(Je rappelle que ça date d’un an à peu près)
Mais ça ne s’est pas passé comme je croyais. Nan.
D’abord, Pierre-Henri souriait quand nous nous sommes retrouvés. Il semblait content, heureux, zen, il souriait. ça m’a rendu muette. J’étais resté sur un m’as-tu vu prétentieux et vieille France, une race à part, et il souriait. Il m’a salué posément et m’a fait une petite causette dont je percevais bien que c’était un baratin poli de début de conversation, mais ça m’a terrassée. Pas m’as-tu vu en paroles. Dans les gestes, une affectation, quelque chose de prétentieux, oui, mais atténué par les paroles.
Donc moi, tendue, sceptique, sotte d’avoir accepté de le rencontrer, et lui, charmant dans un style bon jeune homme, alternativement exaspérant et drôle quand même – volontairement ou involontairement. La file d’attente dans le froid, enfin pas si froid, mais j’étais gelée. La façon dont il tend le bras pour regarder sa montre. Dont il répond au téléphone, dont deux fois en anglais. Il m’explique des amis à lui l’attendent pour boire un verre, je lui réponds que je comprends l’anglais, et je ne vois pas où il veut en venir : ne leur a-t-il pas dit qu’il était occupé?
Il me sent agacée et lève un sourcil : naturellement, il leur a fait part de ses obligations, mais ces amis l’ont appelé à tout hasard et ne savaient pas s’il était pris ou non ce soir. J’adore l’idée d’être une obligation, et j’ai moins froid aux pieds. Quand on entre dans le cinéma, la même émotion qui me prend dans ce cinéma là (et pas dans les salle ultra modernes), me saisit. je suis toujours prise d’un petit coup au coeur en m’asseyant dans un Action (surtout le Ecole – nooooostaaaalgie). Je n’y peux rien. C’est un vrai cinéma (me dis-je à chaque fois). Les autres sont des lieux de consommation.
Donc, toute euphorique, ça me met dans une ambiance et un état d’esprit formidable. Je me mets à parler du film. Pierre-Henri m’écoute, intéressé. Et courtois. Chapeau. Un attendrissement me prend quand le film commence. Non, pas un attendrissement… Un respect. J’ai pitié de lui. Je suis vraiment trop chiante comme fille. Non, pas chiante… Bref. Je bascule dans le film, et puis, presque deux heures après, je débascule. Emballée, comme d’hab. Enthousiasmée, je me tourne vers Pierre-Henri, qui me fait part de son agréable surprise. Il s’attendait à un truc beaucoup plus ennuyeux, avoue-t-il : je ne suis pas la seule à avoir des préjugés. Du coup, il est plus décontracté. Moi aussi. On sort gais comme des pinsons, il fait nuit. Qu’est-ce que c’est rasoir, l’hiver. Mais du coup, le verre qu’on va boire avant de se séparer prend des airs hors du temps : il est six heures, mais il pourrait presque être minuit quand on passe dans les petites rues (dans les autres, il y a des boutiques, donc ça ne fait pas minuit). Cette illusion donne un air de fin de soirée à ce début de soirée, on parle, avec légèreté, on rigole, et on parle de cinéma, de films d’action, de Tigres et Dragons, il aime, j’aime, et je le quitte en me disant qu’il est, finalement, presque supportable.
Alors?