(suite de ce post)
– Ah la la… Tu sais que j’ai eu un coup de téléphone de Dubreuil ?
– Ah ?
– Enfin, un coup de téléphone, attends que je t’explique. J’ai eu un appel en absence et c’était lui. J’ai rappelé il n’a pas décroché et après il m’a textoté : dsl pas fait exprès. Non mais tu te rends compte ?
Oui je me rends compte – enfin non – enfin si, certes, c’est irritant, mais Dubreuil n’a jamais été fin, et puis avec sa manie de tout gonfler, aussi. Dubreuil c’est son ex, l’ »homme qui l’a fait souffrir ». Elle l’appelle par son nom de famille, pour mettre de la distance entre eux. Ça ne marche pas, mais ça donne un genre.
Enfin, comme je ne peux pas lui dire qu’elle me gonfle m’agace m’irrite me fait chier avec ses faux problèmes devrait peut-être prendre un peu de distance avec Dubreuil vu que je le lui ai déjà dit et qu’elle convient elle-même qu’elle ne peut pas et que j’ai admis que ça n’était pas facile parce que les hommes hein, je fais :
– Pffff.
En haussant les sourcils. Sémantiquement parlant, c’est léger, mais pas que, car il y a tout de même du signifié, non ? Le souci avec Faustine, c’est qu’elle vit des drames sentimentaux. Avec Dubreuil, ce fut le drame, la passion tout ça. La douleur, et la rupture. Il faut, dans l’écoute, être à la hauteur… Mon pff l’était-il ? Enfin, on ne peut pas toujours être au top. J’enchaîne :
– Et avec Bran ?
(le sculpteur se prénomme Branislav).
– Ah ! fait Faustine en se renversant en arrière. Elle a un petit geste de la main, comme si elle l’écartait. « Tu sais. Bran… Brani…
Là voilà songeuse, perdue soudain dans une rêverie sur l’amour…
– Comment te dire ? Il est fou. De moi, je veux dire. C’est tellement…
– Gratifiant ?
Ça m’a échappé. Je me ressaisis. Elle me regarde avec surprise et je me hâte d’expliquer :
– Non mais je veux dire : après Dubreuil, un homme qui t’aime, je veux dire : à fond… Disons : vraiment.
– Mais tu ne comprends pas.
– Je me suis mal exprimée.
– Dubreuil m’aimait et d’ailleurs je vais te dire : il m’aime encore.
– Oui. Non mais tout à fait. Je comprends.
– Mais avec Brani c’est tellement… sain. Fort. C’est moi Tarzan toi Jane, quoi. Ça repose. C’est bien. Mais…
– Il y a donc un mais, fais-je d’un air finaud.
– Oui. Tu vois, cette folie, ces rendez vous, ces engueulades, au fond, le problème tu vois c’est que je demande si pour moi ça n’est pas ça, l’amour. Note que je pense que j’ai tort. Tu penses que j’ai tort ?
– C’est toi qui vois.. Moi, je ne trouve pas ça reposant de s’engueuler mais…
– C’est pas le problème ! Ecoute j’ai lu un truc je sais plus où : il parait qu’on a en nous, depuis l’enfance, un certain rapport à l’autre ou à l’amour… Et moi je crois que si on ne m’engueule pas, si on m’aime tout simplement, ça m’angoisse. J’ai besoin de me sentir désirée par l’autre, mais désirée avec ardeur. Brani – mais attention, je l’adore et je ne suis pas dingue, je ne retourne pas avec Dubreuil – Brani pour lui ça va de soi, il m’aime, il ne me le dit pas. Du coup je doute. Avec Dubreuil, quand il me plantait je doutais forcément, mais après, les retrouvailles ! Oui, bon, enfin sur ce plan là, Brani il assure, note. Heureusement.
Faustine rêve, puis redescend sur terre et soudain, son visage s’éclaire, se fond en un délicieux sourire, et elle dit :
– Et toi ?