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Où Fanette va au cinéma avec Ben et Lui

(Suite du post précédent)

Eh bien, que j’allais au cinéma avec Ben et Lui, c’était la première fois.

Et avec un trou au pied droit du collant.

Et pas de kleenex.

Il faudrait que j’en achète en sortant.

Je vais sortir du boulot et aller acheter des kleenex devant Lui? ça veut dire qu’il pourrait penser que j’ai besoin de me moucher?

Je stresse.

Si je me mouche, je finirais par avoir le nez rouge.

ça sera horrible.

Je file aux toilettes : je regarde mon nez. Il n’est pas rouge. Je prends du PQ et je le mets dans ma poche. Ensuite je le mets dans mon sac, dans une petite poche intérieur en faisant gaffe à ce qu’on ne me voit pas de l’autre côté de la cour.

Le jour baisse en plus, c’est l’heure où tout le monde voit chez nous.

Je dois encore travailler une heure. Travailler. Alors? Quel est mon travail, déjà? Ah oui, il y a des mails à lire. Allons-y, lisons les mails. Quel cinéma? hein? Ah, tiens, une société a accepté notre devis. Ah non, elle veut moins cher. Ben tiens. Et quel film? je maile à Marc : j’ai pas envie de monter. Si je suis dans un cinéma avec Ben et Lui, je n’arriverai pas à voir Vincent Cassel. Donc, pas la peine d’aller voir Mesrine. Oui, Marc, voyons les choses en face, ne sous-estimons pas le truc, les gens ils ne veulent plus payer. On va devoir négocier. D’ailleurs, aucun film avec un mec mignon. Je ne peux pas être assise à côté de Lui et regarder un autre homme. Je ne verrais même pas l’autre homme. Je suis énervée. A mon avis, on devrait couper le prix du graphiste, il est con, mais je ne le dis pas à Marc. Est-ce que je me mets à côté de Lui? De Ben? Entre les deux? Est-ce que j’ai déjà été dans ce cas de figure? est-ce que j’ai déjà été aussi énervée? Pourquoi le téléphone sonne? Il ne vient plus au cinéma? Ah, Marc veut me parler. C’est de l’amour.

Je me lève et je me demande si j’étais aussi tarte quand j’avais quinze ans. A quinze ans, je n’allais pas au cinéma. Je suis stressée. je m’assied où? je monte les escaliers en colimaçon. Je me concentre sur les escaliers. Sinon je vais tomber et plus de cinéma. Marc m’accueille d’un air soucieux. Nous discutons du devis. je lui case que le graphiste n’est pas indispensable. Marc n’est pas d’accord. Je lui dis que ce graphiste là est surestimé, je lui sors un truc, oui mais ce graphiste-là est connu, il a déjà fait ses preuves – ses preuves de quoi? j’arrête d’argumenter, je m’en balance, Marc parle et s’occupe personnellement de l’affaire. On est sauvé. Il est 17 heures, c’est fou comme le temps passe.

Certains commencent à partir. Je les regarde. Je vais me faire un thé, ce coup-ci. Avec Gaby. Elle boit du thé, Gaby. Ben et Lui sortent de leur bureau et me font signe. Ils m’attendent au café. Je vais tomber.

Je repense à la dernière fois que je suis allée au cinéma avec Pierre-Henri. J’étais là, je me suis assise tranquillement, Pierre -Henri m’a mis la main sur le genou ( très c’est à moi, c’est pas-t’à toi, au cas où un mec de passage se poserait la question). Après, j’ai regardé le film et je ne me suis posé aucune question.

L’heure tourne. J’efface des mails. Je ferme tout bien tout bien, je fais un peu la poussière, vala vala c’est l’heure et je sors et je retrouve Ben et Lui au café d’à côté. Quand j’entre, Ben est de dos, Lui de face. Lui me sourit. Son blouson est ouvert, il fait chaud dans le café, on voit le col de son pull, rond et son cou. J’adore son cou. Je regarde ses mains, pour voir si ça continue de me faire de l’effet, et oui, oui, oui, ça fonctionne à donf, ses mains sont magnifiques, carrées, mais fines quand même, elles tiennent un stylo.

Donc, on récapitule, il me sourit, ses yeux pétillent, il a un pull ras du cou, et des mains qui dépassent des manches.

Moi j’ai seize, quinze, quatorze, treize, douze ans.

Un mal de chien à me concentrer. Je m’assied avec eux et je rigole. On dirait que j’ai déjà bu.

