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Où Fanette reçoit finalement un coup de téléphone (mais à la fin)

(Suite du post précédent)

Marc, donc, parlemente au téléphone, vous savez, ce ton de l’Homme Important qui ne parle de Trucs Importants, et les ponctue de « Absolument » – « Tout à fait » – « C’est indispensable » et conclut avec « Je vous recontacte » ou « Je vous tiens au courant ».

Moi j’attends que l’Homme Important ait achevé ses palabres téléphoniques.

Il achève. Il me sourit avec bienveillance – j’adore quand Marc me sourit avec la Bienveillance du Chef envers la Gentille Responsable de Projet – et se penche vers moi, tout prêt à entendre mes explications.

J’explique. La prestataire de service veut être payée. Ces gens ont de ces prétentions. Enfin.

Il s’empare des papiers, en souriant drôlement moins (« être payée ») et les examine.

Oui, il peut examiner mais il n’y a pas à tortiller, c’est vieux de trois semaines, parfois, dans la vie, on signe des contrats aux gens et on les paie. Soupir. Il s’interroge à haute voix. Ne devrait-on pas les payer en honoraires? Je ne dis rien. il fait comme il veut. S’il les paie en honoraires, plein de pourront plus avoir les assedics et ça va devenir galère pour les recruter, mais de toute façon, il a d’autres chats à fouetter que ça, et pour nous ça revient au même. Je le laisse s’interroger. Il assortit son interrogation d’un mini discours sur la crise actuelle. Marc est du genre Optimiste/Au courant. Il savait qu’il y aurait une crise (ouais, moi aussi). Le décalage entre la finance et l’économie réelle. Ah ben, oui, tout le monde sait, surtout maintenant. Il sait que ça va être dur (il est fort, mon chef, hein? on dirait Sarkozy). Mais il sait qu’on va y arriver. Mais il ne faut pas sous estimer l’impact que ça peut avoir. Je lui dis que peu de gens sous estiment : erreur : ça lui donne envie de parler encore plus ; il enchaîne ; non, il sait que je sous estime, comme la plupart des gens. S’il sait ce que je pense, alors. Bon, je le laisse parler. Je regarde la vitre derrière son dos, lui aussi il a une vitre, on voit les branches d’un arbre, de la vigne vierge sur le mur de la cour, j’aime les cours de Paris.

Il conclut, je suis d’accord avec lui, il signe, je redescend.

Je reconsulte mes mails, je maile à la prestataire, elle va être payée, petite veinarde.

De l’autre côté de la cour, Ben fume une clope en téléphonant. Ah, l’Officiel. On va aller voir quoi? Mesrine, comme tout le monde? j’adore Vincent Cassel. C’est mon acteur préféré. Mais non, c’est pas Brad Pitt : Brad Pitt est juste agréable à regarder. Encore que Vincent Cassel, vu sous certains angles… et même de face. Enfin, pas quand il fait son regard je suis faché… Enfin je suppose. J’ai peu été regardée par Vincent Cassel.

Bon. Je feuillette. Je pense à Ben. Il est adorable, ce garçon.

La prestataire m’appelle ; elle est contente ; elle me remarcie ; elle me dit que parfois elle doit attendre deux mois pour être payée. Tiens. Tiens. Ah mais pas chez nous, nous, on est pas comme ça. Je ne parle pas trop longtemps avec elle, soit je vais devoir mentir, soit je vais devoir dire la vérité. Aucune des deux alternatives ne me réjouit.

Et, tout d’un coup, le téléphone sonne.

C’est Lui.

Ben me fait des coucous joyeux de l’autre côté de la cour.

– Ouais bon Ok, dit Lui. Il a la voix stressée. Encore un coup de Sandrine, je parie. Bon, ouais, j’ai envie d’un break, là. Je viens avec vous.

Oooooooh !! bonheur : Soleil !! Pitizoizos qui chantent ! Champagne ! Roucoulades ! aaaaaah!!!!

