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Je rêvais d’un autre monde

Vous connaissez cet état d’esprit où tout paraît étrange? je suis comme ça en ce moment. Comme si de subtiles modifications dans ce qui m’entoure avant créé une sorte de monde parallèle dans lequel je serais tombée sans m’en rendre compte.

Le bureau de Lui et Ben est fermé, je crois que c’est ça. Ils bossent dans le nouvel appart de Lui, et d’ailleurs ils ont plein de boulot juste en ce moment. Je me demande qui va venir dans ce bureau, mais en tout cas, ça me change tout. J’étais habituée à eux, à les voir, et puis le fait qu’ils ne soient plus là, joint à ma mésaventure avec Lui, tout ça me tourne la tête.

Oui, ça me tourne la tête : tout me paraît étrange, curieux, bizarre. Je regarde les murs de la cour et je remarque leur texture : était -elle la même auparavant? Et avant quoi, d’ailleurs? Avant Lui? Avant leur déménagement? avant Obama? Avant le fou qui a tué des enfants dans une crèche? Avant la tempête? Et après la grève de jeudi, ça sera différent? Aurais-je la même impression de flotter?

Je ne sais pas comment ça se fait, mais, pour ajouter à cette sensation de différent, l’actualité m’a assommée, cette semaine – et pourquoi? Puisque je pense, intellectuellement, que l’élection d’Obama ne va pas tout changer, pourquoi ne puis-je être de ceux qui ont une pensée claire, et pourquoi dois-je, alors, honteusement, lutter contre le sentiment enfantin et irritant que si, ça va changer quelque chose? je ne suis plus une enfant? Je ne veux pas y croire, alors pourquoi j’y pense? Comment font les autres? Ils sont comme moi, naïfs, et cons, mais ils luttent, mieux que moi? Pourquoi ça ne marche pas avec moi? J’ai trop lu Mon amie Flicka? Pourtant j’ai vu Ran, et je sais que les bons sentiments ne marchent pas en politique!

Pourquoi le tueur de Belgique m’a t-il assommé? j’ai commencé à me dire « mais dans quel monde vivons nous? » et je me suis fait penser à ma tante. J’ai essayé d’arrêter de penser. Pourquoi me mets-je à penser en poncifs, c’est l’âge? j’ai peur… Mais je ne parviens pas à comprendre comment on peut faire ça – tuer des bébés, naturellement, personne ne peut comprendre. Pourtant, si l’on y réfléchit bien, entre les faits divers et les guerres, on tue des bébés. ma surprise doit encore un peu tarte. Ma tante me dirait : « ben c’est un fou » comme si cela expliquait tout. (Même un fou, il me semble qu’il devrait s’arrêter devant un bébé).  Les journalistes ont dit que c’était un fan de film d’horreur. Je ne vois pas le rapport, désolée, ou alors c’est de la même veine que la petite hystérie actuelle anti internet? Tu regardes très fort très fort le Joker, et paf, tu fais comme lui?

Pour en finir, la tempête. Donc, si vous voulez, l’actualité, cette semaine, elle nous a dit que le monde était incohérent, qu’ un dingue pouvait faire n’importe quoi, que nous ne sommes rien face aux éléments naturels (ça me rappelle 2001, l’Odyssée de l’espace), que nous sommes en quelque sorte, dans des courants fous, incontrôlables, que les plus forts s’en sortent (tous ces chefs d’entreprises qui renonncent à regret à leurs millions me fichent en rage, moi, moi, MOI, Madame de la Rochette, au secours), et que les plus faibles, non, surtout les bébés devant un type armés d’un couteau (je le savais déjà, mais ça ne m’a pas fait de bien de m’en ressouvenir) et Sarko va prendre son micro et nous expliquer comment il va faire pour que tout aille bien pour nous. Je l’admire, ainsi que tous ceux (et ils sont de tous bords politiques) qui ont la solution. Moi, j’ai envie de faire comme le type qui se mettait dans un tonneau et qui, lorsqu’Alexandre le Grand est venu se mettre devant lui pour lui dire qu’il l’admirait, et lui demander ce qu’il pouvait faire pour lui, lui a juste dit : « Ote -toi de mon soleil ». Diogène.

Mais vous faites comment, vous, vous faites comment?

Je vais manger du chocolat, je crois. Et chercher l’actu de Brad.

Où Fanette désespérée va voir un vieil ami, car il n’y a que ça de vrai

(Pour ceux qui prennent le train en route, les épisodes précédents sont dans la rubrique Lui).

