière pauvre avec un noble, nous pourrions dire, avec la mère de Proust : C’est la récompense de la vertu. C’est un mariage à la fin d’un roman de Mme Sand , pour rectifier avec le narrateur : C’est le prix du vice, c’est un mariage à la fin d’un roman de Balzac .

Dans un cinquième temps, pour tirer profit d’une structure interétatique que l’on a mise en place, créer des entreprises privées qui permettront de réaliser les changements préconisés par la dite structure : comme les anglo-saxons, pourquoi le Bien ne devrait-il pas enrichir celui qui le pratique? (Hein? ça c’est du débat). D’ailleurs la main gauche ignore ce que fait la main droite. Enfin, enfin, ça commence à payer, ces aller -et-retour médiatiques dans tous les coins !

Dans un sixième temps, pris dans une spirale ascensionnelle folle, renier ses anciens amis (est-ce qu’on a des amis en politique?) et accepter un porte-feuille. Caser sa femme à un poste qui va bien, et profiter de la vie, des logements de fonctions, etc.  Se faire payer les dettes des chefs d’Etat africains (après tout, si ça va pas dans la poche des sociétés européennes, ça va aller où, hein?).

Dans un septième temps… mais on attend la suite.

Affaire Kouchner / Pierre Péan.

Pas mal, ma méthode, je trouve, non?

Il s’agit naturellement d’un schéma global ; non d’une analyse précise.

Il paraît qu’un livre sort  pour nous expliquer bien en détail comme un monsieur a mis tout cela en pratique : Le monde selon K., de Pierre Péan.

Edit : Stéphane Guillon sur le sujet… Sublime. Là. Je suis archi-fan.

Suite de l’histoire de Gaël

épuisé

On se rappelle : j’étais chez Gaël, pour me réconforter, si tant est que ce soit un réconfort, et voilà qu’il me dit qu’il doit me raconter un truc, et il me raconte qu’il a rencontré quelqu’un qui s’appelle Hedwige. Cette personne est sympa et il voudrait bien que je la rencontre.

Et donc, comme je l’ai signalé en utilisant brillamment les signes de ponctuations, je reste coite (imaginez un peu mon trouble) ; coite, mais je communique mes impressions à Gaël par une mimique appropriée. Si je suis coite, ce n’est pas que je n’ai rien à dire, mais plutôt trop.

Quelque chose comme :

– Hedw… Mais?!?! Non. Si? Mais tu veux dire que … euh… Avec un H? Elle est comment?

Non, parce que ordinairement, Gaël porte un décourageant regard sur les fille. Par ex :

– Celle là est pas mal, elle a de gros seins, mais je n’aime pas ses genoux.

Moi : – Mais ça va pas !! Il n’y a pas que les seins et les genoux !

Lui : Elle est con, alors il faut bien qu’elle compense.

Moi : Ben alors, elle a de gros seins, ça va? C’est le genre de truc qui compense, normalement.

Lui : Non. A cause de ses genoux, elle a des jambes vulgaires. Je ne suis pas obsédée par les seins, contrairement à ce que tu penses (NDA : Si, il l’est). Et puis ses mains. Les mains sont le reflets de l’âme.

Moi : Pas les seins?

(Etc)

Donc, ordinairement, vu la façon dont Gaël décortique les femmes, je m’attends toujours à le voir arriver avec des top models, enfin des top model à qui on a donné à manger. A mon propos, il m’a juste fait quelques remarques perso, mais heureusement que je l’ai coupé et que je sais qu’il est con sur ce plan là, c’est le mec qui te démolit si tu l’écoutes ; enfin, avec moi il finit par me dire : « Mais toi tu es ma petite Fanette !! » – mais je ne sais pas si ce n’est pas, aussi, un peu traitre ; comme je suis sa petite fanette, je suis moche, grosse là où il ne faut pas pas et maigre là où il ne faut pas non plus, je me coiffe mal et m’habille comme un sac, mais tout ça est transcendé par l’affection qu’il me porte ; merci Gaël : si ce n’était pas mon Gaël, je le détesterai.

Or, à part une peste très classe avec laquelle il est sorti huit mois (et qui l’a viré), il n’a eu de femme affichée que tout à fait normale. L’une d’elle tendait  même à la culotte de cheval, mais elle avait de jolies mains, et elle était maître assistante à la fac (il n’y en effet pas que les seins et le cul qui compte : le CV aussi : Gaël aime le culturel, même tendance scientifique , ou le juridique).

Bon, et Hedwige avec un H? Alors? Alors?