Ben m’annonce le film que l’on va voir, je dis OK d’accord pas de souci, et je commande un café.

Le film était un navet, mais j’ai adoré.

Mais je vous dis ça plus tard.

Où Fanette passe une mauvaise après-midi au bureau

-Regarde !!!!

ça, c’est comme les gens qui vous montrent des photos de leur enfant. Oui, le pitibébétouzoli est choupinet, vi il est  tout mignon mais là je m’en, euh, fous (j’allais dire un mot grossier, alors que j’essaie de réformer sérieusement mon langage). Bon, là, c’est pas le pitibébétouzouli, c’est probablement pour dans un an, Dieu nous assiste, c’est la nappe et les décos. (NB je n’ai rien contre les bébés, je les serre ordinairement contre moi en gâgâtisant comme on n’a pas idée : mais EN CONTEXTE UNIQUEMENT et le boulot c’est pas le contexte bébé). Ouais, la nappe, oh qu’elle est beeeeeelle, ah ouais, ouais non mais t’as vachement raison c’est super la déco qu’ils te proposent. Ah ouais. Ouais non mais ouais carrément.

Je regarde le catalogue qu’il est beau. L’idée, c’est qu’Isabelle est trèèèèèèèès heureuse, car elle a rencontré l’Amour (et c’est pas tout le monde qui le rencontre, ça je te le dis, lecteur/trice – pas tout le monde) et elle va se marier, c’est hyper important de se marier, c’est toute la vie qui en dépend. On ne sait pas trop, trop pourquoi, mais ON NE POSE PAS la question.

D’ailleurs moi je me pose toujours la question et donnez moi deux secondes pour écrire un truc intelligent. J’ai appris durant mes études (c’était bien, j’apprenais des trucs, je ne végétais pas misérablement entre la vitre et le chauffage, enfin c’est une vue de l’esprit, entre, car la vitre et le chauffage sont en fait du même côté, en fait c’est mon corps qui transpire pendant que mon oeil a froid), j’ai appris, disais-je, que la famille est la cellule de base de la société. Quelle que soit la définition de famille, père, mère, et tout ce que vous voulez (par exemple, il y a des sociétés – mais loin, hein – où l’homme appelé père est l’oncle biologique de l’enfant – donc c’est une famille différente de ce qu’on connait nous, mais une famille quand même).

Nous, dans notre société, on a tendance à avoir besoin de plus en plus de trucs pour faire n’importe quoi, mais la famille c’est le contraire : avec une maman + un bébé, on te fait une unité familiale, tellement qu’on est fort. Bientôt, une maman (ou même un papa) et une potentialité d’enfant, ça te fera une famille.

Or, le mariage signifie le début d’une famille. Bon, on perd un peu le fil dans les structures sociales, hein? Mais le mariage, c’est un peu une naissance, une naissance de future famille. C’est un peu comme un bourgeon qui se détache de la branche. Dans le bourgeon, il y a les potentialités de millliers d’autres branches, bourgeons, etc. Donc on est content.

Naturellement, comme on est ultra moderne, ce n’est pas parce qu’on se marie qu’on va avoir des enfants. Donc, mariage, en vrai, n’égale pas famille. Mais je crois qu’il reste ancré dans les moeurs, le subconscient ou je ne sais où, mais bien ancré, hein, que si tu te maries faut faire une grosse teuf et dire à tout le monde que tu es super heureux.

En soi, j’ai le concept, je le comprend, je le respecte, mais pourquoi ne pas limiter cette explosion de bonheur aux amis? Hein? pourquoi même les collègues doivent profiter de la joie de la naissance d’un bourgeon qui donnera hypothétiquement une famille et augmentera notre société d’une cellule? Pourquoi? Pourquoi on doit regarder la nappe du mariage? Et donner un avis sur les fleurs? A la limite, je veux bien participer au menu et aux choix des alcools. Mais même pas. Isabelle m’a déjà dit que nous, vin d’honneur. Parfait. Le vin d’honneur me va très bien. Alors pourquoi je dois voir la nappe?

Par ailleurs, je fais -hélas- partie de la catégorie (déterminée par Isabelle elle-même et en personne) des « gens intelligents qui ne vont pas se vexer si elle ne les invite pas au mariage et qui comprennent qu’elle doit d’abord inviter ses proches et vu le nombre quasiment incalculable de gens qu’elle connait elle est obligée de faire des choix drastiques » – c’est moi qui dit drastique, elle, elle connait pas -, et donc elle peut me parler  : je ne me vexe pas (alors que Diva si).