Donc,j’appelle Pierre-Henri et il répond. On dirait qu’il vient de se réveiller.
Dialogue palpitant, du genre :
– Tu fais quoi?
– ben rien. Et toi? T’étais pas occupée ce week end?
– Ben je le suis plus.
Pierre-Henri rit.
– Tiens, moi j’ai failli l’être.
– Bon, alors?
– Chais pas chuis crevé.
Bien. Remarque, d’un côté, il ne peut pas non plus être à ma disposition. Voilà qui va m’obliger à faire preuve d’inventivité (ça, c’est que je dis a postériori, parce que sur le moment, je suis démoralisée, je me sens nulle, vide, moche, grosse, enfin il n’y a rien qui va).
Mais je ne veux pas rester seule, donc après on fera les filles, mais je préfèrerai un garçon, donc, résignée, j’appelle Gaël.
Ah, j’en ai déjà parllé, il y a longtemps. On se connaît depuis longtemps, et je n’ai plus rien à perdre devant lui. De toute façon, il est odieux, et il m’a déjà expliqué qu’il n’épouserait qu’une déesse, donc pas moi, et moi je lui ai dit que je n’épouserai jamais un sale con comme lui, ce à quoi il m’a dit, d’une façon très vexante , ah, ah !! elle veut se marier, eh, l’autre, et je lui ai jeté des chips à la figure : on part donc sur des bases saines.
Gaël décroche de sa voix habituelle, c’est-à-dire de très mauvaise humeur.
– Gaël, c’est Fanette.
Pareil à chaque fois, et il fait le coup à TOUT LE MONDE, un de ses meilleurs amais du temps des jeux de rôle s’est même fâché avec lui pour ça : il met toujours deux secondes à réagir, comme s’il connaissait des milliards de Fanette. « Mais tu fais chier, lui a dit le copain en question, Xave de son état, tu sais très bien qui je suis, c’est juste pour faire comme si t’en avais rien à foutre de tes potes. »
– Fanette? Ah oui.
Il m’énerve déjà. Mais c’est mon Gaël… On ne peut pas tout avoir.
– ça va? Tu me situes? Tu te souviens de moi? ça fait 15 ans qu’on se connaît.
– 14 . Tu ne m’as pas appelé depuis six mois.
– Toi non plus.
– Alors? enchaîne-t-il. Tu t’es fait plaquer?
– Je peux passer?
– Ouais, justement, j’ai mon ménage à faire.
– Tu sais que les plaisanteries les meilleures sont les plus courtes?
– ça fait six mois qu’on s’est pas vu, je peux te la refaire, non? Puis c’est vraiment grave crade.
– J’ai l’habitude.
– Au moins c’est grand, pas comme ton grenier.
Je ne relève pas. Gaël est agressif et désagréable de bonne comme de mauvaise humeur, c’est un style. Il peut aussi se mettre à être charmant. Il se brouille avec la plupart de ses amis, on dirait qu’il joue à un jeu. Avec moi, ça reste supportable. Peu importe. Il ne faut pas chercher à comprendre, même moi j’ai renoncé.
Je me rends chez Gaël. Son appartement est dans le XVIIIème, en fait il est à son père, et Gaël a une chambre de bonne. Une vraie, huit mètres carré, avec les toiletttes dehors. Sauf que depuis que Gaël travaille, son père, qui est reporter, et absent un mois sur deux, passe la plupart de son temps sur Paris en visite et rendez vous avant de se ruer comme un fou en Bretagne chez la femme de sa vie qui y est médecin. Il est donc rarement là et une évolution subtile a eu lieu, maintenant le père de Gaël annonce qu’il va venir. Comme s’il était chez Gaël. Mais les meubles n’ont pas changé. Rien n’a changé. C’est pour ça que j’aime. En fait, c’était l’apprt de la grand mère de Gaël et on y allait de temps en temps quand on allait sur Paris en première ou terminale. Puis, quand on a été sur Paris à la fac, on y passait. Gaël dormait dans sa chambre de bonne, et moi dans le canapé du salon. Ou dans un chambre d’amis. ça fait dix ans que Gaël déteste le buffet de la salle à manger, un buffet Napoléon III, enfin une copie, tape à l’oeil, avec une horloge dessus. Moi aussi, je la détestais, avant. On trouvait ça hideux, les petits anges dorés qui tiennent l’horloge. Maintenant, je ne la trouve plus moche : je ne la vois pas. Mais si on l’enlevait, je ne verrais que le vide laissé. L’appartement de Gaël est de construction plus récente que celui de Lui, très grand, mais pas terrible, un peu blockhaus, plafond bas. Le truc, c’est que je m’y sens chez moi.
Le salon est devenu une salle video, avec des enceintes gigantesques. La table de la salle à manger est ordinairement couverte de piles de livre. Gaël lit comme un furieux. Il travaille dans la gestion, mais il participe à des jurys de livres organisés par des journaux.
Il m’accueille en short et t-shirt dans son appart surchauffé. Il me sourit, charmeur. Ah, on est repassé dans la zone lumineuse alors. Il me demande si ça va, veux-je un thé, un plaid, du chocolat?
Non, je ne veux rien, sauf regarder une video. La collec de DVD de Gaël est ahurissante. Il achète, il télécharge, je ne sais pas comment il s’y prend, mais c’est un video club à lui tout seul. En l’occurence, je veux regarder Aimez vous Brahms. Oui. Si. C’est comme ça. Gaël, dans son quart d’heure délicat, après une grimace horrifiée, m’informe seulement qu’il me laisse l’appart, hein? et qu’il va faire un tour. M’en fous. Je veux regarder Anthony Perkins amoureux (et pas avec un couteau) d’Ingrid Bergman. Elle a vraiment l’air d’une grand mère dans ce film, elle m’énerve, mais je veux Anthony Perkins.
Avant de partir, Gaël vient faire un tour dans le salon, et regarde d’un air dégoûté le film.
– C’est vraiment nul, dit-il.
Bon. Merci, hein. Et puis il part. Je reste devant le film.
Ambiance, quoi.
Et juste avant la fin du film, Gaël revient. Il ramène (si quelqu’un rigole je le frappe) du saumon fumé et du champagne, parce qu’il sait que j’aime ça, sauf qu’il a pas choisi un super champpagne, mais bon, et il me dit :
– Bon, tu restes ce soir, hein? Parce que ça tombe bien en fait, j’ai un truc à te raconter. Faut que tu me donnes ton avis.
Et du coup je suis restée. Et comme ça, quand Pierre-Henri a rappelé, je ne me suis même pas forcé à lui dire : euh non, finalement je fais un truc.
En fait de truc, j’ai écouté Gaël me raconter son histoire. Heureusement qu’il y avait du champagne.

(NB : j’ai essayé de faire court, mais ça a merdé encore, je suis désolée. Du coup, je coupe, voilà, c’est tout).

Aimez-vous Brahms?

ça se passe à Paris.

Anthony Perkins tombe amoureux d’Ingrid Bergman, une femme qui doit avoir dix ou quinze ans de plus que lui, et qui vit avec Yves Montand, un Don Juan qui la pante régulièrement.

Ingrid Bergman est amoureuse et pas amoureuse, mais elle finit par vivre avec lui, avant de craquer et de retourner avec Yves Montand.

Je ne sais pas pourquoi, je trouve ce film bizarre, mais j’adore Anthony Perkins. Ingrid Bergman est agaçante. Yves Montand insupportable.
(Désolée, il n’y a pas de version française)

Lui, la suite

Melina 1965, via Flickr

(Suite de ces posts).

– Je suis désolé, dit -il.

Moi, mi ronchon, mi – feignant la stupéfaction : Mais de quoi?

Lui : De rien.

