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Faustine, 2

(suite de ce post)

– Ah la la… Tu sais que j’ai eu un coup de téléphone de Dubreuil ?
– Ah ?
– Enfin, un coup de téléphone, attends que je t’explique. J’ai eu un appel en absence et c’était lui. J’ai rappelé il n’a pas décroché et après il m’a textoté : dsl pas fait exprès. Non mais tu te rends compte ?
Oui je me rends compte – enfin non – enfin si, certes, c’est irritant, mais Dubreuil n’a jamais été fin, et puis avec sa manie de tout gonfler, aussi. Dubreuil c’est son ex, l’ »homme qui l’a fait souffrir ». Elle l’appelle par son nom de famille, pour mettre de la distance entre eux. Ça ne marche pas, mais ça donne un genre.
Enfin, comme je ne peux pas lui dire qu’elle me gonfle m’agace m’irrite me fait chier avec ses faux problèmes devrait peut-être prendre un peu de distance avec Dubreuil vu que je le lui ai déjà dit et qu’elle convient elle-même qu’elle ne peut pas et que j’ai admis que ça n’était pas facile parce que les hommes hein, je fais :
– Pffff.
En haussant les sourcils. Sémantiquement parlant, c’est léger, mais pas que, car il y a tout de même du signifié, non ? Le souci avec Faustine, c’est qu’elle vit des drames sentimentaux. Avec Dubreuil, ce fut le drame, la passion tout ça. La douleur, et la rupture. Il faut, dans l’écoute, être à la hauteur… Mon pff l’était-il ? Enfin, on ne peut pas toujours être au top. J’enchaîne :
– Et avec Bran ?
(le sculpteur se prénomme Branislav).
– Ah ! fait Faustine en se renversant en arrière. Elle a un petit geste de la main, comme si elle l’écartait. « Tu sais. Bran… Brani…
Là voilà songeuse, perdue soudain dans une rêverie sur l’amour…
– Comment te dire ? Il est fou. De moi, je veux dire. C’est tellement…
– Gratifiant ?
Ça m’a échappé. Je me ressaisis. Elle me regarde avec surprise et je me hâte d’expliquer :
– Non mais je veux dire : après Dubreuil, un homme qui t’aime, je veux dire : à fond… Disons : vraiment.
– Mais tu ne comprends pas.
– Je me suis mal exprimée.
– Dubreuil m’aimait et d’ailleurs je vais te dire : il m’aime encore.
– Oui. Non mais tout à fait. Je comprends.
– Mais avec Brani c’est tellement… sain. Fort. C’est moi Tarzan toi Jane, quoi. Ça repose. C’est bien. Mais…
– Il y a donc un mais, fais-je d’un air finaud.
– Oui. Tu vois, cette folie, ces rendez vous, ces engueulades, au fond, le problème tu vois c’est que je demande si pour moi ça n’est pas ça, l’amour. Note que je pense que j’ai tort. Tu penses que j’ai tort ?
– C’est toi qui vois.. Moi, je ne trouve pas ça reposant de s’engueuler mais…
– C’est pas le problème ! Ecoute j’ai lu un truc je sais plus où : il parait qu’on a en nous, depuis l’enfance, un certain rapport à l’autre ou à l’amour… Et moi je crois que si on ne m’engueule pas, si on m’aime tout simplement, ça m’angoisse. J’ai besoin de me sentir désirée par l’autre, mais désirée avec ardeur. Brani – mais attention, je l’adore et je ne suis pas dingue, je ne retourne pas avec Dubreuil – Brani pour lui ça va de soi, il m’aime, il ne me le dit pas. Du coup je doute. Avec Dubreuil, quand il me plantait je doutais forcément, mais après, les retrouvailles ! Oui, bon, enfin sur ce plan là, Brani il assure, note. Heureusement.
Faustine rêve, puis redescend sur terre et soudain, son visage s’éclaire, se fond en un délicieux sourire, et elle dit :
– Et toi ?

Faustine

Je suis ce jour-là au café avec Faustine. Cela fait un bout de temps qu’on ne s’est pas vues, et l’idée m’effleure qu’il y a peut-être une raison logique à tout cela. Une raison logique qui serait : nous n’avons rien à nous dire. L’idée m’effleure, mais je la repousse, parce que ça me gêne, je suis devant elle : et nous étions amies, alors comment va-t-on ne plus l’être ? A quel moment commence-t-on à ne plus être amie avec quelqu’un ? Non, attends, avant ça même : arrive-t-il que sans raison, sans dispute sans rien, on ne soit plus amie avec quelqu’un ? A la limite, j’y penserai une autre fois. Pas là, je suis devant Faustine et j’ai envie de lui parler de mon souci, et de voir comment elle va réagir.

Autant vous dire que si je dois à la fois essayer de quitter Pierre-Henri et réfléchir à mes relations avec Faustine, on ne va pas s’en sortir.

Description de Faustine : elle est blonde et rose, et de plus en plus blonde et de plus en plus rose. Ce jour-là, elle porte une chemise blanche, manches longues – qui lui arrivent au milieu des mains, Isabelle – , un petit gilet bleu marine que je n’oserai jamais porter sinon on m’envoie direct chez le proviseur, avec une fine ceinture vernie rouge qui me plonge dans la perplexité, un jean, des chaussures en cuit d’homme et une veste longue genre dandy du 19ème siècle. J’oublie la coiffure impec – c’est-à-dire décoiffé avec mèche, mais le décoiffé avec mèche – et le collier fantaisie perles et autres.

Et que fait-elle dans la vie, Faustine ? Ah, voilà, c’est ce que j’aimerai bien savoir. Là tout de suite, elle est avec un sculpteur. Un sculpteur serbe, mais de nationalité italienne, et qui vit à Paris depuis des années. Il a un charme fou. C’était son voisin, je rougissais à chaque fois que je le croisais dans les escaliers de son immeuble tellement il était beau, mais elle, elle n’avait pas vu (qu’il était beau). Nan, pas vu, nan. Elle était amoureuse d’un autre, un, je cite « homme qui l’a beaucoup blessé ». Ça la rendait aveugle aux sculpteurs serbes. Et pourtant. Son sculpteur serbe est artiste et picole, mais sinon, il est extra, tendance Frère Karamazov en plus calme.

Faustine vit de l’argent que le décès de sa grand-mère lui a procuré en la rendant propriétaire d’un appartement qu’elle ne peut affectivement pas vendre, mais qu’elle peut louer, tape ses parents de diverses façons et fait des traductions en free lance. Je n’ai pas l’impression qu’elle travaille beaucoup, mais elle fait partie de ces gens qui volètent au dessus de leur budget, on a l’impression que l’argent n’existe pas. Moi, je compte mes sous et fais des enveloppe semaine 1 semaine 2, elle, mange des pâtes ou du foie gras selon une logiquement aléatoire.