Je suis d’ailleurs terrorisée, j’ai l’impression de progresser dans son intimité, c’est horrible, si je progresse, elle va peut-être m’inviter?

Bref. Je donne mon avis, mollement, elle parle, elle parle, et je vois redescendre Diva et Gaby.

Aha.

– je dois y aller ! dis-je à Isabelle, qui, toute contente, me laisse aller, me gratifiant de son Sourire Spécial Complicité Entre Collègue, je file au bureau, je ramasse le dossier de la prestataire et je monte voir Marc.

Marcounet est au téléphone.

Mais il me fait signe de m’asseoir. Il n’en a que pour une minute.

Je m’asseois.

Ô prestataire, signera-t-on ton contrat? Seras-tu payée?

Fanette ira-t-elle au cinéma avec Ben ET Lui, ou que avec Ben?

De quelle couleur sera la nappe de mariage d’Isabelle?

(A suivre).

Pierre-Henri au café 2

Bon, alors les évènements ayant déjà eu lieu, je ne peux pas modifier le rendez-vous, je dis ça pour toutes les suggestions que j’ai eu : le Fl*nch, le M*cD* et le kebab.

Mais je songe à un chinois, parce que si je ne suis pas une fan des trois sus-cité, je suis une aficionados des chinois, et j’en connais un super cheap rue Rambuteau….

Quoiqu’il en soit c’est au café que nous sommes allés.

Mais avant, il faut que je fasse une sérieuse mise au point sur Pierre-Henri.

Enfin, dans la mesure de mes moyens. Je veux dire par là que vu la mutabilité de mes humeurs vis-à-vis du personnage, je fais ce que je peux.

Bon, d’abord un point : au début, quand on ne connaît pas les gens, on peut les voir comme des clichés. Donc j’ai présenté Pierre-Henri comme un cliché. La voiture, pas de métro, les lunettes de soleil, la chemise col ouvet ou le polo, la veste. Pompes : chaussures bateau, des S*b*g*, je, euh, je ne connaissais pas la marque, je ne savais pas qu’il y a UNE marque. (Je n’ai pas nécessairement un dent contre les marques, il y en a qui sont vraiment de bonne qualité et bien et chic et tout et puis quand on a des faibles pour les palaces, on ne fait pas sa chipoteuse sur les marques), ou des chaussures de ville sûrement de marques mais il m’a pas dit, j’aime mieux pas savoir, on y va doucement.

Mais après quand on connaît les gens on atteint la limite du cliché.

Il ne fonctionne plus.

Or, Pierre-Henri, bien que monstrueusement maladroit et plouquement riche, n’est pas un mauvais homme.

Il est d’une horrible et enfantine sincérité (et qu’on ne vienne pas me dire que je dois être amoureuse de lui là maintenant tout de suite, je ne le suis pas, ni de Ben, qui est aussi très gentil). Donc, ce con, quand il m’a dit qu’on ne devait pas souvent m’emmener dans des endroits comme ça, eh bien il était content comme un idiot de m’emmener dans un endroit qui me plaît parce qu’il m’aime bien.

Il était content et fier parce qu’il peut faire ça parce qu’il a de l’argent.

Ben oui. C’est con, c’est brut de décoffrage, et j’ai toujours du mal à l’avaler, mais c’est vrai.

J’ai du tomber sur le seul neu-neu bling-bling du coin. Je dois bien avouer qu’il est attendrissant. Donc maintenant il veut me faire faire le tour des palaces parisiens pour que je sois contente (et que je l’aime bien, et que je tombe amoureuse de lui, on le voit venir, mais il faut bien reconnaître que quelqu’un qui se donne du mal pour faire plaisir, n’est pas nécessairement antipathique… En fait, lui, il est juste agaçant comme un Saint-Bernard…).

Bref, on s’est donc retrouvé dans un café. Je me sentais bête, dans la mesure où avec mes copains on va au café ou dans une brasserie, on discute longtemps et tout va bien, on ne se pose pas de questions, on le fait et c’est tout, mais du coup, j’y suis allé en me disant « mais qu’est-ce que je vais faire? De quoi on va parler? De quoi je parle d’habitude? » ce qui n’est pas bon signe.

Je suis arrivée avant lui, et j’ai attendu.

Il n’arrivait pas.

J’ai commencé à être de mauvaise humeur, et toutes mes mauvaises pensées à son égard sont remontées. J’ai commencé à me faire un film. A être de mauvaise humeur.

