(Suite du post précédent)
Eh bien, que j’allais au cinéma avec Ben et Lui, c’était la première fois.
Et avec un trou au pied droit du collant.
Et pas de kleenex.
Il faudrait que j’en achète en sortant.
Je vais sortir du boulot et aller acheter des kleenex devant Lui? ça veut dire qu’il pourrait penser que j’ai besoin de me moucher?
Je stresse.
Si je me mouche, je finirais par avoir le nez rouge.
ça sera horrible.
Je file aux toilettes : je regarde mon nez. Il n’est pas rouge. Je prends du PQ et je le mets dans ma poche. Ensuite je le mets dans mon sac, dans une petite poche intérieur en faisant gaffe à ce qu’on ne me voit pas de l’autre côté de la cour.
Le jour baisse en plus, c’est l’heure où tout le monde voit chez nous.
Je dois encore travailler une heure. Travailler. Alors? Quel est mon travail, déjà? Ah oui, il y a des mails à lire. Allons-y, lisons les mails. Quel cinéma? hein? Ah, tiens, une société a accepté notre devis. Ah non, elle veut moins cher. Ben tiens. Et quel film? je maile à Marc : j’ai pas envie de monter. Si je suis dans un cinéma avec Ben et Lui, je n’arriverai pas à voir Vincent Cassel. Donc, pas la peine d’aller voir Mesrine. Oui, Marc, voyons les choses en face, ne sous-estimons pas le truc, les gens ils ne veulent plus payer. On va devoir négocier. D’ailleurs, aucun film avec un mec mignon. Je ne peux pas être assise à côté de Lui et regarder un autre homme. Je ne verrais même pas l’autre homme. Je suis énervée. A mon avis, on devrait couper le prix du graphiste, il est con, mais je ne le dis pas à Marc. Est-ce que je me mets à côté de Lui? De Ben? Entre les deux? Est-ce que j’ai déjà été dans ce cas de figure? est-ce que j’ai déjà été aussi énervée? Pourquoi le téléphone sonne? Il ne vient plus au cinéma? Ah, Marc veut me parler. C’est de l’amour.
Je me lève et je me demande si j’étais aussi tarte quand j’avais quinze ans. A quinze ans, je n’allais pas au cinéma. Je suis stressée. je m’assied où? je monte les escaliers en colimaçon. Je me concentre sur les escaliers. Sinon je vais tomber et plus de cinéma. Marc m’accueille d’un air soucieux. Nous discutons du devis. je lui case que le graphiste n’est pas indispensable. Marc n’est pas d’accord. Je lui dis que ce graphiste là est surestimé, je lui sors un truc, oui mais ce graphiste-là est connu, il a déjà fait ses preuves – ses preuves de quoi? j’arrête d’argumenter, je m’en balance, Marc parle et s’occupe personnellement de l’affaire. On est sauvé. Il est 17 heures, c’est fou comme le temps passe.
Certains commencent à partir. Je les regarde. Je vais me faire un thé, ce coup-ci. Avec Gaby. Elle boit du thé, Gaby. Ben et Lui sortent de leur bureau et me font signe. Ils m’attendent au café. Je vais tomber.
Je repense à la dernière fois que je suis allée au cinéma avec Pierre-Henri. J’étais là, je me suis assise tranquillement, Pierre -Henri m’a mis la main sur le genou ( très c’est à moi, c’est pas-t’à toi, au cas où un mec de passage se poserait la question). Après, j’ai regardé le film et je ne me suis posé aucune question.
L’heure tourne. J’efface des mails. Je ferme tout bien tout bien, je fais un peu la poussière, vala vala c’est l’heure et je sors et je retrouve Ben et Lui au café d’à côté. Quand j’entre, Ben est de dos, Lui de face. Lui me sourit. Son blouson est ouvert, il fait chaud dans le café, on voit le col de son pull, rond et son cou. J’adore son cou. Je regarde ses mains, pour voir si ça continue de me faire de l’effet, et oui, oui, oui, ça fonctionne à donf, ses mains sont magnifiques, carrées, mais fines quand même, elles tiennent un stylo.
Donc, on récapitule, il me sourit, ses yeux pétillent, il a un pull ras du cou, et des mains qui dépassent des manches.
Moi j’ai seize, quinze, quatorze, treize, douze ans.
Un mal de chien à me concentrer. Je m’assied avec eux et je rigole. On dirait que j’ai déjà bu.
Ben m’annonce le film que l’on va voir, je dis OK d’accord pas de souci, et je commande un café.
Le film était un navet, mais j’ai adoré.
Mais je vous dis ça plus tard.