Ce jour-là, devant elle, je porte lamentablement un jean et un t-shirt noir promotionnel, avec un pull à franges et un collier fantaisie. On ne parle pas du coiffeur, c’est la quatrième semaine que je dois y aller. A cause du pull à franges et du collier vaguement ethnique, j’ai l’air d’une baba cool sans goût. Je pense à tous les blogs de mode que je lis et je me promets de réfléchir à la façon de m’habiller, la prochaine fois, pour me sentir moins nulle. J’ai compris pourquoi les filles font des essais de fringues : comme ça, le jour où elles doivent s’habiller, elles y ont déjà réfléchi. Quand je dois rédiger une lettre, je fais un brouillon. Je dois faire des brouillons de tenues, ça m’évitera de me sentir nulle devant Faustine. Parce que là, j’ai bouquiné jusque par d’heure avec de me ruer dans la salle de bain et de filer à mon rendez vous.

Bref. Je suis devant Faustine, dont les doigts émergent coquettement de la chemise et qui me dit en prenant son thé avec autant de façons qu’une vieille anglaise :

(A suivre)

Confidences entre copines

J’ai rendez-vous avec une amie, Faustine ; dans un café ; non loin de la Seine ; il y sera question de nos amours.

Ce jour-là, je suis en pleine forme. J’ai récemment sauté dans les draps bras de Pierre-Henri, envoyant balader, dans un bel élan de liberté d’esprit, totue mes préventions envers les gens qui s’appellent Pierre-Henri, portent des montres très chères, des lunettes noires et des vestes sur des jeans ; et pourtant ; mais j’ai été vaincue par le champagne : on est si peu de chose. J’ai décidé d’assumer ; discrètement ; et provisoirement ; j’ai fait la liste des gens à qui je ne le dirai pas.

Quand on est frappée par l’amour, on se néglige un peu (l’amour est prioritaire), mais pas trop (sinon l’amour se barre). Donc : jean ; mais j’ai soigné la chaussure ; je ne dirais pas la marque, elle n’est pas assez mode, là je n’assume pas non plus ; mais ça le fait – top blanc, avec plastron brodé, vague air années 70 : faites l’amour, pas la guerre : justement, on est dedans ; le cheveu propre mais lâché : j’aime ; j’ai autre chose à faire que de me coiffer. Une veste genre d’homme (message : piqué à mon mec – mais en fait non – mais bon).

J’arrive ; resplendissante intérieurement, je m’assied à une table. Je me sens parisienne comme jamais : quand on aime et qu’on s’assied dans un café à Paris, on communie littéralement avec la capitale. C’est mystique.

Arrive l’Amie (accessoire indispensable de l’Amoureuse) (un peu comme dans Le Cid : il faut en parler, rendre ça public, sinon ça perd 90 % de son charme ; surtout dans le cas de Pierre-Henri : le nigaud amoureux, il faut le transcender par l’Amour : sinon on a l’air vraiment con).
Ah. L’amie a une drôle de tête. Ah non, zut alors ! Elle a la tête de la Rupture Amoureuse. Il ne lui manque que les kleenex ! Qu’est-ce que je fais, moi? je suis coincée. obligée de tomber dans le rôle de l’Amie Consolatrice, sinon ça fait pas gentille. Et je suis gentille, moi.
Et merde.
Bon.
Allons-y.
– Eh bien tu fais une drôle de tête? (je n’ai pas un ton convaincu ; on sent que je me fais mal au rôle qu’elle m’oblige à prendre).
– Mmmm.
Charmant. Heureusement qu’il y a Paris autour pour faire l’ambiance, sinon c’est le pôle Nord. Oh dis, là, elle en rajoute pas un peu dans la douleur? Je prends l’air geeeeeeeentille et la voix aussi, un peu niais.
– Toi, ça va pas. je le vois à ton air. (Sens de la psychologie)
Elle tourne vers moi le visage ce celle qui sait rester ferme dans la douleur.
– J’ai quitté Antoine. (Voix un peu rauque, sentiments forts, mais inexprimables)
– Nooooooon? ( c’est pour relancer le dialogue, vous voyez? )
– Si. (Douleur)
– Raconte. (Curiosité)
Elle ne se fait naturellement pas prier. La douleur, faut que ça sorte, sinon ça macère. Et quand ça macère c’est pas bon. Donc j’écoute. Je vous résume.
Ils s’aiment ; si ; jamais ils n’ont ressenti ça l’un pour l’autre ; c’est exceptionnel.
Mais : il y a un mais. Au fond. Vraiment au fond au fond au fond. Sont-ils prêts, je veux dire, enfin elle veut dire vraiment prêts à vivre l’un avec l’autre? A tout se donner? A bâtir quelque chose ensemble? hein? Comment qu’on le sait, si on est prêt? le fait de s’interroger n’implique déjà t-il pas en soi la réponse à cette question? Faustine en a marre d’entendre Antoine s’interroger sur la question. Il n’est pas sûr de lui et  se demande sans cesse si au fond ils ne sont pas dans l’erreur. Comment savoir si ailleurs il n’y a pas une autre femme et un autre homme qui sont en fait l’homme et la femme de leur vie, mais dont ils s’interdisent la rencontre vu qu’ils sont ensemble?

Bon. Pensé, hein?

Alors du coup, Faustine doute. Toutes ces questions, au fond, ne sont-elles pas la preuve que leur amour n’est pas si stable que ça?
Un silence. L’intensité de nos réflexions. J’ai du mal à suivre, d’ailleurs je laisse un peu tomber.
Je tente, très platement : mais si vous êtes bien ensemble?
Non, c’était pas bon, ça, pas du tout. Faustine me transperce. Du regard je veux dire. Elle me corrige : mais est-ce que c’est là tout ce qu’un relation amoureuse doit apporter? Le fait d’être bien ensemble n’est-il pas le signe d’un mal plus profond, d’un vide existentiel qu’il s’agit de combler par tous les moyens?
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Il faut quitter Pierre-Henri