Je regarde l’heure.

Quatre heures NEUF.

Encore deux heures avant de sortir.

Pourvu qu’il ne change pas d’avis !!!!

Pouet pouet

(A suivre ; ah oui).

Où Fanette passe une mauvaise après-midi au bureau

-Regarde !!!!

ça, c’est comme les gens qui vous montrent des photos de leur enfant. Oui, le pitibébétouzoli est choupinet, vi il est  tout mignon mais là je m’en, euh, fous (j’allais dire un mot grossier, alors que j’essaie de réformer sérieusement mon langage). Bon, là, c’est pas le pitibébétouzouli, c’est probablement pour dans un an, Dieu nous assiste, c’est la nappe et les décos. (NB je n’ai rien contre les bébés, je les serre ordinairement contre moi en gâgâtisant comme on n’a pas idée : mais EN CONTEXTE UNIQUEMENT et le boulot c’est pas le contexte bébé). Ouais, la nappe, oh qu’elle est beeeeeelle, ah ouais, ouais non mais t’as vachement raison c’est super la déco qu’ils te proposent. Ah ouais. Ouais non mais ouais carrément.

Je regarde le catalogue qu’il est beau. L’idée, c’est qu’Isabelle est trèèèèèèèès heureuse, car elle a rencontré l’Amour (et c’est pas tout le monde qui le rencontre, ça je te le dis, lecteur/trice – pas tout le monde) et elle va se marier, c’est hyper important de se marier, c’est toute la vie qui en dépend. On ne sait pas trop, trop pourquoi, mais ON NE POSE PAS la question.

D’ailleurs moi je me pose toujours la question et donnez moi deux secondes pour écrire un truc intelligent. J’ai appris durant mes études (c’était bien, j’apprenais des trucs, je ne végétais pas misérablement entre la vitre et le chauffage, enfin c’est une vue de l’esprit, entre, car la vitre et le chauffage sont en fait du même côté, en fait c’est mon corps qui transpire pendant que mon oeil a froid), j’ai appris, disais-je, que la famille est la cellule de base de la société. Quelle que soit la définition de famille, père, mère, et tout ce que vous voulez (par exemple, il y a des sociétés – mais loin, hein – où l’homme appelé père est l’oncle biologique de l’enfant – donc c’est une famille différente de ce qu’on connait nous, mais une famille quand même).

Nous, dans notre société, on a tendance à avoir besoin de plus en plus de trucs pour faire n’importe quoi, mais la famille c’est le contraire : avec une maman + un bébé, on te fait une unité familiale, tellement qu’on est fort. Bientôt, une maman (ou même un papa) et une potentialité d’enfant, ça te fera une famille.

Or, le mariage signifie le début d’une famille. Bon, on perd un peu le fil dans les structures sociales, hein? Mais le mariage, c’est un peu une naissance, une naissance de future famille. C’est un peu comme un bourgeon qui se détache de la branche. Dans le bourgeon, il y a les potentialités de millliers d’autres branches, bourgeons, etc. Donc on est content.

Naturellement, comme on est ultra moderne, ce n’est pas parce qu’on se marie qu’on va avoir des enfants. Donc, mariage, en vrai, n’égale pas famille. Mais je crois qu’il reste ancré dans les moeurs, le subconscient ou je ne sais où, mais bien ancré, hein, que si tu te maries faut faire une grosse teuf et dire à tout le monde que tu es super heureux.

En soi, j’ai le concept, je le comprend, je le respecte, mais pourquoi ne pas limiter cette explosion de bonheur aux amis? Hein? pourquoi même les collègues doivent profiter de la joie de la naissance d’un bourgeon qui donnera hypothétiquement une famille et augmentera notre société d’une cellule? Pourquoi? Pourquoi on doit regarder la nappe du mariage? Et donner un avis sur les fleurs? A la limite, je veux bien participer au menu et aux choix des alcools. Mais même pas. Isabelle m’a déjà dit que nous, vin d’honneur. Parfait. Le vin d’honneur me va très bien. Alors pourquoi je dois voir la nappe?