Alors (je rappelle qui j’avais très mal dormi la nuit précédente) je vais dormir un moment et il appelle Hedwige, et farfouille dans le frigo pour préparer un truc (on va encore se taper du mauvais saumon et du champagne ; mais je m’en fous, j’ai mauvais goût, j’adore ça).

Je ne dors pas, je somnole, je suis dans cet état curieux mi veille mi sommeil, où l’on coule dans un coma qui ne repose pas, le cerveau pétrifié, le temps aboli.

Je perçois des bruits, des portes, des voix.

Puis Gaël vient me chercher. M’ordonne de faire quelque chose pour mes cheveux et mes yeux. ça m’énerve, mais dans le miroir de la salle de bains, il a raison, je suis monstrueuse : les yeux gonflés, les cheveux dressés au dessus de la tête, l’air hagard. Bravo. Avec un peigne, de l’eau froide et un peu de maquillage, on peut faire des trucs pas mal.

Hedwige m’attend dans le salon. Un truc me fait tout drôle : j’arrive par la porte de la salle à manger, passe la double porte entre le salon et la salle à manger. Hedwige était assise sur le canapé qui tourne le dos à cette double porte, elle se lève en nous entendant et se retourne. Avant même d’avoir vu son visage, je sais, à sa façon de bouger, l’aisance et la familiarité de ses gestes, qu’elle est ici chez elle. j’ai le coeur qui se serre, égoïstement  : je n’ai pas vu Gaël depuis six ou huit mois, mais je sais que je suis toujours chez moi quand je suis chez lui : mais l’attitude d’hedwige me fait comprendre que je me trompe : maintenant, c’est elle qui est chez elle.

Hedwige est blonde et grande et je n’ose pas baisser les yeux sur sa poitrine. Elle a un visage large et long, avec une grande bouche qui sourit, et des yeux incroyablement joyeux et rieurs. ça, plus Gaël, plus mon état, me laisse bredouillante et muette. Je bredouille un bonjour embarrassé. Elle a l’air sportive. En fait, tandis que Gaël s’assied et qu’elle parle, je la regarde avec hébétude et je ne comprends pas qu’elle soit avec Gaël : elle a l’air normale, drôle et sympa. pas du tout comme Sandrine, qui avait un côté faux dans sa sympathie. hedwige déborde littéralement de bonne humeur et de sympathie. Elle me pose une question.

– Hein? fais-je.

– Elle est fatiguée, dit Gaël. Je sens à sa voix qu’il est agacé ; s’il a dit à Hedwige qu’il lui présentait sa super copine, il doit être furieux de récupérer un zombie qui bredouille. Après concetration, il s’avère qu’Hedwige me demande si j’aime la bière. Je fais un effort pour ne pas avoir l’air ahuri, et je dis que non.

– Je m’en doutais !! dit-elle joyeusement (je ne mens pas : elle parle joyeusement). Les Parisiennes n’aiment pas beaucoup la bière. Enfin, certaines si, ajoute-t-elle, désireuse de ne vexer aucune catégorie de parisiennes. « Alors, pour toi, j’ai amené du Gewurztraminer. Ce n’est pas très original, mais il ne me dit rien !!!

J’y suis. L’Alsace. D’accord. Ah bien, va pour le Gewurz.

(Questions aux lecteurs/trices : qui aime la bière, et quelle bière,  et dans quelle région habitez-vous? Non mais ça m’intrigue, y a-t-il vraiment un goût moins fort pour la bière hors du Nord et de l’Est?)

L’amour est-il soluble dans les conventions socio-culturelles?

( Suite de ça ; ouais, le titre est… bbbb. Je sais, mais j’ai rien trouvé, j’étais de mauvais poil).

Ce qui me perturbe, au fond, c’est que ça marche : oh, il n’est pas venu me tomber dans les bras, mais il s’est mis à me voir. Il ne s’est peut-être pas mis à ne voir que moi ; j’ai l’impression qu’il nous voit tous un peu plus (par tous, j’entends ceux de ma boîte). Mais il me fait des remarques ironiques qui disent très bien ce qu’elles veulent dire : quelle élégance, me dit-il en me regardant d’un air que je ne saurais qualifier. Elle est où, la petite Fanette?