luxembourg StatueVoici venu le temps de réfléchir tout haut… De mettre des trucs à plats. Pour y voir clair. Comme on le sait, je vis depuis un an à peu près une relation assez bizarre avec Pierre-Henri. Bizarre car mes sentiments envers lui sont mitigés. J’ai commencé par un mouvement de rejet ; que j’aurais du suivre, me semble-t-il. bref. Après moults péripéties, j’ai fini par craquer, car je suis peu de choses. J’ai culpabilisé, il m’a dit que j’étais folle, j’ai arrêté de culpabiliser… depuis le vie suit son cours,  les évènements se succèdent, on se voit parfois plus et parfois moins,  mais là j’ai du louper un truc. Tout d’un coup, après des vicissitudes, toutes sortes de personnes semblent considérer que PH et moi, c’est sérieux. Il est effrayant de constater qu’il s’agit exclusivement d’amis ou de relations de Pierre-H, vu que je n’ai parlé de lui à presque personne. Sauf une copine qui sait que ce n’est pas sérieux. Même à Hedwige, je n’ai rien dit, je me sens nouille, surtout par rapport à Gaël. L’idée de les mettre face à face est cocasse et angoissante à la fois. Mais côté Pierre-Henri, il faut croire que ça devient sérieux. Et certains sont contre l’idée que je sois amenée à prendre plus de place dans la vie de Pierre-Henri – ce qui est un comble, car non seulement je n’en ai pas l’intention, mais qu’est-ce que ça peut leur foutre? D’autres mes trouvent super. Mais idem, je ne leur demande rien !!! Cette situation est en train, côté Pierre-Henri, de prendre de déconcertantes proportions, d’autant plus gênantes que j’ai la sensation d’être dépossédée de ma vie. C’est bizarre. Que dois-je faire? Envoyer des SMS à tout le monde pour tenir les gens au courant de ma vie sentimentale? Mais ceux qui, me trouvant pas assez bien pour lui, pas disposée à m’engager, pas du tout le genre à être sa.. sa.. (je n’arrive pas à l’écrire, l’idée de vie commune me semble du dernier cocasse), seraient choqués de savoir que c’est encore pire que ce qu’ils croyaient. Ceux qui me trouvent super ne me trouverait plus super. Cela aurait au moins l’avantage de mettre tout le monde d’accord. Mais naturellement, quand en colère j’ai dit ça à Pierre-Henri il m’a enveloppé de douces paroles, n’écoutons pas les imbéciles, nous savons à quoi nous en tenir, nous sommes maîtres de notre vie… mais il est ahurissant de constater la facilité avec laquelle des gens s’en mêlent, et de constater que non, ça n’est pas indifférent. Et je dois dire, en même temps, que la situation, dès qu’elle cesse de me fiche en rage, me fait hurler de rire. C’est la première fois que ça m’arrive. Il faut que je raconte.

Mais avant, voilà le problème : j’en suis parvenue à la conclusion dont je n’aurais jamais du m’écarter – jamais : mon histoire avec Pierre-Henri est une erreur, depuis le début. J’ai eu mille occasion d’être ferme et de dire non, j’aurais du une dizaine de fois raccrocher au téléphone. Toutes sortes de sentiments m’ont fait douter. Il est quand même sympa. Ah, le coup du garçon « quand même sympa », c’est ultra traître. Sois pas chieuse. Il est pas si… Pas si.. non, pas si, mais pas non plus tellement… Bref, on ne sait plus. Alors, il faut être chieuse? Comment être chieuse dans le respect de l’autre? (Je veux bien un tutoriel). Mais c’est facile, tu dis seulement ce que tu ressens : ah ah ah, la bonne blague, il faudrait déjà que je sache exactement ce que je ressens. Si je ressens un truc et ensuite son contraire, je fais quoi : une moyenne? Je divise par deux et je retranche 3? Qui a une idée sur le fonctionnement des équations du coeur? Tout le monde tombe raide dingue amoureuse tout le temps, clairement et distinctement? Vos sentiments sont -ils tous limpides et transparents à vous-mêmes? Ah mon Dieu, comme vous avez de la chance !!! Parce que moi, pas. Est-ce que je suis amoureuse? Non. L’étais-je? Quand? Je l’ai peut-être été, certains soirs, dans certains lieux. Sous des arbres, je crois, je suis vite amoureuse dans un univers végétal, quand on me met une veste sur le dos pour me réchauffer. Mais après, il y a le lendemain matin. Le lendemain soir. Le retour. Les coups de téléphone qui suivent – ou ceux qui ne suivent pas. Le téléphone qu’on attendait le lundi, et qui vient le jeudi. Du coup, que ressent-on? Si ce n’est pas être amoureuse, ça s’appelle comment? Aimer? Aimer bien?

Vous noterez que je ne parle que de Pierre-Henri. C’est mon actualité récente. mais Lui reste là, hélas, comme si .. comme si quoi, d’ailleurs. Il reste juste là. Et d’autres. Aaaaaah. Le coeur. Et le corps aussi, même si j’en parle peu. Bref. Je vais tenter l’explo. Naturellement, Hedwige à qui je dis tout n’est pas au courant.  Magnifique cohérence. Ceci est un autre problème. Nous nous disons tout, mais dans un univers propre à Hedwige/ moi / Gaël. Pierre-Henri n’y a pas sa place.

Qui comprend? pas moi, mais je veux bien qu’on m’explique.

Où Fanette désespérée va voir un vieil ami, car il n’y a que ça de vrai

(Pour ceux qui prennent le train en route, les épisodes précédents sont dans la rubrique Lui).