Par ailleurs, je fais -hélas- partie de la catégorie (déterminée par Isabelle elle-même et en personne) des « gens intelligents qui ne vont pas se vexer si elle ne les invite pas au mariage et qui comprennent qu’elle doit d’abord inviter ses proches et vu le nombre quasiment incalculable de gens qu’elle connait elle est obligée de faire des choix drastiques » – c’est moi qui dit drastique, elle, elle connait pas -, et donc elle peut me parler  : je ne me vexe pas (alors que Diva si).

Je suis d’ailleurs terrorisée, j’ai l’impression de progresser dans son intimité, c’est horrible, si je progresse, elle va peut-être m’inviter?

Bref. Je donne mon avis, mollement, elle parle, elle parle, et je vois redescendre Diva et Gaby.

Aha.

– je dois y aller ! dis-je à Isabelle, qui, toute contente, me laisse aller, me gratifiant de son Sourire Spécial Complicité Entre Collègue, je file au bureau, je ramasse le dossier de la prestataire et je monte voir Marc.

Marcounet est au téléphone.

Mais il me fait signe de m’asseoir. Il n’en a que pour une minute.

Je m’asseois.

Ô prestataire, signera-t-on ton contrat? Seras-tu payée?

Fanette ira-t-elle au cinéma avec Ben ET Lui, ou que avec Ben?

De quelle couleur sera la nappe de mariage d’Isabelle?

(A suivre).

Une rue, Paris, le nuit, froid, je rentre chez moi

(Photo : Flickr : diabolikkitsuney)

Une soirée chez un copain.

Une chambre d’étudiant, toute petite, en long, 18 m2, 10 personnes de dans, plus d’autres un peu dans le couloir mais le voisin veut dormir.

Deux guitares et des chansons.

Des bières (hm, je ne suis pas très bière), du vin, et j’ai amené le mien, et comme ils ne savent pas, je me débrouille pour ne boire que le mien (je suis snob, et puis je n’aime pas le mauvais vin ; j’ai amené du blanc, du Chablis, souvent les gens n’aiment pas ; je ne vois pas pourquoi je picolerai des trucs que j’aime pas, et chaque fois que quelqu’un fait « Wah ! du Chablis !  » je sais que j’ai au moins un point commun avec l’amoureux du Chablis ; mais j’aime tous les bons vins blancs ; les rouges aussi). Enfin, hier soir, le point commun, c’était Charlie, le petit frère de Ben qui joue super bien de la guitare (surtout pour un étudiant en droit ; m’est avis qu’il va y avoir un étudiant en droit de moins prochainement).

Tout le monde chante et le voisin finit par en avoir marre ; il en a marre vers minuit et demi ; bon, il n’est pas aimable, mais d’un autre côté il doit se lever à 5 heures. Après une séance où il tape méchant sur la porte, menaçant d’appeler les flics, je dis à l’hôte que, au fond de moi, je saisis le problème du voisin, que moi aussi je travaille le lendemain, ben oui, et puis l’ambiance commence à partir en vrille, tout le monde s’énerve un peu, bref je me tire.

Seulement, bien sûr, j’ai loupé le dernier métro ; je suis spécialiste. Et pis là, je suis partie un peu agacée, peut-être pas diplomate, je ne sais pas, bref personne pour me ramener et je me tape 40 minutes à pied. J’ai froid aux jambes, je marche vite, ça réchauffe, j’aime bien les lumières de Paris la nuit, les rues vides, mes pas qui résonnent.

En même temps, j’ai froid, donc j’aime moins, forcément. Je me fais un trip sur ma couette.

Puis le sommeil, le froid, commencent à m’engourdir, j’ai envie de dormir, ou de m’arrêter, de m’asseoir, de quelque chose de chaud, de doux.

Je renifle. Faut que je sorte ma main des poches – calvaire – pas de kleenex.