(C’est grand, ça, comme dialogue).

Lui : Bon, je vais partir.

Moi : Ah.

Dégagée.

Lui : ne dit rien. Boit son café. Pense à des trucs.

Moi : pareil.

Je me vide et des nuages gris me remplissent. Avec un peu de colère… diffuse, contre moi, lui, et cependant…

Je m’en fous, j’appellerai Pierre-Henri.

Voire Tim.

Ou Gaël.

Je fais une liste, et je me dis qu’ils auront forcément tous autre chose à faire. C’est pas grave, je regarderai Amadeus en vidant des pots de crème à tartiner à la noisette.

On boit notre café en silence.

J’essaie de chasser les nuages, et d’analyser le situation. Mais je ne parviens pas à penser de façon cohérente. Je suis fatiguée, je n’ai pas assez dormi, et le stress m’envahit.

Le silence est très différent d’hier : rocailleux, caillouteux, âpre, amer, que des trucs qu’on n’aime pas. A quel moment s’est effectué le changement?

Peut-être à aucun moment ; hier, j’ai peut-être interprété le silence.

Cela n’a pas d’importance, me dis-je : il n’y a pas d’interprétation, bonne ou mauvaise. On doit créer les choses. Créer ce qu’on veut voir arriver. Hier, je l’ai fait.

Aujourd’hui, je dois le refaire. Je doute d’en avoir la force ; je ne sais pas arranger les fils de la vie qui m’entoure. Hier, j’ai réinterprété, ou utilisé la situation mais là, je ne vois pas comment faire.

Il a fini son café. Il me sourit gentiment.

– ça va?

– Je suis fatiguée, dis-je.

Il se marre :  on n’a pas beaucoup dormi.

– Non, dis-je. Il se lève, passe devant moi pour sortir de la cuisine en disant sur un ton d’hôte bienveillant : Finis ton café.

Bien aimable. J’enrage. Quoique relativement. Bien qu’enrageant, je ne me sens pas prête à me lever et partir en claquant la porte ; pourtant, j’en sens l’envie… Histoire de m’occuper, je prends mon portable et je regarde le numéro de Pierre-Henri. Mais je n’appelle pas.

Je finis mon café.

Il revient.

Toujours souriant.

– Tu as fini? Bon, on y va.

Mmm.

– J’ai des trucs à faire?

– On se revoit ce soir?

Je n’ai pas pu m’en empêcher et je crois que je vais mourir de honte, car je sais ce qu’il va me répondre.

Eh bien, il me le répond.

– Non, ce soir, je dîne chez Agathe et Jean-Mi.

Ce sont les parents de Sandrine. Les propriétaires de sa boîte. Jean-Mi – vous ai-je déjà parlé de lui? Non. Pas grave, ça sera pour plus tard.

Je réussis néanmoins à rester digne, alors qu’intérieurement je ne me sens pas digne du tout. Nous descendons ensemble les escaliers ; Lui me fait des remarques sur la co-propriété. Fascinant. Je réponds. Je parle de la co-propriété de mon oncle et ma tante. Je parle par ouï-dire, je n’ai jamais assisté à une réunion, mais je les ai déjà entendu en parler. Lui non plus, il n’a jamais assisté à une réunion, il essaie juste de se la jouer.

En bas, on se dit au revoir et on part chacun de notre côté.

La tristesse que je ressens est combattue par la rage ; j’ai l’impression de m’être fait flouer, et ça m’est extrêmement désagréable. En plus, je suis vraiment cassée, le manque de sommeil, ou plutôt mes deux périodes de sommeil m’ont complètement abrutie. J’ai mal à la gorge : pour une raison mal définie, le manque de sommeil a souvent cet effet sur moi. Je rentre dans un café pour boire un thé, et j’appelle Pierre-Henri. Je me dis que peut-être, va savoir. Il n’est peut-être pas parti… Et où irait-on? Encore chez ses amis à la con? En fait, au moment où je vais couper, il répond….

Paris

paris

NB : ces évènements ayant eu lieu il y a déjà un certain temps, il est inutile de me consoler, dans les commentaires, d’un évènement que je ne raconterai pas de cette façon si je n’avais, depuis, avalé la pilule, et qui a du reste connu bien des développements ultérieurs.

Chez Lui 3

ciel-gris

Plus tard…

Plus tard, j’ai faim.

Oui, car il est plus tard, je n’ai rien mangé, et nous nous sommes dépensés physiquement.

Je suis dans un lit (c’est là que nous avons finalement échoué, après la canapé et la table, mais la table, c’est extrêmement inconfortable, on dira tout ce qu’on voudra). De plus, un lit comporte une couette, et sous une couette on a chaud.

J’envisage de me lever, pour aller préparer un truc à manger avant de tomber d’inanition. Je dois effectuer un repérage stratégique de mes vêtements avant. Je scrute les lieux, et c’est l’horreur : pas de petite culotte, ni même une autre fringue. Affreux. Je refuse de me balader toute nue devant Lui, je ne suis pas un top modèle et je ne le connais pas assez. Zut. Je prends la couverture, je m’enveloppe dedans, et je pars à la recherche de mes vêtements. Bien. Les fringues éparpillées dans le salon, c’est vraiment très pas glam. J’ai réussi le lancer de manteau, mais j’ai été moins concentrée sur le reste. Bon, c’est pas grave, je ramasse, les siens aussi du coup, je fais un petit tas, je m’habille (car c’est bien beau, ces grands appart, mais c’est pas tellement chauffé – et je suis frileuse, donc, tout à fait prosaïquement, la vie est vraiment mal organisée, je remets tout, les collants, le pantalon, le petit pull, sinon, j’ai froid, j’ai honte de dire ça, certes, je préfèrerais évoluer, négligement couverte d’un bout de tissus, mais j’ai froid aux pieds).

OK, ça casse le contexte, mais surtout en comm vous me dites comment vous faîtes, je suis preneuse.

Et je dis à Lui que je vais faire un truc, j’ai trop faim.

Ben, et le saumon, qu’il dit.

Moi : je vais faire des oeufs.