Donc,j’appelle Pierre-Henri et il répond. On dirait qu’il vient de se réveiller.
Dialogue palpitant, du genre :
– Tu fais quoi?
– ben rien. Et toi? T’étais pas occupée ce week end?
– Ben je le suis plus.
Pierre-Henri rit.
– Tiens, moi j’ai failli l’être.
– Bon, alors?
– Chais pas chuis crevé.
Bien. Remarque, d’un côté, il ne peut pas non plus être à ma disposition. Voilà qui va m’obliger à faire preuve d’inventivité (ça, c’est que je dis a postériori, parce que sur le moment, je suis démoralisée, je me sens nulle, vide, moche, grosse, enfin il n’y a rien qui va).
Mais je ne veux pas rester seule, donc après on fera les filles, mais je préfèrerai un garçon, donc, résignée, j’appelle Gaël.
Ah, j’en ai déjà parllé, il y a longtemps. On se connaît depuis longtemps, et je n’ai plus rien à perdre devant lui. De toute façon, il est odieux, et il m’a déjà expliqué qu’il n’épouserait qu’une déesse, donc pas moi, et moi je lui ai dit que je n’épouserai jamais un sale con comme lui, ce à quoi il m’a dit, d’une façon très vexante , ah, ah !! elle veut se marier, eh, l’autre, et je lui ai jeté des chips à la figure : on part donc sur des bases saines.
Gaël décroche de sa voix habituelle, c’est-à-dire de très mauvaise humeur.
– Gaël, c’est Fanette.
Pareil à chaque fois, et il fait le coup à TOUT LE MONDE, un de ses meilleurs amais du temps des jeux de rôle s’est même fâché avec lui pour ça : il met toujours deux secondes à réagir, comme s’il connaissait des milliards de Fanette. « Mais tu fais chier, lui a dit le copain en question, Xave de son état, tu sais très bien qui je suis, c’est juste pour faire comme si t’en avais rien à foutre de tes potes. »
– Fanette? Ah oui.
Il m’énerve déjà. Mais c’est mon Gaël… On ne peut pas tout avoir.
– ça va? Tu me situes? Tu te souviens de moi? ça fait 15 ans qu’on se connaît.
– 14 . Tu ne m’as pas appelé depuis six mois.
– Toi non plus.
– Alors? enchaîne-t-il. Tu t’es fait plaquer?
– Je peux passer?
– Ouais, justement, j’ai mon ménage à faire.
– Tu sais que les plaisanteries les meilleures sont les plus courtes?
– ça fait six mois qu’on s’est pas vu, je peux te la refaire, non? Puis c’est vraiment grave crade.
– J’ai l’habitude.
– Au moins c’est grand, pas comme ton grenier.
Je ne relève pas. Gaël est agressif et désagréable de bonne comme de mauvaise humeur, c’est un style. Il peut aussi se mettre à être charmant. Il se brouille avec la plupart de ses amis, on dirait qu’il joue à un jeu. Avec moi, ça reste supportable. Peu importe. Il ne faut pas chercher à comprendre, même moi j’ai renoncé.
Je me rends chez Gaël. Son appartement est dans le XVIIIème, en fait il est à son père, et Gaël a une chambre de bonne. Une vraie, huit mètres carré, avec les toiletttes dehors. Sauf que depuis que Gaël travaille, son père, qui est reporter, et absent un mois sur deux, passe la plupart de son temps sur Paris en visite et rendez vous avant de se ruer comme un fou en Bretagne chez la femme de sa vie qui y est médecin. Il est donc rarement là et une évolution subtile a eu lieu, maintenant le père de Gaël annonce qu’il va venir. Comme s’il était chez Gaël. Mais les meubles n’ont pas changé. Rien n’a changé. C’est pour ça que j’aime. En fait, c’était l’apprt de la grand mère de Gaël et on y allait de temps en temps quand on allait sur Paris en première ou terminale. Puis, quand on a été sur Paris à la fac, on y passait. Gaël dormait dans sa chambre de bonne, et moi dans le canapé du salon. Ou dans un chambre d’amis. ça fait dix ans que Gaël déteste le buffet de la salle à manger, un buffet Napoléon III, enfin une copie, tape à l’oeil, avec une horloge dessus. Moi aussi, je la détestais, avant. On trouvait ça hideux, les petits anges dorés qui tiennent l’horloge. Maintenant, je ne la trouve plus moche : je ne la vois pas. Mais si on l’enlevait, je ne verrais que le vide laissé. L’appartement de Gaël est de construction plus récente que celui de Lui, très grand, mais pas terrible, un peu blockhaus, plafond bas. Le truc, c’est que je m’y sens chez moi.
Le salon est devenu une salle video, avec des enceintes gigantesques. La table de la salle à manger est ordinairement couverte de piles de livre. Gaël lit comme un furieux. Il travaille dans la gestion, mais il participe à des jurys de livres organisés par des journaux.
Il m’accueille en short et t-shirt dans son appart surchauffé. Il me sourit, charmeur. Ah, on est repassé dans la zone lumineuse alors. Il me demande si ça va, veux-je un thé, un plaid, du chocolat?
Non, je ne veux rien, sauf regarder une video. La collec de DVD de Gaël est ahurissante. Il achète, il télécharge, je ne sais pas comment il s’y prend, mais c’est un video club à lui tout seul. En l’occurence, je veux regarder Aimez vous Brahms. Oui. Si. C’est comme ça. Gaël, dans son quart d’heure délicat, après une grimace horrifiée, m’informe seulement qu’il me laisse l’appart, hein? et qu’il va faire un tour. M’en fous. Je veux regarder Anthony Perkins amoureux (et pas avec un couteau) d’Ingrid Bergman. Elle a vraiment l’air d’une grand mère dans ce film, elle m’énerve, mais je veux Anthony Perkins.
Avant de partir, Gaël vient faire un tour dans le salon, et regarde d’un air dégoûté le film.
– C’est vraiment nul, dit-il.
Bon. Merci, hein. Et puis il part. Je reste devant le film.
Ambiance, quoi.
Et juste avant la fin du film, Gaël revient. Il ramène (si quelqu’un rigole je le frappe) du saumon fumé et du champagne, parce qu’il sait que j’aime ça, sauf qu’il a pas choisi un super champpagne, mais bon, et il me dit :
– Bon, tu restes ce soir, hein? Parce que ça tombe bien en fait, j’ai un truc à te raconter. Faut que tu me donnes ton avis.
Et du coup je suis restée. Et comme ça, quand Pierre-Henri a rappelé, je ne me suis même pas forcé à lui dire : euh non, finalement je fais un truc.
En fait de truc, j’ai écouté Gaël me raconter son histoire. Heureusement qu’il y avait du champagne.

(NB : j’ai essayé de faire court, mais ça a merdé encore, je suis désolée. Du coup, je coupe, voilà, c’est tout).

Aimez-vous Brahms?

ça se passe à Paris.

Anthony Perkins tombe amoureux d’Ingrid Bergman, une femme qui doit avoir dix ou quinze ans de plus que lui, et qui vit avec Yves Montand, un Don Juan qui la pante régulièrement.

Ingrid Bergman est amoureuse et pas amoureuse, mais elle finit par vivre avec lui, avant de craquer et de retourner avec Yves Montand.

Je ne sais pas pourquoi, je trouve ce film bizarre, mais j’adore Anthony Perkins. Ingrid Bergman est agaçante. Yves Montand insupportable.
(Désolée, il n’y a pas de version française)

Chez Lui 3

ciel-gris

Plus tard…

Plus tard, j’ai faim.

Oui, car il est plus tard, je n’ai rien mangé, et nous nous sommes dépensés physiquement.

Je suis dans un lit (c’est là que nous avons finalement échoué, après la canapé et la table, mais la table, c’est extrêmement inconfortable, on dira tout ce qu’on voudra). De plus, un lit comporte une couette, et sous une couette on a chaud.