Elle est où? Je lui ai répondu ce jour-là que la petite Fanette était devenue grande.Mais la petite Fanette n’est pas devenue grande ; c’est plus subtil que ça. Dans mon ancien boulot, et plus encore dans celui-là, j’ai pris conscience de l’importance des apparences dans la vie, et dans les entreprises. Il faudrait que j’en parle (mais Brad Pitt m’occupe beaucoup, je dois dire), mais j’ai fait très attention à ma façon de me comporter ; et plus encore ; j’ai réussi, au prix d’un certain effort sur moi-même, à me mettre en valeur aux yeux de Marc (effort non pas pour me convaincre de le faire, mais pour avoir ce comportement arriviste – bon, j’en reparlerai) ; mais ce qui me démonte, et plus que cela, c’est que cela semble fonctionner aussi pour Lui.

Du coup, il y a deux choses là dedans : ça donne raison aux filles qui se soignent et se font belles, sauf que certaines apparemment ne trouvent pas toujours chaussures à leur ped, mais bon, ça leur donne raison. Et puis ça veut dire que toutes ces conneries du genre « sois toi-même », eh bien c’est vraiment des conneries. D’abord, je suis un peu moi-même en working woman, ça m’amuse de me déguiser ; ça me donne l’air plus sérieux dans mon boulot. Tout le monde est content. Mais je suis quand même plus moi-même en pull et en jean. Mais simple et en quelque sorte négligée ; vraiment négligée. Ainsi, je deviens invisible. Mais si je suis invisible, personne ne fait attention à moi ou n’imagine que peut-être je puis être intéressante. Sauf mes amis.

Je sais : si Lui était un mec vraiment bien et tout, il serait tombé amoureux de moi avec mes vêtements qui me rendent transparente. Il aurait détecté la perle rare en moi, vu mon âme sous le pull, et paf. C’eut été l’amour, au premier regard, voire au deuxième.

Pourquoi je fais chier le monde d’ailleurs? j’ai Pierre-Henri, il est super Pierre-Henri, il m’emmène en week end, au restau, on s’amuse, c’est le bonheur. Mais il est bien, mais pour un temps défini. Trop de Pierre-Henri tue le Pierre-Henri. Il finit toujours par ma dire un truc qui me glace le sang. ça ne l’empêche pas d’être gentil ; mais je ne pourrais pas vivre vraiment longtemps avec quelqu’un qui ne prend jamais le bus, par exemple. je ne dis pas que prendre le bus me transporte (ah ah ah, il y a une plaisanterie super fine, vous avez vu?), mais c’est la vie, quoi. Il ne peut pas aller dans un chinois. Bon, OK, la qulaité laisse le plus souvent à désirer, mais ça fait partie des petits trucs, l’expression de son visage quand je suggère un chinois. « Pas ça » – ben si, ça, Fanette elle aime les chinois. Oui, il y a plein de gens, et parfois ils crient et ils font du bruit. Alors que dans les restau où je vais parfois avec Pierre-Henri, tout le monde parle doucement. Tiens, ça me rappelle un film, ah oui, les Blues Brothers, quand ils vont faire chier leur copain au restau.  On s’égare.

Ce que je veux dire, là, c’est que le conformisme social vaut dans les relations hommes femmes. Habillée comme une grosse nulle, j’ai plu à Pierre-Henri qui doit croire qu’avec moi il se frotte (ce n’est pas un jeu de mot, mais une allsuion suggestive, pas hyper fine du reste, mais je n’avais plus de fin en stock), oh comme c’est troublant, avec la France Profonde, une vraie aventure par delà les barrières culturelles. Moi, la farfelue, lui, des beaux quartiers et on s’aime, enfin on passe des moments agréables, je n’en disconviens aucunement (rendons à Pierre-Henri ce qui est à Pierre-Henri). Dès que je lui parle de Proust (aaaaaaah la culture c’est bien), de Philip Dick (la science-fiction quelle aventure) de Djamel Laroussi (un musicien arabe !!! comme c’est exotique), il voyage. Je lui fais faire des économies. Je pense qu’il me trouve divertissante. Et relativement bien élevée : le bon plan, quoi.

Quant à Ben j’ai très bien compris que tout le monde aime bien Ben. Moi aussi, je vous rassure. Mais le genre ado éternel, c’est super sympa, mettons, jusqu’à 30 ans. Mais au delà, ça cesse d’être mignon. Qu’on ne me dise pas que je suis difficile : déjà, je ne baguenaude pas avec lui (je le sens potentiellement collant) ; et puis j’ai quand même le droit de vouloir sortir avec quelqu’un qui mange autre chose que des pâtes fraîches (excellentes) et des pizzas. Car lui non plus n’aime pas trop les chinois, ça sent bizarre. Le Français est pénible, je vous jure. Et les grands restaurants, ça calle pas. Bin non. Quand il a faim et pas le temps, Ben ouvre une baguette en deux et y met le contenu d’une boîte de lentilles-saucisses froides et de la moutarde. Alors croyez-moi, d’ici à ce qu’il aime le champagne, on y est pas.