Sachez que les oeufs sont l’un de mes aliments préférés.

Et que l’exercice physique donne faim.

Je fais des oeufs. Il en prendra aussi.

Du coup on mange des oeufs, avec du saumon (enfin moi, lui, pas ensemble, mais moi j’adore le saumon et les oeufs ensemble, excusez-moi si c’est le matin).

Là, c’était le matin aussi, mais tôt.

Et avec on boit un peu de champagne.

C’est fouillis, mais ça me requinque, et on se met sous la couette, tous les deux, sur le canapé, et on regarde un film.

Je me rendors à moitié. Lui aussi.

Courbaturés, au matin, on se traine jusqu’au lit.

On redort.

Tout ceci est fort intéressant, n’est-ce pas.

Au final, on se réveille à nouveau, et c’est le matin du samedi.

Et là, que se passe-t-il?

On se regarde, mais il y a quelque chose d’étrange : comme si rien n’avait survécu à la nuit… La nuit est finie, c’est le matin, il se trouve qu’on est tous les deux dans le même lit. Quelque chose que je perçois, sans pouvoir l’interpréter, dans son regard, me rend maladroite. Je me sens brutalement très stressée et je reste obstinément sous la couette. En même temps, je voudrais rentrer chez moi. Mais si je rentre chez moi, que va-t-il se passer?

Lui – dort, à moitié, s’éveille, bouge. Me regarde, regarde la fenêtre.

Le téléphone sonne. Je me dis « ça va être Sandrine ».

C’est elle. Je le vois immédiatement au visage de Lui. Il fait une tête agacée et il commence à discuter au téléphone, pas très content. Elle veut qu’il fasse un truc, ou vienne, et lui non. La conversation se termine abruptement, et il se lève brutalement d’un air furieux en disant qu’il va faire du café.

Ce que j’interprète immédiatement comme  » tu pars bientôt ».

Et cela ne me réjouit pas. En même temps, je ne vais pas rester chez lui si l’ambiance est aussi nulle.

Que s’est-il passé?

Je repars en quête de mes vêtements, qui gisent cette fois au pied du lit.

Je file dans la salle de bain, qui est affreusement inconfortable. Froide, surtout. Les sanitaires des vieux apparts parisiens sont nuls. la malaimable aurait pu faire refaire… Enfin bref. Est-ce le moment de prendre un bain? Est-ce raisonnablement le moment? Non, je sais, peut-être pas, mais quand on prend un bain l’eau qui coule chauffe la salle de bain. parc eque là, je suis dans la salle de bain de quelqu’un d’autre, il fait froid, mes vêtements sont froids, et le type qui fait le café a une tête qui ne me dit rien qui vaille.

Je me décide pour une douche, ça suffit, ça va me faire du bien, ça me fait du bien, en effet, l’eau met du temps à chauffer, la douche commence froide, parfait pour l’humeur, je ressors en super forme, tonifiée, je sens que quoiqu’il me dise je vais résister.

Après, l’eau devient chaude, je vous rassure, et même brûlante.

A Paris, on a de beaux volumesn mais le reste, c’est le XIXème siècle. En plus, les tuyaux font blam blam, je commence à me demander si je ne vais pas causer un dégât des eaux…

Et donc, de très mauvais humeur, et furieuse d’être de mauvaise humeur, et furieuse de la situation, je surgis dans la cuisine en essayant de sourire.

Lui est installé à la table de la cuisine, il m’a servi un café et quand j’entre il me dit :

– Je suis désolé.

Un

(Soyez pas tristes… hein. C’est vieux).


deux

Chez lui 2 bis

Bon, je rappelle la situation : je suis sur le balcon, que j’admire (je meuble en regardant d’un air absolument passionné les voitures, les autres fenêtres et balcons de la façade  et les gouttières).

L’affreux colocataire s’en est allé, d’ailleurs on le voit dans la rue sur le trottoir.

On continue la visite et soudain je me reprends.

Je décide de prendre les choses en main ; on verra, me dis-je, où ça nous mène.

Debout au milieu du salon, en essayant de penser (ça m’aide) que je suis sur une ligne, enfin un cable entre la terre et le ciel – un reste de Tai Chi, j’ai, oui, fait un peu de tai chi, mais j’ai pas aimé, sauf le baratin, j’adorais quand la nana nous disait qu’on était entre la terre et le ciel- j ‘insiste pour boire le champagne. Je fais toute une histoire. Mes pieds s’enracinent dans la terre, une ligne imaginaire me relie au centre de la terre, je tire mon énergie psychologique du magma.

Une autre ligne imaginaire me relie au ciel, je tire le reste de mon énergie psychologique du ciel et du soleil.

Note à l’intention du lecteur ou de la lectrice surpris(e) : on ne panique pas, je ne viens pas d’entre dans une secte, c’est un peu de mes lectures de Sf d’ado, ça ressort parfois, quand on se méfie pas. La SF + le Tai Chi : ça rejaillit à des moments inattendus (surtout que vraiment j’ai pas aimé le Tai Chi ; le yoga, oui).

D’autre part, je n’ai pas parlé de pensée positive sur ce blog, quoique j’aie effleuré le sujet en commençant mon blog, mais la pensée positive, c’est bien.

Du coup, pensant au ciel, à la terre (qui me soutiennent) au fait que je suis, merde zut, chez Lui alors que j’attends ça depuis pas mal de temps, je me sens poussée par une énergie folle.

Il est OK pour le champagne.

Je pars dans la cuisine, Lui cherche des flûtes.

Je dispose du saumon dans une assiette sur la plan de travail à côté de l’évier. Nous sombrons dans un découpage des rôles atrocement traditionnel, je le crains, mais là j’ai pas le temps ni la présence d’esprit de réfléchir à tout ça, j’ai faim et je commence à être sur les nerfs.

Je suis dans la cuisine, et je me demande comment tout ça va finir, quand Lui, ayant amené des flûtes dans le salon, survient dans la cuisine, et s’approche de moi.

Et là, un truc. Rien, mais un courant électrique. Je le sens qui s’approche, et je me demande, comme souvent dans ces cas-là, est-ce que lui aussi sent quelque chose? (à part l’odeur romantique du saumon fumé sur mes doigts).