Et puis il est arrivé. Je faisais la gueule. lui pas. Au bout d’un moment je lui ai dit qu’il était quand même super goujat. Il s’est décomposé, sur le mode « mais qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour lui plaire, cette nana est un monstre. ».

– Tu es en retard, lui ai-je dit.

– Mais non. Tu avais dit 17 heures.

– Non, 16 h 15 – 30.

– Mais non !!! (il avait l’air sincère, j’ai eu un doute).

– Si, ai-je insisté fermement.

Et là il me sort son portable et trifouille dans ses SMS, me montre le SMS, et , oui, il avait raison. 17 heures, c’était écrit.

– Regarde celui que tu m’as envoyé, suggère-t-il.

– J’ai oublié mon portable chez moi, ai-je répondu en essayant de prendre un air dégagé mais en faisant encore plus la gueule, je me sentais nulle et j’ai toujours l’impression que je loupe tout avec lui.

Il s’est marré, et comme je ne me marrais pas du tout, il m’a fait remarquer que si lui se marrait de s’être fait engueuler pour rien, je pouvais me marrer de l’avoir engueulé pour rien.

– Mais je ne t’ai pas engueulé, ai-je protesté, en sentant confusément qu’un peu de mauvaise foi par dessus tout ça ne pouvait pas faire grand mal.

– Oh ! Mais tu ne t’es pas entendue.

– Pas du tout, j’étais juste un peu… bon.

Comme je culpabilisais je me suis jeté à l’eau et je lui ai dit que je m’en voulais et que je me trouvais injuste avec lui. Je lui ai suggérée qu’il arrête d’appeler une emmerdeuse comme moi.

– Mais tu n’es pas une emmerdeuse, m’at-il dit, en me souriant gentiment. Et puis tu sais comment te faire pardonner…

– Oh, la vache, lui ai-je dit, là tu es lourd.

– Mais sincère.

– Mais lourd!!!! Bon qu’est-ce qu’on fait?

– On boit un café, on a dit, non?

On a bu un café en regardant par la vitre. Dehors, il y avait des voitures.

Quand on est parti, il a dit :

– Eh bien, tu m’as emmené dans un café. Mais tu sais, j’avais déjà bu des cafés dans des cafés. Ou des bières, même.

– Des cafés, ai-je précisé, que le monde entier nous envie.

– Mais que le monde entier vienne y boire des coups. C’est juste que j’aime bien le (***), et toi aussi d’ailleurs.

– Heureusement que tu es là pour m’y emmener.

– Sans toi, c’est moins bien. (et avant que j’ai eu le temps de dire ouf, il ajoute : ) je sais : je suis lourd.

Et moi, évidemment : Mais sincère, c’est ça?

Et on rigole.

Il progresse. Il se décontracte. Toujours les mêmes pompes et les chaussures. Mais bon.

Demain, je refais un point sur Lui. (Lui, Lui, pas Pierre-Henri désigné par un pronom de rappel).

Pierre-Henri au café

Et Pierre-Henri? Que devient-il?

Un petit post rapide pour expliquer ça. Pierre-Henri c’est très bizarre.

Un soir, Pierre-Henri m’a réinvité au bar d’un palace parisien après un bon restau; c’était très agréable. Sauf avec mon père, et c’est extrêmement rare (c’est arrivé deux fois) je ne vais pas dans des palaces. Les prix sont prohibitifs, et puis je me vois mal entrer seule, et pas davantage avec mes amis.

En revanche, j’adore les palaces. Lumières, déco, service, tout.

Donc Pierre-Henri m’emmène.

Bon, c’était très bien, on a bu un verre, j’étais ravie, mais ce qui m’a mojns ravie, c’est en sortant, une petite pharase de Pierre-Henri, dont je n’ai même pas un souvenir clair tant elle m’a retournée.

Il m’a sorti un truc du genre « On t’a pas souvent emmené dans un endroit comme ça, hein? » sur un ton satisfait et supérieur qui m’a complètement perturbée, j’ai cru que j’avais m’évanouir dans la rue. Je suis partie direct sans rien dire, d’ailleurs je ne pouvais pas parler, il m’a suivie, je ne parlais pas, je ne pouvais pas j’avais la bvouche bloquée, de rage, il m’a suivie longtemps avant de rebrousser chemin et ensuite il m’a harcelé au téléphone et SMS.