J’envisage de me lever, pour aller préparer un truc à manger avant de tomber d’inanition. Je dois effectuer un repérage stratégique de mes vêtements avant. Je scrute les lieux, et c’est l’horreur : pas de petite culotte, ni même une autre fringue. Affreux. Je refuse de me balader toute nue devant Lui, je ne suis pas un top modèle et je ne le connais pas assez. Zut. Je prends la couverture, je m’enveloppe dedans, et je pars à la recherche de mes vêtements. Bien. Les fringues éparpillées dans le salon, c’est vraiment très pas glam. J’ai réussi le lancer de manteau, mais j’ai été moins concentrée sur le reste. Bon, c’est pas grave, je ramasse, les siens aussi du coup, je fais un petit tas, je m’habille (car c’est bien beau, ces grands appart, mais c’est pas tellement chauffé – et je suis frileuse, donc, tout à fait prosaïquement, la vie est vraiment mal organisée, je remets tout, les collants, le pantalon, le petit pull, sinon, j’ai froid, j’ai honte de dire ça, certes, je préfèrerais évoluer, négligement couverte d’un bout de tissus, mais j’ai froid aux pieds).

OK, ça casse le contexte, mais surtout en comm vous me dites comment vous faîtes, je suis preneuse.

Et je dis à Lui que je vais faire un truc, j’ai trop faim.

Ben, et le saumon, qu’il dit.

Moi : je vais faire des oeufs.

Sachez que les oeufs sont l’un de mes aliments préférés.

Et que l’exercice physique donne faim.

Je fais des oeufs. Il en prendra aussi.

Du coup on mange des oeufs, avec du saumon (enfin moi, lui, pas ensemble, mais moi j’adore le saumon et les oeufs ensemble, excusez-moi si c’est le matin).

Là, c’était le matin aussi, mais tôt.

Et avec on boit un peu de champagne.

C’est fouillis, mais ça me requinque, et on se met sous la couette, tous les deux, sur le canapé, et on regarde un film.

Je me rendors à moitié. Lui aussi.

Courbaturés, au matin, on se traine jusqu’au lit.

On redort.

Tout ceci est fort intéressant, n’est-ce pas.

Au final, on se réveille à nouveau, et c’est le matin du samedi.

Et là, que se passe-t-il?

On se regarde, mais il y a quelque chose d’étrange : comme si rien n’avait survécu à la nuit… La nuit est finie, c’est le matin, il se trouve qu’on est tous les deux dans le même lit. Quelque chose que je perçois, sans pouvoir l’interpréter, dans son regard, me rend maladroite. Je me sens brutalement très stressée et je reste obstinément sous la couette. En même temps, je voudrais rentrer chez moi. Mais si je rentre chez moi, que va-t-il se passer?

Lui – dort, à moitié, s’éveille, bouge. Me regarde, regarde la fenêtre.

Le téléphone sonne. Je me dis « ça va être Sandrine ».

C’est elle. Je le vois immédiatement au visage de Lui. Il fait une tête agacée et il commence à discuter au téléphone, pas très content. Elle veut qu’il fasse un truc, ou vienne, et lui non. La conversation se termine abruptement, et il se lève brutalement d’un air furieux en disant qu’il va faire du café.

Ce que j’interprète immédiatement comme  » tu pars bientôt ».

Et cela ne me réjouit pas. En même temps, je ne vais pas rester chez lui si l’ambiance est aussi nulle.

Que s’est-il passé?

Je repars en quête de mes vêtements, qui gisent cette fois au pied du lit.

Je file dans la salle de bain, qui est affreusement inconfortable. Froide, surtout. Les sanitaires des vieux apparts parisiens sont nuls. la malaimable aurait pu faire refaire… Enfin bref. Est-ce le moment de prendre un bain? Est-ce raisonnablement le moment? Non, je sais, peut-être pas, mais quand on prend un bain l’eau qui coule chauffe la salle de bain. parc eque là, je suis dans la salle de bain de quelqu’un d’autre, il fait froid, mes vêtements sont froids, et le type qui fait le café a une tête qui ne me dit rien qui vaille.

Je me décide pour une douche, ça suffit, ça va me faire du bien, ça me fait du bien, en effet, l’eau met du temps à chauffer, la douche commence froide, parfait pour l’humeur, je ressors en super forme, tonifiée, je sens que quoiqu’il me dise je vais résister.

Après, l’eau devient chaude, je vous rassure, et même brûlante.

A Paris, on a de beaux volumesn mais le reste, c’est le XIXème siècle. En plus, les tuyaux font blam blam, je commence à me demander si je ne vais pas causer un dégât des eaux…

Et donc, de très mauvais humeur, et furieuse d’être de mauvaise humeur, et furieuse de la situation, je surgis dans la cuisine en essayant de sourire.

Lui est installé à la table de la cuisine, il m’a servi un café et quand j’entre il me dit :

– Je suis désolé.

Un

(Soyez pas tristes… hein. C’est vieux).


deux

Chez lui 2 bis

Bon, je rappelle la situation : je suis sur le balcon, que j’admire (je meuble en regardant d’un air absolument passionné les voitures, les autres fenêtres et balcons de la façade  et les gouttières).

L’affreux colocataire s’en est allé, d’ailleurs on le voit dans la rue sur le trottoir.

On continue la visite et soudain je me reprends.

Je décide de prendre les choses en main ; on verra, me dis-je, où ça nous mène.

Debout au milieu du salon, en essayant de penser (ça m’aide) que je suis sur une ligne, enfin un cable entre la terre et le ciel – un reste de Tai Chi, j’ai, oui, fait un peu de tai chi, mais j’ai pas aimé, sauf le baratin, j’adorais quand la nana nous disait qu’on était entre la terre et le ciel- j ‘insiste pour boire le champagne. Je fais toute une histoire. Mes pieds s’enracinent dans la terre, une ligne imaginaire me relie au centre de la terre, je tire mon énergie psychologique du magma.

Une autre ligne imaginaire me relie au ciel, je tire le reste de mon énergie psychologique du ciel et du soleil.

Note à l’intention du lecteur ou de la lectrice surpris(e) : on ne panique pas, je ne viens pas d’entre dans une secte, c’est un peu de mes lectures de Sf d’ado, ça ressort parfois, quand on se méfie pas. La SF + le Tai Chi : ça rejaillit à des moments inattendus (surtout que vraiment j’ai pas aimé le Tai Chi ; le yoga, oui).

D’autre part, je n’ai pas parlé de pensée positive sur ce blog, quoique j’aie effleuré le sujet en commençant mon blog, mais la pensée positive, c’est bien.

Du coup, pensant au ciel, à la terre (qui me soutiennent) au fait que je suis, merde zut, chez Lui alors que j’attends ça depuis pas mal de temps, je me sens poussée par une énergie folle.