Il s’approche, passe juste derrière moi et me regarde faire, appuyé sur le plan de travail. Je prends les tranches de saumon et je fais une chiffonnade.

(Super, le concept de chiffonnade, au passage).

– Super, me dit-il. Il me regarde avec concentration, comme je regardais la façade de l’immeuble tout à l’heure, comme si regarder quelqu’un faire des petits tas plissés de saumon fumé était une activité en soi.

Et le silence.

Le silence, dans une cuisine, certes, mais un silence qui se remplit d’une sorte d’électricité.

Nom de Dieu, on y est, on tient le contexte !!!

Enfin ça bouge, non? question contexte.

Je suis là, très ontologiquement et lui aussi.

Je veux dire que je me sens être debout, moi, et je le sens debout près de moi. Il se passe un truc. Je m’interroge. Et je me dis que j’ai tort de m’interroger; tort : ça doit être maintenant, et puis c’est tout.

Mais je ne fais rien, je continue à faire ma chiffonnade de saumon.

Il prend l’assiette quand j’ai fini et l’emmène dans le salon.

Quand il sort, je reste soufflée de ma connerie. Non, pas possible.

Mais je ne me démonte pas, je cherche un bol pour mettre le tarama.

Et je fais griller le pain.

Je sors le beurre (c’est pas de ma faute, j’aime le beurre).

Il revient.

Il me regarde encore. Je n’arrive pas à savoir ce qu’il pense. Est-il terrassé par la maestria avec laquelle je transvase le tarama dans le bol?

Par le fait que je coupe le pain de mie en triangle?

Et pendant que je coupe le pain de mie en triangle, je me dis, j’entends des pensées résonner dans ma tête : tu te trouves seule dans une pièce – bon, certes, une cuisine – avec Lui, c’est le mieux que tu aies obtenu jusqu’à présent, et que fais tu? Tu coupes du pain en tranche?

Je vais me laver les mains (l’odeur de saumon) et je me tourne vers Lui, je lui dis, d’une voix sans souffle parce que la situation est trop lourde, je lui dis :

– Ecoute (et j’ai l’intention de dire un truc du genre : je vais faire quelque chose que j’ai très envie de faire – c’est juste pour me motiver, j’ai besoin de parler, c’est plus fort que moi.)

Sauf que je ne dis rien.

Je commence « écoute » et hop, je ne l’avais pas vu venir (si je puis dire) mais il s’avère que Lui est nettement plus proche de moi que prévu, et paf !

Paf.

On s’embrasse. Curieusement, j’ai l’impression étrange de me vider de toutes mes forces, toute mon énergie, alors que rappelez-vous, il y a un moment, je captais des énergies telluro-cosmique. Mais là, plus rien. C’est la tension qui doit baisser violemment. J’ai la tête qui tourne, et donc forcément, que fais-je? Ben, je m’accroche à lui, forcément, sinon je vais tomber.

Et là, je baisse un voile pudique sur la suite des évènements, car je suis une personne pudique et que certaines choses sont privées.

En revanche, je jure solenellemment que je mets la suite demain.

Carla Bruni : un an déjà (ou quasi, on va dire)

(Vous noterez l’horrible look du Président)

Ah la la, souvenez vous : Carla ; ça fait déjà un an.

Elle était allé mignonnement visiter ce haut lieu de la culture française, Eurodisney, et là, devant le chateau de la belle au bois dormant, ou dans un fast food, on ne sait trop, Nicolas rougissant déclarait sa flamme aux journalistes.  Je veux dire sa flamme pour Carla. Comme c’était romanesque. A l’époque, faisant preuve d’une mentalité hyper rétrograde, je disais que tout de même il aurait pu choisir un château de l’histoire de France, mais pff, qu’est-ce que je suis vieux jeu.

Ensuite, il l’emmena en Egypte… Comme si on n’avait pas assez de vieux trucs en France. Enfin. Il parait que c’était pour imiter Mitterrand. Je ne vois pas le rapport, mais qu’importe, je ne dois pas être au courant.

Ensuite il divorce, ensuite il se marie, ensuite le coup du SMS révélé par un journaliste du Nouvel Obs, histoire, Carla dérape, toute la presse se jette sur son dérapage comme la misère sur le genre humain, oh elle a dit que si des rumeurs faisaient l’actu qu’est-ce que ç’aurait été pendant la deuxième guerre mondiale, elle s’excuse, on ne dit pas ça, c’est incorrect.

Et puis après (ou avant) elle sort son disque, mais plus rien. Nicolas tout content le distribue à ses ministres. Mais plus rien. Je crois, en gros. Plus de bourdes. Plus de dérapages.

Juste une robe violette et des airs courtois et discrets le 14 juillet. Une robe à la Jackie Kennedy.

Mais plus rien. Elle a pris un conseiller en comm? On ne sait pas. Quelqu’un lui a dit : ferme-la, maintenant, même un bonjour va déchaîner la presse. Alors un mouvement d’humeur, c’est la révolution.

Voilà.

On a gagné une première dame aussi muette que les autres. Je ne sais pas si c’est bien…

Elle s’est trouvé une cause, parfait : et un truc très bien : ambassadrice des mères et des enfants contre le sida auprès du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Impec : mère + enfant + sida + tuberculose + paludisme. ça touche l’Afrique, les femmes, les enfants, la médecine, la recherche, voire le Nobel, voire sa vie à elle (agitée ; donc elle pourra recommander l’usage du préservatif en connaissance de cause), et à la limite ça fait passer Vanneste.

ça évoque vaguement Lady Di (il lui faut aller prendre des enfants dans ses bras, mais je le sens bien, pas vous?) et ça renvoie les pièces jaunes dans les ringardises du passé.

Pas mal non plus, les enfants du sida, on ne les rencontre pas dans des écoles maternelles où la police vient chercher les petits enfants sans papiers : pas de risque de téléscopage entre une visite de Carla et une descente.