Il m’a même fait livrer des fleurs, très joiles, mais je les ai donné à ma voisine, une vieille dame, car je ne voulais pas les jeter mais les regarder me donnait envie de vomir. (Depuis ma voisine me fait des sourires et me prend pour une séductrice)

Et un jour il m’attendait à la sortie du boulot et j’ai été obligée de lui parler; je ne voulais pas, mais il m’a suivie, et il a prononcé, devant tout le monde puisque je ne voulais pas le suivre, des phrases très persuasives, dont je ne me souviens pas non plus parce que de le voir m’avait mise en rage et en stress total, mais l’idée c’était qu’il m’avait blessé, qu’il avait été con et qu’il voulait me parler et s’excuser. Je voyais bien qu’il mettait tout le monde de son côté car il s’exprimait de façon sensés et aimable. A la fin il est passé devant nous et il s’est agenouillé dans la rue en disant : « est-ce qu’on a le droit de faire des erreurs? » et, moi qui étais tétanisée de stress, de le voir à genoux et de sentir tout le monde penser « quand même, Fanette,… allez.. » (tendance : n’a-t-il pas déjà assez souffert???) je l’ai trouvé si ridicule, brusquement que je suis passée du stress qui tétanise au stress qui fait rire bêtement et j’ai rigolé en le voyant.

Sandrine et Isabelle m’ont dit que je devais lui accorder un entretien. Vous savez les filles qui sont toutes gaites de rabibocher les gens. J’ai fait ma magnanime.

Nous sommes allées à la brasserie d’à-côté. Il m’a dit qu’il était désolé. Moi je me sentais d’humeur très gaie mais je lui ai dit que je n’étais pas un pauvre fille même si je ne fréquentais pas les palaces, que oui j’adorais les beaux restaurants mais que je ne sortirais pas avec lui parce qu’il m’emmenait là et que qu’est-ce qu’il s’imaginait. Il m’a dit que c’était horrible ce que j’imaginais, moi, et qu’il était content de m’emmener là parce que ça me faisait plaisir. J’étais partie dans la rigolade et je lui ai dit qu’avec moi il faisait sa BA, quoi? Et est-ce qu’il irait au café? lui ai-je demandé.

– Ben !! bien sûr !! qu’il m’a dit.

– Tenu !!! On va voir si tu fréquentes le peuple.

Il a fait une tête en me disant que, hein, tout de même. Et on ferait quoi au café?

– On boira un café, lui ai-je dit.

Il faisait la tête de celui qui s’en tire à bon compte.

Donc je lui ai donné rendez-vous dans un café.

Le feuilleton du jeudi : où Fanette parle de Franck et des groupes d’amis

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(Image n’ayant qu’un vague rapport avec le sujet ; il s’agit d’une illustration d’un roman de Lovecraft ; si un jour vous êtes en forme et que vous voulez être terrifié : lisez Lovecraft, surtout les histoires de Ch’thulhu – je dis ça je dis rien).

Résumé de l’épisode précédent : Fanette, étudiante débarquée de province, sympathise avec un groupe de jeunes gens farfelus. Parmi eux, Arnaud, Laurent, Leena.

Et Franck.

Franck n’était pas étudiant, mais informaticien et passionné de musique. Il était très ami avec Laurent, la première année, mais ne prêtait guère attention à la petite étudiante que j’étais (mocassins et veste bleu marine ; dans le courant de l’année j’ai récupéré une parka de Montane, ma cousine, et décidé d’aller en cours avec des chaussures de sport). Assis avec Laurent au café, ils parlaient de trucs qui me passaient totalement au dessus de la tête et, dans le meilleur des cas, Franck me saluait, le plus souvent m’ignorait. C’est une situation que j’ai souvent rencontré avec des mecs : ils ne s’intéressent pas aux filles en tant que telles. Bien qu’il n’ait pas beaucoup de sympathie pour Leena, elle était moins invisible que moi. Cette situation me mortifiait beaucoup, mais je ne savais pas comment y remédier. J’ai trouvé la solution beaucoup plus tard, en fait. C’est une question, si je puis dire, de marketing personnel.

Pourtant, moi, j’aimais bien Franck, en fait il faisait partie du groupe, et comme j’aimais bien le groupe, on ne pouvait pas en détacher Franck. Il était en quelque sorte le technicien. Un peu plus vieux que nous, il avait déjà plus vécu et voyagé, ce que je trouvais fascinant (Leena était à moitié mexicaine, et lui avait voyagé aux Etats-Unis, en Suisse et en Inde, dans son enfance et après). Dans la conversation, il pouvait dire : « Oui, j’ai déjà vu ça à Bombay » – ce qui avait une autre touche que « il paraît qu’ils font ça aux Etats-Unis.