Il est OK pour le champagne.

Je pars dans la cuisine, Lui cherche des flûtes.

Je dispose du saumon dans une assiette sur la plan de travail à côté de l’évier. Nous sombrons dans un découpage des rôles atrocement traditionnel, je le crains, mais là j’ai pas le temps ni la présence d’esprit de réfléchir à tout ça, j’ai faim et je commence à être sur les nerfs.

Je suis dans la cuisine, et je me demande comment tout ça va finir, quand Lui, ayant amené des flûtes dans le salon, survient dans la cuisine, et s’approche de moi.

Et là, un truc. Rien, mais un courant électrique. Je le sens qui s’approche, et je me demande, comme souvent dans ces cas-là, est-ce que lui aussi sent quelque chose? (à part l’odeur romantique du saumon fumé sur mes doigts).

Il s’approche, passe juste derrière moi et me regarde faire, appuyé sur le plan de travail. Je prends les tranches de saumon et je fais une chiffonnade.

(Super, le concept de chiffonnade, au passage).

– Super, me dit-il. Il me regarde avec concentration, comme je regardais la façade de l’immeuble tout à l’heure, comme si regarder quelqu’un faire des petits tas plissés de saumon fumé était une activité en soi.

Et le silence.

Le silence, dans une cuisine, certes, mais un silence qui se remplit d’une sorte d’électricité.

Nom de Dieu, on y est, on tient le contexte !!!

Enfin ça bouge, non? question contexte.

Je suis là, très ontologiquement et lui aussi.

Je veux dire que je me sens être debout, moi, et je le sens debout près de moi. Il se passe un truc. Je m’interroge. Et je me dis que j’ai tort de m’interroger; tort : ça doit être maintenant, et puis c’est tout.

Mais je ne fais rien, je continue à faire ma chiffonnade de saumon.

Il prend l’assiette quand j’ai fini et l’emmène dans le salon.

Quand il sort, je reste soufflée de ma connerie. Non, pas possible.

Mais je ne me démonte pas, je cherche un bol pour mettre le tarama.

Et je fais griller le pain.

Je sors le beurre (c’est pas de ma faute, j’aime le beurre).

Il revient.

Il me regarde encore. Je n’arrive pas à savoir ce qu’il pense. Est-il terrassé par la maestria avec laquelle je transvase le tarama dans le bol?

Par le fait que je coupe le pain de mie en triangle?

Et pendant que je coupe le pain de mie en triangle, je me dis, j’entends des pensées résonner dans ma tête : tu te trouves seule dans une pièce – bon, certes, une cuisine – avec Lui, c’est le mieux que tu aies obtenu jusqu’à présent, et que fais tu? Tu coupes du pain en tranche?

Je vais me laver les mains (l’odeur de saumon) et je me tourne vers Lui, je lui dis, d’une voix sans souffle parce que la situation est trop lourde, je lui dis :

– Ecoute (et j’ai l’intention de dire un truc du genre : je vais faire quelque chose que j’ai très envie de faire – c’est juste pour me motiver, j’ai besoin de parler, c’est plus fort que moi.)

Sauf que je ne dis rien.

Je commence « écoute » et hop, je ne l’avais pas vu venir (si je puis dire) mais il s’avère que Lui est nettement plus proche de moi que prévu, et paf !

Paf.

On s’embrasse. Curieusement, j’ai l’impression étrange de me vider de toutes mes forces, toute mon énergie, alors que rappelez-vous, il y a un moment, je captais des énergies telluro-cosmique. Mais là, plus rien. C’est la tension qui doit baisser violemment. J’ai la tête qui tourne, et donc forcément, que fais-je? Ben, je m’accroche à lui, forcément, sinon je vais tomber.

Et là, je baisse un voile pudique sur la suite des évènements, car je suis une personne pudique et que certaines choses sont privées.

En revanche, je jure solenellemment que je mets la suite demain.

Où Fanette se pose des questions, avant d’aller chez Lui….

ascenseur

Je suis complètement angoissée toute l’après midi, mais je lutte. Je me demande de quoi je vais parler, et j’essaie de me remémorer mes conversations habituelles avec les gens (comme d’hab). Heureusement, parce que j’ai été stressée par le sujet, je m’étais fait une fiche sur mes sujets de conversations, il y a trois semaines, alors que je me disais : mais ce n’est pas possible, je parle de trucs avec les gens. Et je regardais ma fiche (si) en me disant : mais comment vais-je amener ça sur le tapis?

On n’était pas sorti de l’auberge.

Et puis là, grâce en soi rendues au PS (je présente mes regrets aux militants), on pourra parler de ça. Ça fait quand même un sacré sujet, et on n’a même pas besoin de parler. Il suffit de dire « ah la la mais c’est pas vrai ». Ou » moi j’aime ni l’une ni l’autre » ou « moi j’y comprends rien mais qu’est-ce qu’ils sont dans le merde ». C’est du phatique de base. Merci Ségo, merci Martine.

Après j’ai une idée qu’elle gééééniale : je vais acheter du champagne et du tarama et du saumon. A défaut de parler, on mangera.

J’explique : je ne vais pas arriver en me tortillant et en rougissant. Je vais me redresser (et derrière mon PC je me redresse ; je prends au moins 15 cm, car l’instant d’avant j’étais recroquevillée sur le clavier, à me dire : mais pourquoi je suis nulle avec ce type, pourquoi, pourquoi? En essayant de le transformer mentalement en Pierre-Henri, car avec Pierre-Henri je gère tout, et pourquoi pas avec lui???).

Donc je vais arriver d’un pas plein d’assurance, sûre de moi et tout, bien droite. Ah ah ah.

En plus ce jour-là j’ai de petits talons. Avec des talons je peux marcher en faisant clac clac, ça me donne la pêche. c’est con, mais bon.

J’ai un manteau long (ça me tasse un peu, mais je me sens bien dedans).

Je révise mentalement tous les trucs positifs, et je me dis que je vais tout faire pour me sentir bien et arriver le soir chez lui en forme.

Avec de quoi boire, soit avec lui seul, soit avec son coloc, je ne sais pas s’il est là ou pas.

Et si Lui a un truc de prévu, je laisse le champagne chez lui, en gueulant que je reviendrai et qu’on le boira ensemble.

Ou j’insiste pour qu’on le boive avant?

Qu’est-ce qui est mieux?

Je m’abîme dans la réflexion. Comme je ne sais pas ce qui est mieux, je n’arrive pas à voir la situation de l’extérieur, j’arrête d’y penser. Je vais me flinguer le moral.