(Lui aime le champagne ; on pourra toujours en boire).

(La prochane fois, je serai de bonne humeur)

Fanette et ses amours ; Shalima et Mamisa

Dans le cadre de mon entreprise de rapprochement de Lui, les choses évoluent, mais très lentement.

Je fais de gros efforts sur moi-même. Je m’habille différemment. En fait, je devrais bénir Pierre-Henri. J’essaie d’adapter le look de ses copines. ça marche. J’ai planqué au fond de mon armoire mes pulls. Plus de pulls. Que des vestes. Avec les pantalons adéquats, ça fais très working woman mais working woman un peu chic. Incapable de me photographier pour faire des effets vestimentaires, je ne le ferais pas, mais croyez moi sur parole. J’ai capté que ça lui plaisait. Et ça marche : le truc parfait, c’est que j’adore les gilet masculin, et lui aussi. Comment je m’en suis rendue compte? La première fois que j’ai fouillé dans mes armoires pour rénover mon look de façon rationnelle, j’ai retrouvé tous les gilets que je m’étais acheté il y a longtemps, un gilet bohème (je ne saurais le qualifier autrement, avec un patchworck de tissus comme dorés, brillants), un gilet avec des fleurs bleues argentées brillantes enfin un peu brillantes, un gilet avec des fleurs en velours rouge. Je ne les mettais plus parce que, heu, qu’est-ce que je suis bien dans un jean et un pull. J’ai retrouvé des pantalons (je sais, je sais : la blogosphère regorge de blogs, que je lis, de filles qui craquent pour les nouvelles fringues et se ruinent mais à part un ou deux machins de saisons, je suis à l’inverse totale de ce système : acheter et encore acheter me parait une folie : sauf, un ou deux trucs qui me plaisent à chaque saison, et je m’en rends compte à la fin, ce qui fait que je suis atrocement pas à la mode comme nana, je reprends mes anciens vêtements oubliés et je réfléchis comment les remettre, en les arrangeant avec autre chose). Bref, entre mes pantalons retrouvés (je crois que le trucs pour quoi je vais craquer cette saison ça sera un gilet avec des poils), mes pulls et chemisiers – oui, je porte, des chemisiers, c’est terrivble, hein? Mais ouverts avec un gilet, ben j’aime ; pas du buchteon, non ma chère du chemisier de dame, mais avec gilet), je me suis fait un look pas mal.

Je suis contente de moi… Oui, et non. M’être tirée de ma tendance naturelle à l’enfouissement, c’est bien.  Tout le monde me dit au boulot : oh lala Fanette !!! Super.

Mais, curieusement, je n’aime pas ça. Je ne suis pas très contente. Cette impression de me mettre en quatre pour Lui me perturbe. Pourquoi ça ne se passe pas comme d’habitude? A ma façon, je fais la danse des sept voiles. J’ai réussi à repérer le genre qu’il aime, et j’essaie de suivre. Certes, je me trouve moi-même plus élégante dans la glace. J’en éprouve une certaine satisfaction. Ce sentiment de satisfaction est-il ce que j’ai de meilleur? je ne crois pas. En travaillant le maquillage et la coiffure (et puis en prenant la pose et en ne bougeant plus de la journée), j’obtiendrai de moi-même d’excellents résultats. Ce sera mieux qu’en pull, avec les cheveux longs et pas coiffés.OK. Je suis plus chic, et je suis moi-même contente de l’être. Alors, de quoi je me plains?

Et je passe à tout autre chose, parce que je suis triste aussi, je sais, il y en a qui vont dire, oh lala mais qu’est-ce que ça sera quand ça lui arrivera à elle, gna gna gna, et que sait-on au fond de ce qui m’est arrivé ou pas? Bref :  Mamisa a dit qu’il ne fallait pas pleurer, mais Shalima ne peut pas se retenir depuis samedi. Moi qui ai besoin de points sur les i, j’ai un côté abruti, je crains néanmoins de comprendre. ça n’y fait rien, mais j’embrasse Shalima parce que j’ai de la peine pour elle. Vous pourriez aussi, si elle avait laissé ses commentaires ouverts, mais elle doit préférer un peu de silence, alors quand elle les rouvrira pour autre chose, on pourra être là.