Les drames de ma vie.

Pas de mouchoirs en papier.

ça vous arrive, hein?

Donc on récapitule : il fait froid, humide, mouillé, j’ai froid aux jambes, je marche, j’ai envie de dormir, j’ai mal au dos, j’ai la goutte au nez et les doigts gelés.

Ouais, c’est beau Paris la nuit.

Je renifle. Je m’essuie le nez. Crotte. Zut. Passer au Franprix demain, urgence.

Marche, marche, marche.

Brrr.

Goutte au nez. Salope. Snif.

En bas de chez moi : clefs. Dans sac. Aaaaah. Je les trouve pas. Manquerait plus que ça. Tout noir près de la porte de l’immeuble. Je vais sous un lampadaire et je commence à fouiller mon sac. Goutte au nez. Yeux qui pleurent. Froid. Ah tiens, le mouillé ambiant devient pluie.  Ah ben. Tant qu’on y est. Clefs pas dans sac? Dans petites poches sur le côté? Première petite poche? Deuxième petite poche? Troisième petites poches? Salopes de petites poches !!! Tout mon sac est par terre. J’ai l’air de quoi, là? hein? Accroupie sous un lampadaire, j’insulte mon sac dont le contenu se trouve sur le sol mouillé. heureusement j’ai mis les prospectus de merde que j’ai toujours dans mon sac en dessous, pour protéger les trucs plus fragiles et dont je ne veux pas qu’ils touchent le sol mouillé. Où sont mes clefs? Chez le copain de Charlie? Tombées par terre mais où? De rage je secoue mon sac. Gling gling. Bruit de mes clefs, ô combien doux à mes oreilles, et à mes cuisses, aussi, glacées.

Je les ai entendues, mais elles se cachent vraiment, au fond du sac, avec trois bics dont un complètement cassé, deux mouchoirs en papiers désséchés (j’en profite pour me moucher, c’est horrible), une pub pour une boîte qui me rappelle la soirée durant laquelle on me l’a donné, un carnet pour noter des trucs, une lime à ongle cassées en deux morceaux qui tiennent encore ensemble, deux petits machins de parfums donnés en cadeaux dans une parfumerie (un vide, un plein) et deux chouchous.

Je les tiens enfin, je reremplis mon sac, pousse les papiers inutiles dans la caniveau, vais vers la porte ; puis, saisie d’un remords écolo-citoyen qui me vient je ne sais pas d’où mais pas de mon moi conscient, c’est sûr, car mon moi conscient hurle et m’insulte, je vais ramasser les trucs dans le caniveau et les jeter dans la poubelle.

Puis je rentre dans mon immeuble ; monte à pied mes six étages et arrive en haut frigorifiée et de très mauvaise humeur.

Par contraste, il faut chaud chez moi.Je me détends.

J’ouvre l’eau dans la douche, je ferme le vélux, défais mes vêtements, me jette dans la douche, me démaquille à moitié sous l’eau, aaaah, l’eau chaude sur ma peau glacée.

Puis peignoir, j’attrape ensuite le tube de crème et, collée sous le radiateur à infra rouge (juste au dessus de la porte de ma salle de bain, je m’enduis de crème, j’ai horreur de ça, mais alors si je ne me crème pas en hiver, j’ai la peau hors d’état, donc je déteste ça au moment où je le fais, mais c’est du confort pour plus tard. Puis pyj ; chaussettes ; sweat ; s’il fait très froid je mettrais un bonnet et des moufles ; ben oui, je bouge quand je dors, je me découvre et j’ai froid, il me faudrait une couette de couchage, avec des bras, et une fermeture éclair jusqu’au cou, et une capuche – et un intérieur en flanelle déhoussable, si ce n’est pas trop demander, pour ne laver que le revêtement intérieur et pas toute la couette de couchage. Là, si je donne une idée à une grande marque, faut me payer des royalties.

Et puis : je dors !!!!