Bien, bien, bien… le tout avec son sourire inoxydable… je n’ai rien contre son sourire, je pense qu’elle a son caractère, et qu’elle a tiré la leçon de ses bourdes. Elle ne desserrera les dents que pour la langue de bois des politiques.

Pourquoi pas.

Enfin, un an déjà quoi.

Isabelle rédige son faire part

mariage

Et il lui faut donc faire preuve de, je cite, ORIGINALITE.

En effet, Isabelle n’est pas tout le monde. (NDA : cette Isabelle est mon Isabelle, et n’a rien à voir avec d’autres Isabelles qui pourraient lire ce blog).

D’ailleurs, on ne peut lui contester ce fait : Isabelle n’est, en effet, pas les autres.

Elle a donc droit à son faire part original. Le faire part avec le petit plus.

Mais déjà, là, les problèmes et les soucis s’amoncellent.  Ses parents sont partisans d’un faire part classique. M. et Mme Machin, M. et Mme Truc sont heureux de vous faire part… (avec en option une liste d’ascendants digne des plus grandes familles royales européennes ; la plèbe aussi peut disposer d’ancêtres vivants).

Fi ! se dit Isabelle.

Qu’en pensé-je? s’enquiert-elle. Moi – car je fais preuve de remarquables talents littéraires. Je l’aide à trouver l’adéquate formulation de certaines lettres – elle n’est pas très imaginative, et pas question d’interroger Diva (qui, à l’écrit, est encore plus nulle ; je coache aussi Diva ; mais séparément).

J’avoue mon indifférence incapacité à trancher avec délicatesse. ça m’emmerde. Comment, en l’occurrence, faire preuve du doigté nécessaire?

Pas démontée, Isabelle planche sur des projets de textes, qu’elle vient me soumettre en souriant. Elle a juste un truc à me montrer il y en a pour 5 minutes. Pas plus.

« Salut les potes !!! On se marie, vous venez? » risque d’inquiéter quelques grand tantes – déplore-t-elle, et je le déplore avec elle. Par ailleurs, je trouve que ça manque d’élégance.

Elle défend son projet.

– Ouais mais c’est spontané.

Je m’en fous :

– Mais tu fais comme tu veux. C’est toi qui te marie.

Comme je m’incline, elle me donne raison :

– Non tu as raison. ça va pas.

Elle repart. J’ai pitié d’elle. Je commence à rigoler dans mon coin. J’écris :

Isabelle et Olivier espèrent avoir l’ineffable joie de…, euh, non, faut pas exagérer.

Isabelle et Olivier, plongés dans le bonheur de leur union, souhaitent la partager avec vous – j’en fais toujours trop.

Viendrez-vous vous joindre à la joie ineffable de? – j’ai un problème avec ineffable, non?

Ferez-vous à Isabelle et Olivier le bonheur immense de vous joindre à eux pour le bonheur – de – trop de bonheur, tue le bonheur.

Balzacien : Le samedi vingt neuf juin deux mille huit, rue de la Petite feronnerie, en l’Eglise Saint Rodolphe le Truculent,…

Proustien : Longtemps nous nous aimâmes secrètement.

Impulsif : Eh oui ! On se marie ! Vous venez? ( = mauvais, rapport aux grands-tantes).

Religieux : Sainte union de deux âmes sous le regard attendri du Dieu d’amour…

Inspiré, tendance baudelaire : Mariage, bonheur ultime, union délicieuse, nous nous livrons avec joie à tes chaînes… (ça vire sado maso??? comment j’ai fait?)

Inspiré, tendance baudelaire II : Mariage, bonheur ultime, union délicieuse, nous succombons avec bonheur à ton ivresse…. – nan. Incitation à la consommation d’alcool, c’est pas bien.

Inspiré baudelairien III : Mariage, bonheur ultime, union délicieuse, nous – j’y arrrive pas.

Recyclage de la formule précédente (c’est la crise) : Mariage? Bonheur ultime? Union délicieuse? Et si on en parlait tous ensemble le…. (ouais, mais pas mieux pour les grand tantes).

J’en ai marre, et j’écris : Isabelle et Olivier s’aiment et ont décidé de se marier le… avec vous. Serez-vous de la fête?

Je suis assez contente de ma formule. Comme souvent, je me dis que la simplicité, il n’y a que ça de vrai.

Retour d’Isabelle, venue du fin fond de l’open space, près de la machine à café, concentrée. On sent qu’elle bosse. Elle a rarement l’air aussi investie.

– Ecoute : Isabelle et Olivier souhaitent vous retrouver le… lors de leur mariage en l’église… c’est quoi, ça?

– Ben, j’écrivais des trucs, comme ça, n’importe quoi, je cherchais des idées.

– Oooooh !! Tu es choute !!! Tu me les envoies?

Et vlan, je les lui envoie par mail.

Chez Lui 2 (c’est 2?)

glace-jura

Je prends un air dégagé, je suis cool, extra cool, en fait j’arrive à faire comme si ce n’était pas lui, donc je flotte – très agréable – dans un nuage doré. Enfin, c’est lui. Donc, quand même, je reste vigilante.

Je lui tends le champagne et les autres machins – décontractée, je fais ça TOUS les soirs –  en expliquant que ça se fête, il me parle de crémaillère, je lui dis n’importe quoi, mais un truc du genre comment ça, tu croyais que j’allais passer les mains vides et louper une occasion de boire des bulles? Tu crois que MOI j’attends une crémaillère? MOI? d’un air de dire que moi, je suis une princesse russe, une déesse grecque, la fille cachée du Sultan de Brunéi (alors que pas du tout)( hélas).

Bon, dit-il. Ebranlé. Ah. Mais ça, depuis quelque temps je l’ai noté, je prends des airs et ça marche. Total, j’ai plusieurs fois foncé dans le tas.. spirituellement, je veux dire.

Nous visitons. Je laisse négligemment, enfin le plus négligemment possible tomber mon manteau sur une chaise ; en fait je ne suis pas si négligente, je fais attention à ce qu’il tombe bien, je ne sais pas, mais ça va me perturber si mon manteau se retrouve en tas par terre, ça fait nul, non? Le négligé ça se travaille. Mon manteau tombe sur la chaise, plouf, avec un bruissement, quelle maîtrise ! On dirait que je jette négligemment des manteaux tout le temps.