Une conclusion avec Elisabethh, qui a republié sur le théorème de l’escarpin un post sur Woody Allen. Elle nous cite un extrait de Guerre et Amour :

Natasha, aimer, c’est souffrir. Pour éviter la souffrance, on ne doit pas aimer. Mais alors, on souffre de ne pas aimer. Donc, aimer c’est souffrir, ne pas aimer c’est souffrir, souffrir c’est souffrir. Etre heureux, c’est aimer, donc être heureux c’est souffrir, mais souffrir nous rend malheureux, donc pour être malheureux on doit aimer, ou aimer pour souffrir, ou souffrir de trop de bonheur. J’espère que tu conçois tout ça.

Shalima, on ne se connait pas, mais je t’embrasse.

Où Fanette s’interroge sur l’amour

J’ai laissé en plan mon histoire avec Lui, et pourtant croyez moi, je m’interroge, je m’interroge… sur la création de contexte, comme dirait Krazy Kitty. Personne ne fait des logiciels de créations de contextes? On clique et hop, on se retrouve dans un contexte favorisant le rapprochement, le dialogue, et plus (plus !!!!!) si affinités.

Je vais faire maintenant un petit bilan. Avant de reprendre le récit de tout ça.

Bon, déjà, je n’ai jamais été dans une telle situation. Jamais. D’où ma perplexité.

Mais du coup, je m’interroge sur moi-même. Car, pourquoi n’ai-je jamais été dans une telle situation?

Sans rentrer outre mesure dans les détails (ou alors je le ferai ultérieurement), je suis tombée amoureuse de trois garçons dans ma vie (Lui étant donc le quatrième). Le premier au collège/lycée, le second en fac, le troisième dans un boulot que j’ai fait en tant qu’étudiante. Je suis toujours tombée amoureuse gaiement, et ça s’est toujours bien passé  ; j’avais des copines qui pleuraient parce que le garçon ne les aimait pas ; moi, ça se passait autrement, je tombais amoureuse d’un garçon connu déjà et dont la gentillesse, l’humour, l’amitié, l’attitude, étaient déjà en elle-même, des promesses, j’étais toute gaite, je flottais, je me rapprochais socialement du garçon, toute fofolle et de bonne humeur, genre je rigole tout le temps, le garçon rigolait avec moi, ah ahahah, on faisait des trucs ensemble, j’étais toute contente, une seule fois il y avait une autre fille mais après avoir aguiché le type elle est allée coucher avec un autre, j »ai jamais rien compris, à force de rire, aller au cinéma, boire des coups au café, danser, il y avait un moment où on se trouvait géographiquement très proche l’un de l’autre, avec un mouvement du corps ou de la tête presque imperceptible, hop, ensuite on sortait ensemble, c’était merveilleux, après c’était bien, ça durait, ça devenait bien mais bon, puis une habitude, puis je ne sais pas trop, puis on ne sortait plus ensemble, mais on restait copains, on se prenait dans les bras l’un de l’autre, on était super proche et c’était bien quand même, et puis entre temps, j’avais rencontré quelqu’un d’autre.

Seulement, la question que je me pose, c’est : était-ce de l’amour? J’ai l’impression, en y repensant, d’une addition d’état amicaux, de bien être, de groupe, quelque chose de mêlé, et différent à chaque fois, mais qui, additionné ensemble, crée une sorte de contexte, justement, mais était-ce de l’amour? Ou était-ce l’amour du contexte? Quand on se sent merveilleusement bien dans un groupe, quand on passe des journées enchantées, quasi féériques, à trois ou plus, et que soudain, dans ce groupe, un personnage se détache, et prend un relief particulier, manifeste une tendresse particulière, n’est-on pas comme un tissu qui, à rester trop près d’une flamme, chauffe et s’enflamme? Ensuite on se sent amoureuse, mais serait-on amoureuse de même sans le contexte, les amis, les journées passée à se chercher, à s’attendre, à s’espérer, les soirées à parler, rire, suivies de nuits où on lutte contre la fatigue, en parlant, et où les choses deviennent peu à peu étranges, différentes, mélodieuses, envoûtantes?

Vous voyez ce que je veux dire? Et tout ça, c’est de l’amour? Je ne crois pas. Mais l’amour c’est quoi?

Vos commentaires m’intéressent au plus au point. Ainsi que la création de contexte…

Où Fanette va au cinéma avec Ben et Lui

(Suite du post précédent)

Eh bien, que j’allais au cinéma avec Ben et Lui, c’était la première fois.

Et avec un trou au pied droit du collant.

Et pas de kleenex.

Il faudrait que j’en achète en sortant.

Je vais sortir du boulot et aller acheter des kleenex devant Lui? ça veut dire qu’il pourrait penser que j’ai besoin de me moucher?