Après venait Aymeric. Lui aussi faisait partie de la bande mais je ne l’aimais pas : avec Philippe et Arnaud, parfois avec Laurent, ils buvaient énormément, au café où chez eux, et parfois semblaient n’accorder d’importance à rien d’autre qu’à cela. Philippe était loufoque, Arnaud aussi, mais Aymeric pas du tout, il était hyper sérieux, même son physique me répugnait, curieusement, et c’est à cause de lui que j’ai changé de look, en le regardant je voyais en quelque sorte mon pendant masculin. Il portait des jeans, mais à part cela, toujours des chaussures en cuir noir, à lacets, une chemise, une cravate et une veste. Il étudiait, allait en cours et en bibliothèque, puis allait rejoindre les autres et buvait. Il n’était pas farfelu, et ne prônait que le travail et l’étude. De temps en temps la présence des autres le dégelait un peu, mais trop peu.

Restaient Arnaud et Philippe.

J’ai parlé des questionnaires d’Arnaud, mais il avait une autre caractéristique : il lisait beaucoup de livres fantastiques (fan des princes d’Ambres, et surtout de Lovecraft, le seul auteur qui m’ait mise en panique en pleine journée) et prétendait toujours être un loup garou ou un démon, parfois un extra-terrestre. Les autres essayaient de le piéger, mais il avait réponse à tout, et s’en tirait systématiquement.

Restait Philippe. Philippe était plus classique : il étudiait assez sérieusement, lisait beaucoup et de tout, écoutait de la musique, ne possédait aucune excentricité particulière, mais tout le monde l’aimait beaucoup, moi y compris.

Au fur et à mesure que l’année avançait, nous passions de plus en plus de temps ensemble. D’abord à la fac, dans les couloirs, puis au café, au cinéma, puis chez l’un ou l’autre. Avec Leena, Astrid, dont je parlerai, Hélène, Sophie. Peu importe ce que nous faisions, parler, rire, boire, jouer, l’important était la relation qui nous liait et qui était extraordinaire : nous étions comme une bande de frères et de soeurs, nous nous consolions, nous nous prenions dans les bras des autres, comme si nous n’étions qu’une seule entité protéiforme. Quelqu’un ou quelqu’un était amoureu(se), nous en parlions longuement en nous interrogeant sur les motivations des uns, des autres, et les possibilités d’évolution. Quand l’un ou l’une sortait vraiment avec un autre, extérieur au groupe, nous suivions cela de près avec une sorte de curiosité finalement très indiscrète, et nous parlions pendant des heures de tel ou telle, comme s’il était un objet d’étude.

Naturellement, les choses évoluèrent, se transformèrent et se gatèrent, mais il y eut un moment où ce fut merveilleux pour moi : je m’étais démultipliée en une dizaine de personnes, j’avais accès à leurs vies, leurs pensées, ils avaient des parcours et des histoires totalement différents des miens, ils se moquaient totalement de ma mère, de mon père, et de mon histoire, je n’étais plus la fille de Véronique, ou la fille de Jean, prise dans les filets irritants de l’histoire d’autres personnes, et prisonnière de ces filets : j’étais moi-même, absolument sans passé, absolument libre, absolument nouvelle, comme si le passé, d’un coup de baguette, avait disparu.

Je suis persuadée que les groupes de jeunes fonctionnent tous de la même façon ; que cette façon nouvelle et enivrante d’être soi-même est celle de tous les groupes, terroristes, résistants en France, ou autre. Je m’explique mal : on s’étonne parfois du courage des résistants : je suis convaincue, maintenant, qu’ils se retrouvèrent dans ce genre de situation, exaltante : le poids des parents disparaissait, et une amitié folle les liait, d’où ces souvenirs, ces associations, et le rapport très particulier qui leur reste avec ces années et ces gens, même si parfois les amis de jeunesse se transforment complètement, deviennent de vieux cons : mais ces années enchantées pèsent sur eux. De même, des révolutionnaires comme le Che, ou les jeunes des Farc, ou probablement même les terroristes islamistes, vivent quelque chose de semblable : après le carcan, vécu diversement, de la cellule familiale, la découverte de l’amitié d’un groupe peut-être dévastatrice pour la personnalité, et constituer des amitiés à la fois solides et manipulatrices. Il y a peut-être aussi de cela, avec l’impact d’une personnalité malfaisante, dans les sectes qui se suicident collectivement.
Car, entre nous, dans le groupe, il y avait une sorte de dilution de chacun d’entre nous. Je ne pensais pas à moi, ou peu, je pensais aux autres, très souvent, et les autres pensaient à moi. C’est difficile à expliquer ; cela peut même avoir l’air effrayant. C’était comme si je m’étais mise à aimer d’une sorte d’amour chaste et asexué, non pas une, non pas deux personnes, mais un groupe de dix personnes, à peu près. Le simple fait de se retrouver ensemble provoquait le déclic : nous étions ensemble, nous étions bien.