Vers 16 heures, Lui m’appelle pour confirmer.

Je prends une voix affairée pour lui dire que je m’en souviens très bien. Mais j’ai du boulot, hein, mais je me souviens, oui bien sûr.

je raccroche et mes mains tremblent.

Oh, que j’en ai marre.

Pierre-Henri m’appelle. Croyez le ou non, mais j’ai une bouffée de tendresse pour lui.

On discute. Il veut qu’on parte en week end. Je lui dis que je ne sais pas. Il soupire. Je dis d’accord (parce que si ça merde avec Lui, j’aurais besoin d’un remontant).

Mais si ça merde avec Lui, j’aurais envie plutôt de rester sous ma couette.

Mais je ne resterai pas sous ma couette. C’est mauvais. Ah, et puis zut. Je dois juste aller chez lui, pour le reste c’est obscur.

Bon, j’ai rendez-vous à 18 heures trente.

Je sors, je passe au supermarché d’à côté au j’achète mon champagne et deux ou trois trucs, etc, etc, je prends le métro en m’efforçant de ne penser à rien, et j’arrive à 18 heures 20, je rentre dans l’immeuble avec le code, je sonne à l’interphone, je monte en ascenseur (l’ascenseur de rêve, en cuivre doré et en vitre) et j’arrive, il est là, la porte est ouverte.

Amour, toujours….

Amour ou pas, je n’en sais rien, obsession sûrement.

Les choses évoluent favorablement selon moi.

En fait, tout est différent. Sa rupture, ou semi-rupture avec Sandrine a transformé Lui. Il voit le monde extérieur, et surtout il me voit. Avant, il avait toujours l’air plongé dans ses soucis, pensées, là il a le même air, mais avec un oeil ouvert sur le monde.

Et le monde, c’est moi.

Enfin j’exagère…

Ce qui change, aussi, c’est moi, et ça n’est pas anodin. j’en suis assez contente, et je me demande comment l’expliquer. L’année dernière, j’étais timide, enfin, timide dans mon comportement, je ne savais jamais quoi dire et le boulot me plaisait, mais les gens me déplaisaient. je ne savais pas comment me positionner par rapport à eux.

Je suis restée dans une position bizarre, mi-« je rentre dans le jeu », mi-« je suis hors du jeu », et au final, ça a payé – ça a payé en moi : je me sens extérieure au boulot, mais je suis dedans quand même.

Est-ce que ce que je dis est clair? Je joue le jeu, je parle, je bouge, mais à l’intérieur je suis différente.

Soyons plus imagée : le monde extérieur, c’est le bureau, la cour intérieure, la vigne vierge, la machine à café. Mais dans ma tête, je suis ailleurs, et j’y avais quand je veux : je pense parfois à tous les matins du monde ; parfois à Dune, au Palais de Leto I ; parfois je suis à Combray. Quand je regarde les gens de mon open space, je reviens de si loin qu’ils me paraissent bizarres.

Cet état d’esprit m’a donné de l’assurance ; j’ai changé mon look, j’ai des tenues toutes prêtes dans mon placard ; je les ai listée ; si je ne réfléchis pas à ma façon de m’habiller, je vais arriver au boulot en pyjama. J’ai donc fait des listes strictes, tel pantalon avec telle jupe etc.

Un soir dans la rue, j’allais à un vernissage, j’avais réfléchi à ma façon de m’habiller, et plein de gens m’ont regardé dans la rue. Du coup je me suis regardée aussi, dans les vitrines ; je n’arrivais pas à savoir si j’étais ridicule ou pas. Mais au vernissage, où le champagne n’était pas bon et les petits fours secs, ce qui n’a pas compensé les croûtes, la fille qui m’invitait a dit que j’avais un super look (ce qui ne me rassure qu’à moitié car elle était habillée très bizarrement) ; disons que ça passait dans le contexte.

Donc, à force de renforcement positifs, je me suis sentie plus forte.

Je ne traverse pas la cour du même pas qu’avant.

Je n’entre plus dans le bureau de Ben et Lui comme avant.

Maintenant Lui enlève ses lunettes et boit un café avec nous.

Nous dialoguons. Je veux dire que je n’assiste pas au dialogue Ben-Lui.

Donc, du mieux.

Enfin, je me sens mieux.

Lui déménage, vu qu’il vivait chez Sandrine, il a trouvé un appart en coloc. Un coloc qui, selon lui, n’est jamais là. Quelle chance. L’appart est immense (il y en a qui ont du bol), une chambre immense, une cuisine immense, un salon immense.

Et là, vive la confiance en soi. En fait, quand il me dit ça, je suis dans son bureau, et il m’explique :

– Ah, tu sais, je croyais que j’allais laisser le bureau, mais peut-être je vais encore venir travailler ici.

– Ah oui?

– Ouais, j’ai trouvé une coloc d’enfer, je ne peux pas louper ça, mais je ne peux pas mettre mon bureau chez moi comme je voulais.

– Aaaaaahhh… (je prends l’air navré).

(Il me décrit l’appart).

– Mais ça a l’air génial !!! (je pousse des cris)

– Oui, et puis c’est un appart ancien, mais le type à refait la salle de bain, enfait il a fait un truc délire, il a cassé une chambre pour refaire la salle de bain, donc il a une salle de bain immense… Et la chambre a au moins 4 mètres de plafond… J’ai vu ça, j’ai craqué. Il faut que je vive là.

– Je veux voir ça, je veux le voir !!! J’adore les vieux appart !!

– Ben, passe ce soir, si tu veux.

(Moi, essayant de ne pas m’étrangler)

– Ah, ben… ouais, OK.

Ce soir.

Juste, il faut que j’annule Pierre-Henri.

j’ai annulé.

Mais ce qui est génial, c’est (vous me permettrez, ici, de m’en réjouir comme une petite fille, d’accord?) que je n’ai même pas réfléchi ; avant, j’aurais écouté, et je n’aurais pas osé dire « oh, je voudrais voir ça », par  des principes de je ne sais même pas quoi à la con, je ne le connais pas assez, enfin, non, ce n’est même pas ça : il y a des gens qui me bloquent et d’autres pas, mais lui, me bloquait. Sauf qu’avec mon assurance qui m’est venue, je ne pense plus à cela, je ne me retrouve plus dans cette situation conne où, au moment où j’ouvre la bouche pour dire un truc, je me dis « mais peut-être qu’il ne faut pas que je dise ça? » et du coup, je referme la bouche, bredouille et passe pour une gourde. Du coup, avec les gens avec qui j’étais à l’aise, pas de souci, je pouvais dire ce que je voulais ; mais avec tout une série d’autres personnes, je me retrouvais à vouloir parler, hésiter, sortir une phrase, puis m’interrompre, ou bafouiller « Euh, non, non, rien » en me maudissant.