Je stresse.

Si je me mouche, je finirais par avoir le nez rouge.

ça sera horrible.

Je file aux toilettes : je regarde mon nez. Il n’est pas rouge. Je prends du PQ et je le mets dans ma poche. Ensuite je le mets dans mon sac, dans une petite poche intérieur en faisant gaffe à ce qu’on ne me voit pas de l’autre côté de la cour.

Le jour baisse en plus, c’est l’heure où tout le monde voit chez nous.

Je dois encore travailler une heure. Travailler. Alors? Quel est mon travail, déjà? Ah oui, il y a des mails à lire. Allons-y, lisons les mails. Quel cinéma? hein? Ah, tiens, une société a accepté notre devis. Ah non, elle veut moins cher. Ben tiens. Et quel film? je maile à Marc : j’ai pas envie de monter. Si je suis dans un cinéma avec Ben et Lui, je n’arriverai pas à voir Vincent Cassel. Donc, pas la peine d’aller voir Mesrine. Oui, Marc, voyons les choses en face, ne sous-estimons pas le truc, les gens ils ne veulent plus payer. On va devoir négocier. D’ailleurs, aucun film avec un mec mignon. Je ne peux pas être assise à côté de Lui et regarder un autre homme. Je ne verrais même pas l’autre homme. Je suis énervée. A mon avis, on devrait couper le prix du graphiste, il est con, mais je ne le dis pas à Marc. Est-ce que je me mets à côté de Lui? De Ben? Entre les deux? Est-ce que j’ai déjà été dans ce cas de figure? est-ce que j’ai déjà été aussi énervée? Pourquoi le téléphone sonne? Il ne vient plus au cinéma? Ah, Marc veut me parler. C’est de l’amour.

Je me lève et je me demande si j’étais aussi tarte quand j’avais quinze ans. A quinze ans, je n’allais pas au cinéma. Je suis stressée. je m’assied où? je monte les escaliers en colimaçon. Je me concentre sur les escaliers. Sinon je vais tomber et plus de cinéma. Marc m’accueille d’un air soucieux. Nous discutons du devis. je lui case que le graphiste n’est pas indispensable. Marc n’est pas d’accord. Je lui dis que ce graphiste là est surestimé, je lui sors un truc, oui mais ce graphiste-là est connu, il a déjà fait ses preuves – ses preuves de quoi? j’arrête d’argumenter, je m’en balance, Marc parle et s’occupe personnellement de l’affaire. On est sauvé. Il est 17 heures, c’est fou comme le temps passe.

Certains commencent à partir. Je les regarde. Je vais me faire un thé, ce coup-ci. Avec Gaby. Elle boit du thé, Gaby. Ben et Lui sortent de leur bureau et me font signe. Ils m’attendent au café. Je vais tomber.

Je repense à la dernière fois que je suis allée au cinéma avec Pierre-Henri. J’étais là, je me suis assise tranquillement, Pierre -Henri m’a mis la main sur le genou ( très c’est à moi, c’est pas-t’à toi, au cas où un mec de passage se poserait la question). Après, j’ai regardé le film et je ne me suis posé aucune question.

L’heure tourne. J’efface des mails. Je ferme tout bien tout bien, je fais un peu la poussière, vala vala c’est l’heure et je sors et je retrouve Ben et Lui au café d’à côté. Quand j’entre, Ben est de dos, Lui de face. Lui me sourit. Son blouson est ouvert, il fait chaud dans le café, on voit le col de son pull, rond et son cou. J’adore son cou. Je regarde ses mains, pour voir si ça continue de me faire de l’effet, et oui, oui, oui, ça fonctionne à donf, ses mains sont magnifiques, carrées, mais fines quand même, elles tiennent un stylo.

Donc, on récapitule, il me sourit, ses yeux pétillent, il a un pull ras du cou, et des mains qui dépassent des manches.

Moi j’ai seize, quinze, quatorze, treize, douze ans.

Un mal de chien à me concentrer. Je m’assied avec eux et je rigole. On dirait que j’ai déjà bu.

Ben m’annonce le film que l’on va voir, je dis OK d’accord pas de souci, et je commande un café.

Le film était un navet, mais j’ai adoré.

Mais je vous dis ça plus tard.

Où Fanette reçoit finalement un coup de téléphone (mais à la fin)

(Suite du post précédent)

Marc, donc, parlemente au téléphone, vous savez, ce ton de l’Homme Important qui ne parle de Trucs Importants, et les ponctue de « Absolument » – « Tout à fait » – « C’est indispensable » et conclut avec « Je vous recontacte » ou « Je vous tiens au courant ».