C’est le rêve. L’appart de rêve. Défaut : il ouvre sur une avenue, on entend bien le bruit de voitures… Mais bon, à part ça. Je prends l’air extasié, mais extasié comme si je connaissais. Vous allez me dire (en fait c’est moi qui me le disais) mais sois naturelle, bordel – sauf que je ne savais plus comment on fait pour être naturelle. Donc, ma façon d’être naturelle, c’était (suivez moi bien) de ne pas l’être, puisque ça me venait naturellement de prendre des airs pas naturels (relisez, si vous ne comprenez pas).

Soudain, troublant l’instant, une voix pas très aimable :

– Bonsoir.

Je me retourne.

Un type dans l’embrasure de la porte, l’air froid. Lui me présente :

– François, le propriétaire des lieux.

Le visage de François ne bouge pas. Il est glaçant. Je sens presque toute mon assurance tomber, comme une petite culotte autour de mes chevilles, et je me sens con. Bravo, François. Merci.

– Vous êtes propriétaire? Quelle chance ! (je feins l’enthousiasme légèrement écervelé-superficiel, avec la très désagréable impression de m’enfoncer, mais je ne sais plus où est mon naturel, je n’ai même plus le concept, j’essaie de m’imiter moi-même).

– Mmm, fait le type comme si ma voix avait à peine effleuré ses tympas. Il s’adresse à Lui : bon, je rentre dimanche, comme je t’ai dit.

Et à moi, l’air absent :

– Enchanté, mademoiselle.

Puis il part. Heureusement qu’il n’est pas resté. On se serait transformé direct en glaçons.

J’attends que la porte se soit refermée, puis je dis à Lui : Dis donc, il est désagréable…

– Il n’est pas toujours comme ça. Mais il est spécial.

Le type – François – a jeté un froid. On reprend la visite, mais le coeur n’y est plus. Il m’emmène sur le balcon. Oh, c’est un balcon, et on voit les voitures en bas. On regarde, et je prends l’air intéressé.

Alors que tout avait commencé à monter, c ‘est retombé. Br.

Mais c’est pas fini.

Où Fanette se pose des questions, avant d’aller chez Lui….

ascenseur

Je suis complètement angoissée toute l’après midi, mais je lutte. Je me demande de quoi je vais parler, et j’essaie de me remémorer mes conversations habituelles avec les gens (comme d’hab). Heureusement, parce que j’ai été stressée par le sujet, je m’étais fait une fiche sur mes sujets de conversations, il y a trois semaines, alors que je me disais : mais ce n’est pas possible, je parle de trucs avec les gens. Et je regardais ma fiche (si) en me disant : mais comment vais-je amener ça sur le tapis?

On n’était pas sorti de l’auberge.

Et puis là, grâce en soi rendues au PS (je présente mes regrets aux militants), on pourra parler de ça. Ça fait quand même un sacré sujet, et on n’a même pas besoin de parler. Il suffit de dire « ah la la mais c’est pas vrai ». Ou » moi j’aime ni l’une ni l’autre » ou « moi j’y comprends rien mais qu’est-ce qu’ils sont dans le merde ». C’est du phatique de base. Merci Ségo, merci Martine.

Après j’ai une idée qu’elle gééééniale : je vais acheter du champagne et du tarama et du saumon. A défaut de parler, on mangera.

J’explique : je ne vais pas arriver en me tortillant et en rougissant. Je vais me redresser (et derrière mon PC je me redresse ; je prends au moins 15 cm, car l’instant d’avant j’étais recroquevillée sur le clavier, à me dire : mais pourquoi je suis nulle avec ce type, pourquoi, pourquoi? En essayant de le transformer mentalement en Pierre-Henri, car avec Pierre-Henri je gère tout, et pourquoi pas avec lui???).

Donc je vais arriver d’un pas plein d’assurance, sûre de moi et tout, bien droite. Ah ah ah.

En plus ce jour-là j’ai de petits talons. Avec des talons je peux marcher en faisant clac clac, ça me donne la pêche. c’est con, mais bon.

J’ai un manteau long (ça me tasse un peu, mais je me sens bien dedans).

Je révise mentalement tous les trucs positifs, et je me dis que je vais tout faire pour me sentir bien et arriver le soir chez lui en forme.

Avec de quoi boire, soit avec lui seul, soit avec son coloc, je ne sais pas s’il est là ou pas.

Et si Lui a un truc de prévu, je laisse le champagne chez lui, en gueulant que je reviendrai et qu’on le boira ensemble.

Ou j’insiste pour qu’on le boive avant?

Qu’est-ce qui est mieux?

Je m’abîme dans la réflexion. Comme je ne sais pas ce qui est mieux, je n’arrive pas à voir la situation de l’extérieur, j’arrête d’y penser. Je vais me flinguer le moral.

Vers 16 heures, Lui m’appelle pour confirmer.

Je prends une voix affairée pour lui dire que je m’en souviens très bien. Mais j’ai du boulot, hein, mais je me souviens, oui bien sûr.

je raccroche et mes mains tremblent.

Oh, que j’en ai marre.

Pierre-Henri m’appelle. Croyez le ou non, mais j’ai une bouffée de tendresse pour lui.

On discute. Il veut qu’on parte en week end. Je lui dis que je ne sais pas. Il soupire. Je dis d’accord (parce que si ça merde avec Lui, j’aurais besoin d’un remontant).

Mais si ça merde avec Lui, j’aurais envie plutôt de rester sous ma couette.

Mais je ne resterai pas sous ma couette. C’est mauvais. Ah, et puis zut. Je dois juste aller chez lui, pour le reste c’est obscur.

Bon, j’ai rendez-vous à 18 heures trente.

Je sors, je passe au supermarché d’à côté au j’achète mon champagne et deux ou trois trucs, etc, etc, je prends le métro en m’efforçant de ne penser à rien, et j’arrive à 18 heures 20, je rentre dans l’immeuble avec le code, je sonne à l’interphone, je monte en ascenseur (l’ascenseur de rêve, en cuivre doré et en vitre) et j’arrive, il est là, la porte est ouverte.

