Vous connaissez cet état d’esprit où tout paraît étrange? je suis comme ça en ce moment. Comme si de subtiles modifications dans ce qui m’entoure avant créé une sorte de monde parallèle dans lequel je serais tombée sans m’en rendre compte.
Le bureau de Lui et Ben est fermé, je crois que c’est ça. Ils bossent dans le nouvel appart de Lui, et d’ailleurs ils ont plein de boulot juste en ce moment. Je me demande qui va venir dans ce bureau, mais en tout cas, ça me change tout. J’étais habituée à eux, à les voir, et puis le fait qu’ils ne soient plus là, joint à ma mésaventure avec Lui, tout ça me tourne la tête.
Oui, ça me tourne la tête : tout me paraît étrange, curieux, bizarre. Je regarde les murs de la cour et je remarque leur texture : était -elle la même auparavant? Et avant quoi, d’ailleurs? Avant Lui? Avant leur déménagement? avant Obama? Avant le fou qui a tué des enfants dans une crèche? Avant la tempête? Et après la grève de jeudi, ça sera différent? Aurais-je la même impression de flotter?
Je ne sais pas comment ça se fait, mais, pour ajouter à cette sensation de différent, l’actualité m’a assommée, cette semaine – et pourquoi? Puisque je pense, intellectuellement, que l’élection d’Obama ne va pas tout changer, pourquoi ne puis-je être de ceux qui ont une pensée claire, et pourquoi dois-je, alors, honteusement, lutter contre le sentiment enfantin et irritant que si, ça va changer quelque chose? je ne suis plus une enfant? Je ne veux pas y croire, alors pourquoi j’y pense? Comment font les autres? Ils sont comme moi, naïfs, et cons, mais ils luttent, mieux que moi? Pourquoi ça ne marche pas avec moi? J’ai trop lu Mon amie Flicka? Pourtant j’ai vu Ran, et je sais que les bons sentiments ne marchent pas en politique!
Pourquoi le tueur de Belgique m’a t-il assommé? j’ai commencé à me dire « mais dans quel monde vivons nous? » et je me suis fait penser à ma tante. J’ai essayé d’arrêter de penser. Pourquoi me mets-je à penser en poncifs, c’est l’âge? j’ai peur… Mais je ne parviens pas à comprendre comment on peut faire ça – tuer des bébés, naturellement, personne ne peut comprendre. Pourtant, si l’on y réfléchit bien, entre les faits divers et les guerres, on tue des bébés. ma surprise doit encore un peu tarte. Ma tante me dirait : « ben c’est un fou » comme si cela expliquait tout. (Même un fou, il me semble qu’il devrait s’arrêter devant un bébé). Les journalistes ont dit que c’était un fan de film d’horreur. Je ne vois pas le rapport, désolée, ou alors c’est de la même veine que la petite hystérie actuelle anti internet? Tu regardes très fort très fort le Joker, et paf, tu fais comme lui?
Pour en finir, la tempête. Donc, si vous voulez, l’actualité, cette semaine, elle nous a dit que le monde était incohérent, qu’ un dingue pouvait faire n’importe quoi, que nous ne sommes rien face aux éléments naturels (ça me rappelle 2001, l’Odyssée de l’espace), que nous sommes en quelque sorte, dans des courants fous, incontrôlables, que les plus forts s’en sortent (tous ces chefs d’entreprises qui renonncent à regret à leurs millions me fichent en rage, moi, moi, MOI, Madame de la Rochette, au secours), et que les plus faibles, non, surtout les bébés devant un type armés d’un couteau (je le savais déjà, mais ça ne m’a pas fait de bien de m’en ressouvenir) et Sarko va prendre son micro et nous expliquer comment il va faire pour que tout aille bien pour nous. Je l’admire, ainsi que tous ceux (et ils sont de tous bords politiques) qui ont la solution. Moi, j’ai envie de faire comme le type qui se mettait dans un tonneau et qui, lorsqu’Alexandre le Grand est venu se mettre devant lui pour lui dire qu’il l’admirait, et lui demander ce qu’il pouvait faire pour lui, lui a juste dit : « Ote -toi de mon soleil ». Diogène.
Mais vous faites comment, vous, vous faites comment?
Je vais manger du chocolat, je crois. Et chercher l’actu de Brad.