Moi j’attends que l’Homme Important ait achevé ses palabres téléphoniques.

Il achève. Il me sourit avec bienveillance – j’adore quand Marc me sourit avec la Bienveillance du Chef envers la Gentille Responsable de Projet – et se penche vers moi, tout prêt à entendre mes explications.

J’explique. La prestataire de service veut être payée. Ces gens ont de ces prétentions. Enfin.

Il s’empare des papiers, en souriant drôlement moins (« être payée ») et les examine.

Oui, il peut examiner mais il n’y a pas à tortiller, c’est vieux de trois semaines, parfois, dans la vie, on signe des contrats aux gens et on les paie. Soupir. Il s’interroge à haute voix. Ne devrait-on pas les payer en honoraires? Je ne dis rien. il fait comme il veut. S’il les paie en honoraires, plein de pourront plus avoir les assedics et ça va devenir galère pour les recruter, mais de toute façon, il a d’autres chats à fouetter que ça, et pour nous ça revient au même. Je le laisse s’interroger. Il assortit son interrogation d’un mini discours sur la crise actuelle. Marc est du genre Optimiste/Au courant. Il savait qu’il y aurait une crise (ouais, moi aussi). Le décalage entre la finance et l’économie réelle. Ah ben, oui, tout le monde sait, surtout maintenant. Il sait que ça va être dur (il est fort, mon chef, hein? on dirait Sarkozy). Mais il sait qu’on va y arriver. Mais il ne faut pas sous estimer l’impact que ça peut avoir. Je lui dis que peu de gens sous estiment : erreur : ça lui donne envie de parler encore plus ; il enchaîne ; non, il sait que je sous estime, comme la plupart des gens. S’il sait ce que je pense, alors. Bon, je le laisse parler. Je regarde la vitre derrière son dos, lui aussi il a une vitre, on voit les branches d’un arbre, de la vigne vierge sur le mur de la cour, j’aime les cours de Paris.

Il conclut, je suis d’accord avec lui, il signe, je redescend.

Je reconsulte mes mails, je maile à la prestataire, elle va être payée, petite veinarde.

De l’autre côté de la cour, Ben fume une clope en téléphonant. Ah, l’Officiel. On va aller voir quoi? Mesrine, comme tout le monde? j’adore Vincent Cassel. C’est mon acteur préféré. Mais non, c’est pas Brad Pitt : Brad Pitt est juste agréable à regarder. Encore que Vincent Cassel, vu sous certains angles… et même de face. Enfin, pas quand il fait son regard je suis faché… Enfin je suppose. J’ai peu été regardée par Vincent Cassel.

Bon. Je feuillette. Je pense à Ben. Il est adorable, ce garçon.

La prestataire m’appelle ; elle est contente ; elle me remarcie ; elle me dit que parfois elle doit attendre deux mois pour être payée. Tiens. Tiens. Ah mais pas chez nous, nous, on est pas comme ça. Je ne parle pas trop longtemps avec elle, soit je vais devoir mentir, soit je vais devoir dire la vérité. Aucune des deux alternatives ne me réjouit.

Et, tout d’un coup, le téléphone sonne.

C’est Lui.

Ben me fait des coucous joyeux de l’autre côté de la cour.

– Ouais bon Ok, dit Lui. Il a la voix stressée. Encore un coup de Sandrine, je parie. Bon, ouais, j’ai envie d’un break, là. Je viens avec vous.

Oooooooh !! bonheur : Soleil !! Pitizoizos qui chantent ! Champagne ! Roucoulades ! aaaaaah!!!!

Je regarde l’heure.

Quatre heures NEUF.

Encore deux heures avant de sortir.

Pourvu qu’il ne change pas d’avis !!!!

Pouet pouet

(A suivre ; ah oui).

Où Fanette passe une mauvaise après-midi au bureau

-Regarde !!!!

ça, c’est comme les gens qui vous montrent des photos de leur enfant. Oui, le pitibébétouzoli est choupinet, vi il est  tout mignon mais là je m’en, euh, fous (j’allais dire un mot grossier, alors que j’essaie de réformer sérieusement mon langage). Bon, là, c’est pas le pitibébétouzouli, c’est probablement pour dans un an, Dieu nous assiste, c’est la nappe et les décos. (NB je n’ai rien contre les bébés, je les serre ordinairement contre moi en gâgâtisant comme on n’a pas idée : mais EN CONTEXTE UNIQUEMENT et le boulot c’est pas le contexte bébé). Ouais, la nappe, oh qu’elle est beeeeeelle, ah ouais, ouais non mais t’as vachement raison c’est super la déco qu’ils te proposent. Ah ouais. Ouais non mais ouais carrément.