Une énergie folle coulait dans mes veines à ce moment ; je me sentais vivante, comme jamais. C’était formidable. Je révisais avec facilité. J’étais heureuse, très heureuse, la vie me semblait belle et formidable.

Bon, rassurez-vous, ça ne s’est pas fini en suicide collectif. Personne n’est mort.

Alors là, une question me taraude : suis-je la seule à avoir vécu un truc comme ça? Je pense que c’est quelque chose que les jeunes éprouvent, peut-être que c’est comme ça qu’on passe à l’âge adulte. Est-ce que ça vous dit quelque chose, ou pas, ce genre d’état d’esprit?

Fanette va au café

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Hier soir, je suis allée au café.

Imprévu. Je me devais de retourner chez Tim, mais Ben, Sandrine et Lui ont insisté. En fait, j’avais déjà résisté le 14 à une Saint Valentin foireuse, soit une sortie au restaurant avec Ben, Sandrine et Lui, ce qui m’aurait mise, si vous voulez, face à Ben. Il semble que Sandrine ait des velléités de marieuse en ce moment. Truc qui m’agace.

Au sortir du boulot, après maints SMS insistants, nous allons dans un café pas très loin. Il ne m’est pas très difficile d’être prise dans l’ambiance : en fait, chaque fois que je suis un peu froide et distante, ce qui fut le cas hier, Lui se montre charmant et plein d’attentions, insistant, persuasif, délicieux. La fois suivante, il m’ignore. Je commence à en avoir marre ; je me sens un peu nulle.

Il est difficile de relater ce genre de moments. Nous parlons beaucoup, nous rions, on se raconte des films, des bouquins, des trucs du boulot. Sandrine nous fait rire avec des histoires de sa boîte, au centre de Paris. Le café est rempli de gens qui parlent. Les lumières sont dorées, chaleureuses, enveloppantes. Dehors, les rues, voitures, la nuit.

Très vite il est huit heures, puis huit heures trente, et il faut se séparer, il faudrait du moins. Je n’ai plus envie de partir, je me sens fatiguée, tiraillée entre des situations contradictoires. OK, si l’on fait abstraction de tout ce qui cloche, je passe de bons moments avec Tim. Mais au final, c’est un asocial. Il ne veut voir personne (pas envie, crevé, pffff…) et de toute façon il saoulerait tout le monde avec ses prises de tête. Je ne dis rien, moi, ce qui lui fait peut-être croire que j’apprécie, ou que je suis d’accord avec lui, mais c’est uniquement parce que je n’ai aucune vélléité de le changer. ça me passera avant qu’il n’évolue. C’est peut-être une erreur. Si je le rendais fréquentable… Mais je ne crois pas qu’on puisse le rendre fréquentable. C’est un enfant gâté.

Du coup je suis tiraillée entre ces amis-là, d’autres, dont je ne parle pas, mais il faudrait peut-être, mais ça ferait trop de gens, enfin des gens avec qui je passe de bons moments à rigoler ou discuter, et ce Tim bloquant et pas sortable.

Ben me propose de passer chez lui, on mangerait un truc, on regarderait un film. Je refuse ; je reste vague sur ma soirée, ils savent que je suis avec quelqu’un mais je suis peu précise, ils ne savent pas ce que je fais ce soir. Ces non-dits nous séparent, alors que je voudrais bien ne pas être séparée. Mais si je leur dis que je rejoins Tim, ils vont se lancer dans des conseils, laisse tomber, c’est foireux, dont je ne veux pas.

Donc je ne dis rien et je m’en vais avec une impression d’arrachement, désagréable. Je suis irritée après Tim. Le trajet pour aller chez lui est long et plein de cahots. Je suis fatiguée, j’ai mal aux pieds. J’arrive dans sa chambre, je me précipité pour aérer, il râle qu’il a froid, je râle aussi, il dit qu’est-ce que je foutais, j’ai envie de partir, mais reprendre le métro???? Il est plus de neuf heures, je suis crevée, je viens de passer une heure dans les transports en commun.