Ce n’est pas la confiance totale ; si j’avais confiance, je ne remarquerai pas ce que je vous dis là, vous saisissez? mais il y a un mieux. Je n’ai pas eu l’air de dire « oh, s’il te plaît, je veux aller chez toi », comme une petite sotte. J’ai poussé des cris sur les appart anciens et.. voilà.

Donc, je vais aller chez lui….

Et je vais vous raconter mais pas tout de suite.

Pas tout de suite.

Vous verrez, ça évolue… pas trop mal, mais il y a un mais.

L’amour est-il soluble dans les conventions socio-culturelles?

( Suite de ça ; ouais, le titre est… bbbb. Je sais, mais j’ai rien trouvé, j’étais de mauvais poil).

Ce qui me perturbe, au fond, c’est que ça marche : oh, il n’est pas venu me tomber dans les bras, mais il s’est mis à me voir. Il ne s’est peut-être pas mis à ne voir que moi ; j’ai l’impression qu’il nous voit tous un peu plus (par tous, j’entends ceux de ma boîte). Mais il me fait des remarques ironiques qui disent très bien ce qu’elles veulent dire : quelle élégance, me dit-il en me regardant d’un air que je ne saurais qualifier. Elle est où, la petite Fanette?

Elle est où? Je lui ai répondu ce jour-là que la petite Fanette était devenue grande.Mais la petite Fanette n’est pas devenue grande ; c’est plus subtil que ça. Dans mon ancien boulot, et plus encore dans celui-là, j’ai pris conscience de l’importance des apparences dans la vie, et dans les entreprises. Il faudrait que j’en parle (mais Brad Pitt m’occupe beaucoup, je dois dire), mais j’ai fait très attention à ma façon de me comporter ; et plus encore ; j’ai réussi, au prix d’un certain effort sur moi-même, à me mettre en valeur aux yeux de Marc (effort non pas pour me convaincre de le faire, mais pour avoir ce comportement arriviste – bon, j’en reparlerai) ; mais ce qui me démonte, et plus que cela, c’est que cela semble fonctionner aussi pour Lui.

Du coup, il y a deux choses là dedans : ça donne raison aux filles qui se soignent et se font belles, sauf que certaines apparemment ne trouvent pas toujours chaussures à leur ped, mais bon, ça leur donne raison. Et puis ça veut dire que toutes ces conneries du genre « sois toi-même », eh bien c’est vraiment des conneries. D’abord, je suis un peu moi-même en working woman, ça m’amuse de me déguiser ; ça me donne l’air plus sérieux dans mon boulot. Tout le monde est content. Mais je suis quand même plus moi-même en pull et en jean. Mais simple et en quelque sorte négligée ; vraiment négligée. Ainsi, je deviens invisible. Mais si je suis invisible, personne ne fait attention à moi ou n’imagine que peut-être je puis être intéressante. Sauf mes amis.

Je sais : si Lui était un mec vraiment bien et tout, il serait tombé amoureux de moi avec mes vêtements qui me rendent transparente. Il aurait détecté la perle rare en moi, vu mon âme sous le pull, et paf. C’eut été l’amour, au premier regard, voire au deuxième.

Pourquoi je fais chier le monde d’ailleurs? j’ai Pierre-Henri, il est super Pierre-Henri, il m’emmène en week end, au restau, on s’amuse, c’est le bonheur. Mais il est bien, mais pour un temps défini. Trop de Pierre-Henri tue le Pierre-Henri. Il finit toujours par ma dire un truc qui me glace le sang. ça ne l’empêche pas d’être gentil ; mais je ne pourrais pas vivre vraiment longtemps avec quelqu’un qui ne prend jamais le bus, par exemple. je ne dis pas que prendre le bus me transporte (ah ah ah, il y a une plaisanterie super fine, vous avez vu?), mais c’est la vie, quoi. Il ne peut pas aller dans un chinois. Bon, OK, la qulaité laisse le plus souvent à désirer, mais ça fait partie des petits trucs, l’expression de son visage quand je suggère un chinois. « Pas ça » – ben si, ça, Fanette elle aime les chinois. Oui, il y a plein de gens, et parfois ils crient et ils font du bruit. Alors que dans les restau où je vais parfois avec Pierre-Henri, tout le monde parle doucement. Tiens, ça me rappelle un film, ah oui, les Blues Brothers, quand ils vont faire chier leur copain au restau.  On s’égare.

Ce que je veux dire, là, c’est que le conformisme social vaut dans les relations hommes femmes. Habillée comme une grosse nulle, j’ai plu à Pierre-Henri qui doit croire qu’avec moi il se frotte (ce n’est pas un jeu de mot, mais une allsuion suggestive, pas hyper fine du reste, mais je n’avais plus de fin en stock), oh comme c’est troublant, avec la France Profonde, une vraie aventure par delà les barrières culturelles. Moi, la farfelue, lui, des beaux quartiers et on s’aime, enfin on passe des moments agréables, je n’en disconviens aucunement (rendons à Pierre-Henri ce qui est à Pierre-Henri). Dès que je lui parle de Proust (aaaaaaah la culture c’est bien), de Philip Dick (la science-fiction quelle aventure) de Djamel Laroussi (un musicien arabe !!! comme c’est exotique), il voyage. Je lui fais faire des économies. Je pense qu’il me trouve divertissante. Et relativement bien élevée : le bon plan, quoi.

Quant à Ben j’ai très bien compris que tout le monde aime bien Ben. Moi aussi, je vous rassure. Mais le genre ado éternel, c’est super sympa, mettons, jusqu’à 30 ans. Mais au delà, ça cesse d’être mignon. Qu’on ne me dise pas que je suis difficile : déjà, je ne baguenaude pas avec lui (je le sens potentiellement collant) ; et puis j’ai quand même le droit de vouloir sortir avec quelqu’un qui mange autre chose que des pâtes fraîches (excellentes) et des pizzas. Car lui non plus n’aime pas trop les chinois, ça sent bizarre. Le Français est pénible, je vous jure. Et les grands restaurants, ça calle pas. Bin non. Quand il a faim et pas le temps, Ben ouvre une baguette en deux et y met le contenu d’une boîte de lentilles-saucisses froides et de la moutarde. Alors croyez-moi, d’ici à ce qu’il aime le champagne, on y est pas.

(Lui aime le champagne ; on pourra toujours en boire).

(La prochane fois, je serai de bonne humeur)