Je regarde le catalogue qu’il est beau. L’idée, c’est qu’Isabelle est trèèèèèèèès heureuse, car elle a rencontré l’Amour (et c’est pas tout le monde qui le rencontre, ça je te le dis, lecteur/trice – pas tout le monde) et elle va se marier, c’est hyper important de se marier, c’est toute la vie qui en dépend. On ne sait pas trop, trop pourquoi, mais ON NE POSE PAS la question.

D’ailleurs moi je me pose toujours la question et donnez moi deux secondes pour écrire un truc intelligent. J’ai appris durant mes études (c’était bien, j’apprenais des trucs, je ne végétais pas misérablement entre la vitre et le chauffage, enfin c’est une vue de l’esprit, entre, car la vitre et le chauffage sont en fait du même côté, en fait c’est mon corps qui transpire pendant que mon oeil a froid), j’ai appris, disais-je, que la famille est la cellule de base de la société. Quelle que soit la définition de famille, père, mère, et tout ce que vous voulez (par exemple, il y a des sociétés – mais loin, hein – où l’homme appelé père est l’oncle biologique de l’enfant – donc c’est une famille différente de ce qu’on connait nous, mais une famille quand même).

Nous, dans notre société, on a tendance à avoir besoin de plus en plus de trucs pour faire n’importe quoi, mais la famille c’est le contraire : avec une maman + un bébé, on te fait une unité familiale, tellement qu’on est fort. Bientôt, une maman (ou même un papa) et une potentialité d’enfant, ça te fera une famille.

Or, le mariage signifie le début d’une famille. Bon, on perd un peu le fil dans les structures sociales, hein? Mais le mariage, c’est un peu une naissance, une naissance de future famille. C’est un peu comme un bourgeon qui se détache de la branche. Dans le bourgeon, il y a les potentialités de millliers d’autres branches, bourgeons, etc. Donc on est content.

Naturellement, comme on est ultra moderne, ce n’est pas parce qu’on se marie qu’on va avoir des enfants. Donc, mariage, en vrai, n’égale pas famille. Mais je crois qu’il reste ancré dans les moeurs, le subconscient ou je ne sais où, mais bien ancré, hein, que si tu te maries faut faire une grosse teuf et dire à tout le monde que tu es super heureux.

En soi, j’ai le concept, je le comprend, je le respecte, mais pourquoi ne pas limiter cette explosion de bonheur aux amis? Hein? pourquoi même les collègues doivent profiter de la joie de la naissance d’un bourgeon qui donnera hypothétiquement une famille et augmentera notre société d’une cellule? Pourquoi? Pourquoi on doit regarder la nappe du mariage? Et donner un avis sur les fleurs? A la limite, je veux bien participer au menu et aux choix des alcools. Mais même pas. Isabelle m’a déjà dit que nous, vin d’honneur. Parfait. Le vin d’honneur me va très bien. Alors pourquoi je dois voir la nappe?

Par ailleurs, je fais -hélas- partie de la catégorie (déterminée par Isabelle elle-même et en personne) des « gens intelligents qui ne vont pas se vexer si elle ne les invite pas au mariage et qui comprennent qu’elle doit d’abord inviter ses proches et vu le nombre quasiment incalculable de gens qu’elle connait elle est obligée de faire des choix drastiques » – c’est moi qui dit drastique, elle, elle connait pas -, et donc elle peut me parler  : je ne me vexe pas (alors que Diva si).

Je suis d’ailleurs terrorisée, j’ai l’impression de progresser dans son intimité, c’est horrible, si je progresse, elle va peut-être m’inviter?

Bref. Je donne mon avis, mollement, elle parle, elle parle, et je vois redescendre Diva et Gaby.

Aha.

– je dois y aller ! dis-je à Isabelle, qui, toute contente, me laisse aller, me gratifiant de son Sourire Spécial Complicité Entre Collègue, je file au bureau, je ramasse le dossier de la prestataire et je monte voir Marc.

Marcounet est au téléphone.

Mais il me fait signe de m’asseoir. Il n’en a que pour une minute.

Je m’asseois.

Ô prestataire, signera-t-on ton contrat? Seras-tu payée?

Fanette ira-t-elle au cinéma avec Ben ET Lui, ou que avec Ben?

De quelle couleur sera la nappe de mariage d’Isabelle?

(A suivre).