Je suis dans un chambre de bonne au sixième, bordélique, avec un ado attardé de vingt-et-un ans, et pour le rejoindre j’ai quitté des gens avec qui je m’amuse. J’ai un flash, mais envie de dormir.

Je me déshabille, après avoir écarté les trucs qui jonchent le sol (livres, revues, CD, chaussettes, chaussures), je m’allonge sur le matelas. Tim grogne des trucs du genre que je viens juste pour dormir. J’ai une flambée d’exaspération. Je me visualise me levant, me rhabillant, quittant la chambre. Mais le sommeil me prend. Il es trop tôt. On ne dort pas à neuf heures. Enfin, moi, j’aimerai dormir à neuf heures, mais je n’y arrive jamais.

Du coup, à quatre heures, je me réveille, énervée, avec la petite veilleuse, dans ma tête, qui me signale l’insomnie. J’ai chaud, je transpire, et le corps endormi de Tim à mes côtés me tape sur le système. Je me lève, me rhabille dans le noir, avec la désagréable sensation de coller, je cherche mes affaires avec la lumière de mon portable et je m’en vais.

Il fait super froid dehors, je grelotte, en fait j’ai encore envie de dormir, même si je sais que je ne dormirai pas, et je descend les escaliers avec des jambes raides comme celles d’une vieille marionnette qui quitte le grenier où elle moisit depuis un siècle. En bas ça va mieux, mais j’ai un vertige en tournant sur le trottoir. Faim, soif, envie de dormir, énervée. Je pars en marchant à grands pas dans la nuit. Marcher dans Paris la nuit, j’adore. Mon thermostat intérieur est déréglé, je gelais, mais après quelques centaines de mètres j’ai trop chaud.

Je marche en fureur jusque Saint Lazare, là je prends un métro, il est 5 heures et quart et j’arrive chez moi vingt minutes après. Douche, café. Aucune envie d’aller bosser, mais bon. Je repars à 7 heures et demie. Je n’ai pensé à rien, rien prévu, sauf que ce soir je reviens ici, chez moi, je range, et je dors.

Caméra Café ! Il m’a offert un café…

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… dans un gobelet en carton parce qu’il ne savait pas quoi en faire mais bon.

Je raconte.

Je suis à mon bureau, en face de moi Sophie retape le listing qu’elle a déjà tapé hier presque comme il faut mais il y a des modifs alors Cléo lui a demandé de le retaper.

Nos deux bureaux sont face à face, près de la porte d’entrée, à côté de l’immense paroi vitrée qui sépare nos bureaux de la cour. Ce qui fait que, à Paris, j’ai la chance de travailler en pleine lumière (en pleine lumière parisienne, s’entend), et à coté de plantes en pot et d’arbres.

Et, dans la cour, du côté que je ne vois pas de mon bureau il y a les 20 m2 de son bureau à Lui (il faut que je lui trouve un pseudo, un surnom, mais je n’y arrive pas).

IL sort de son bureau avec son associé, ils ont chacun deux cafés dans les mains. Il entre dans notre bureau, demande à Cléo, qui est en bas, avec nous, si elle en veut, Cléo dit non, il est dégueulasse ton café, alors il se tourne vers moi et avant qu’il ait parlé je dis : »Oui » en souriant bêtement.

Oui, parfaitement, bêtement. Oui je souris bêtement quand il me regarde parce que ses yeux sont trop beaux, son sourire trop mignon. Eh bien oui ça me trouble. Si je m’en fous du type, j’ai une super assurance mais lui je m’en fous pas. Heureusement que je vois ce soir mon copain Gael sinon je sais pas comment je finirais.

Il rit et me le donne, et un autre à Sophie, puis il repart.

Nos yeux se sont croisés, très peu de temps ; je n’ai même pas eu le temps de me préparer à son regard. Il a les yeux bleu foncé. Mais avec une sorte de lumière.

Je passe au moins dix minutes complètement déconcentrée. C’est affreux.

J’ai l’air cloche, hein? Je me déteste. Allez, prochainement je vous fais un topo pas sur ma vie sentimentale, parce que on sait où elle est, mais sur ma vie affective. On va finir par croire que je ne fais que soupirer après Lui. Après Lui, je ne fais que soupirer, mais avec d’autres, je ne soupire pas.

Quoique un peu quand même, mais pas de la même façon.