Amour, toujours….

Amour ou pas, je n’en sais rien, obsession sûrement.

Les choses évoluent favorablement selon moi.

En fait, tout est différent. Sa rupture, ou semi-rupture avec Sandrine a transformé Lui. Il voit le monde extérieur, et surtout il me voit. Avant, il avait toujours l’air plongé dans ses soucis, pensées, là il a le même air, mais avec un oeil ouvert sur le monde.

Et le monde, c’est moi.

Enfin j’exagère…

Ce qui change, aussi, c’est moi, et ça n’est pas anodin. j’en suis assez contente, et je me demande comment l’expliquer. L’année dernière, j’étais timide, enfin, timide dans mon comportement, je ne savais jamais quoi dire et le boulot me plaisait, mais les gens me déplaisaient. je ne savais pas comment me positionner par rapport à eux.

Je suis restée dans une position bizarre, mi-« je rentre dans le jeu », mi-« je suis hors du jeu », et au final, ça a payé – ça a payé en moi : je me sens extérieure au boulot, mais je suis dedans quand même.

Est-ce que ce que je dis est clair? Je joue le jeu, je parle, je bouge, mais à l’intérieur je suis différente.

Soyons plus imagée : le monde extérieur, c’est le bureau, la cour intérieure, la vigne vierge, la machine à café. Mais dans ma tête, je suis ailleurs, et j’y avais quand je veux : je pense parfois à tous les matins du monde ; parfois à Dune, au Palais de Leto I ; parfois je suis à Combray. Quand je regarde les gens de mon open space, je reviens de si loin qu’ils me paraissent bizarres.

Cet état d’esprit m’a donné de l’assurance ; j’ai changé mon look, j’ai des tenues toutes prêtes dans mon placard ; je les ai listée ; si je ne réfléchis pas à ma façon de m’habiller, je vais arriver au boulot en pyjama. J’ai donc fait des listes strictes, tel pantalon avec telle jupe etc.

Un soir dans la rue, j’allais à un vernissage, j’avais réfléchi à ma façon de m’habiller, et plein de gens m’ont regardé dans la rue. Du coup je me suis regardée aussi, dans les vitrines ; je n’arrivais pas à savoir si j’étais ridicule ou pas. Mais au vernissage, où le champagne n’était pas bon et les petits fours secs, ce qui n’a pas compensé les croûtes, la fille qui m’invitait a dit que j’avais un super look (ce qui ne me rassure qu’à moitié car elle était habillée très bizarrement) ; disons que ça passait dans le contexte.

Donc, à force de renforcement positifs, je me suis sentie plus forte.

Je ne traverse pas la cour du même pas qu’avant.

Je n’entre plus dans le bureau de Ben et Lui comme avant.

Maintenant Lui enlève ses lunettes et boit un café avec nous.

Nous dialoguons. Je veux dire que je n’assiste pas au dialogue Ben-Lui.

Donc, du mieux.

Enfin, je me sens mieux.

Lui déménage, vu qu’il vivait chez Sandrine, il a trouvé un appart en coloc. Un coloc qui, selon lui, n’est jamais là. Quelle chance. L’appart est immense (il y en a qui ont du bol), une chambre immense, une cuisine immense, un salon immense.

Et là, vive la confiance en soi. En fait, quand il me dit ça, je suis dans son bureau, et il m’explique :

– Ah, tu sais, je croyais que j’allais laisser le bureau, mais peut-être je vais encore venir travailler ici.

– Ah oui?

– Ouais, j’ai trouvé une coloc d’enfer, je ne peux pas louper ça, mais je ne peux pas mettre mon bureau chez moi comme je voulais.

– Aaaaaahhh… (je prends l’air navré).

(Il me décrit l’appart).

– Mais ça a l’air génial !!! (je pousse des cris)

– Oui, et puis c’est un appart ancien, mais le type à refait la salle de bain, enfait il a fait un truc délire, il a cassé une chambre pour refaire la salle de bain, donc il a une salle de bain immense… Et la chambre a au moins 4 mètres de plafond… J’ai vu ça, j’ai craqué. Il faut que je vive là.

– Je veux voir ça, je veux le voir !!! J’adore les vieux appart !!

– Ben, passe ce soir, si tu veux.

(Moi, essayant de ne pas m’étrangler)

– Ah, ben… ouais, OK.

Ce soir.

Juste, il faut que j’annule Pierre-Henri.

j’ai annulé.

Mais ce qui est génial, c’est (vous me permettrez, ici, de m’en réjouir comme une petite fille, d’accord?) que je n’ai même pas réfléchi ; avant, j’aurais écouté, et je n’aurais pas osé dire « oh, je voudrais voir ça », par  des principes de je ne sais même pas quoi à la con, je ne le connais pas assez, enfin, non, ce n’est même pas ça : il y a des gens qui me bloquent et d’autres pas, mais lui, me bloquait. Sauf qu’avec mon assurance qui m’est venue, je ne pense plus à cela, je ne me retrouve plus dans cette situation conne où, au moment où j’ouvre la bouche pour dire un truc, je me dis « mais peut-être qu’il ne faut pas que je dise ça? » et du coup, je referme la bouche, bredouille et passe pour une gourde. Du coup, avec les gens avec qui j’étais à l’aise, pas de souci, je pouvais dire ce que je voulais ; mais avec tout une série d’autres personnes, je me retrouvais à vouloir parler, hésiter, sortir une phrase, puis m’interrompre, ou bafouiller « Euh, non, non, rien » en me maudissant.

Ce n’est pas la confiance totale ; si j’avais confiance, je ne remarquerai pas ce que je vous dis là, vous saisissez? mais il y a un mieux. Je n’ai pas eu l’air de dire « oh, s’il te plaît, je veux aller chez toi », comme une petite sotte. J’ai poussé des cris sur les appart anciens et.. voilà.

Donc, je vais aller chez lui….

Et je vais vous raconter mais pas tout de suite.

Pas tout de suite.

Vous verrez, ça évolue… pas trop mal, mais il y a un mais.